Le cross de Léonard au départ de Douelle avec une Masala (EN A)
Léonard a 9 mois de parapente derrière lui et réalise depuis le début de l’été des petits cross avec sa SKYWALK Masala. Tellement heureux de son premier grand cross de 73 km en plaine au départ de Douelle, Léonard nous a demandé si nous accepterions de publier ses impressions. Naturellement, nous avons accepté. Voici son récit.
Léonard Siclon, ingénieur, Toulousain de 27 ans, toujours attiré par le vol, s’est enfin décidé à faire du parapente lorsqu”il a commencé ” à en avoir marre de se “péter les genoux dans les descentes en randonnées”. Il a commencé son enseignement en 2014 avec Lionel James de l’école Toulouse Parapente et a poursuivi sa progression tout seul.
Il commence dès le début de la saison, avec seulement 6 mois de parapente derrière lui, à faire des petits cross avec sa SKYWALK Masala. Le 9 aout 2015, il réalise un joli cross de 73 km au départ de Douelle. Tellement heureux de son premier grand cross, Léonard nous a demandé si nous accepterions de publier ses impressions. Naturellement, nous avons accepté. Un beau début dans l’univers du cross! Bravo Léonard!
Léonard en trek solitaire de 6 jours – Au Tuc de Ratèra dans le Parc d’Aiguestortes – Espagne (2863 m)
9 mois et 100 h plus tard, 73 km en plaine !
Le parapente, voler et surfer dans les thermiques. Une passion récente pour moi, mais je m’y suis jeté entier.
Après mes premiers grands vols en école en octobre 2014, j’ai utilisé tout mon temps libre pour augmenter mon expérience et mon autonomie. L’hiver est propice pour les débutants, l’aérologie est calme.
Au printemps, je m’habitue au fur et à mesure à des conditions thermiques de plus en plus fortes. Je commence à bien me balader, je fais mes premiers petits cross en montagne. J’arrive à accumuler 190 vols et presque 100 h durant ces 9 mois.
Le team des pious pious, un beau jour d’août
Et puis, un beau jour d’Aout, mes parapotes, Alex et Thomas, me proposent d’aller à Douelle. Je n’y avais guère volé depuis la fin du printemps. Je ne regarde pas trop la météo et je décide de les accompagner.
Sur la route, on regarde le ciel. Pas encore de nuages. Je me dis que ca va être du thermique bleu… aie aie ! Alex dit en rigolant qu’il volerait bien jusqu’à Albi. Je rigole aussi : je n’ai qu’un vol de 13 km de Gensac-sur-Garonne comme expérience de vol de plaine… Alex et Thomas ont un niveau équivalent au mien : un an et demi de vol et volent comme moi sous des EN-A (Mescal 4 et Alpha 5 respectivement). Bref, la dream team des pious pious !
J’étale ma Masala 2, mon petit bijou
On arrive au déco. On retrouve Estéban, qui a campé sur place : un jeune pilote talentueux, Pôle Espoir, qui vole sous une PEAK 3, EN-D.
Au nord, au sud, à l’est, les cumulus se forment. Rien encore au dessus de nous. Patient, je pique nique tranquillement. Estéban décolle. Ca tient. Puis il commence à prendre du gaz. Alex et Thomas se mettent aussi en l’air.
Allez, à mon tour ! J’étale ma Masala 2. Mon petit bijou à moi pour le vol rando. Elle gonfle comme une crème, comme d’hab, et c’est parti !
Bam, je saute dans le thermique. En effet, la rivière est toute fripée sous moi. Je tourne à droite. Grosse bulle! Comme ce printemps en montagne! Je ne m’y attendais pas ! Des feuilles mortes voltigent autour de moi. Fermeture à droite, fermeture à gauche… mes mains suivent pour garder le contact. Pas terrible tout ca comme entrée en matière!
Plus je monte, plus le froid se fait sentir
Alex et Thomas, à 100m, eux, n’ont rien remarqué. Ils sont dans des thermiques tous doux. Je les rejoins. On prend 100m, et paf, fin de cycle. Je dégringole sous le déco, eux aussi. J’arrive à trouver une zone à droite qui porte, et y reste bien, en attendant.
Pauvre Thomas descend un peu trop… et fini au tas. Alex, grand prince, se pose au déco pour aller le chercher en voiture.
Pendant ce temps, le cycle reprend, et je monte tranquillement. Une fois arrivé à 1000m, je repère une barbule en formation en amont. Je m’y lance. Estéban l’a repéré aussi et m’y rejoint.
On enroule en dérivant. Je n’arrive jamais à me mettre à son altitude. Plus je monte, plus le froid se fait sentir. L’air est vraiment frais ! Mais j’ai les deux mains bien trop occupées pour fermer ma veste ou enfiler mes passes-pouces. Arrivé à 1400 m, je zérote et n’arrive pas à monter plus. J’ai l’impression qu’il est en train de se désagréger.
Maintenant, il faut choisir. Je suis un peu bas pour partir en cross… tant pis, j’essaye quand même, des cumulus en pleine formation me tendent leurs bras en aval. J’en profite pour fermer ma veste et passer mes manches.
Après 5 min de transition, je raccroche une zone montante. Bon, ce n’est pas terrible mais ça monte quand même ! Je me recale mieux et trouve un +1 à +2 m/s qui va bien.
Estéban, qui lui a réussi à mieux exploiter le nuage précédent (lequel n’était à priori pas mort…) me rejoint un bon 150 m au dessus. Il enroule vite jusqu’en haut, et transite, me laissant sur place.
Quand à moi, j’enroule, j’enroule… au bout de 15 min, je suis à 1800 m, juste sous le nuage. Impossible de monter dedans. Bon, on ne va pas y passer la nuit ! Je transite aussi ! Premier barreau.
Quelle décision prendre? Partir vent dans le dos?
Je suis un peu gêné par l’aérodrome de Cahors. Il faut éviter de s’en approcher trop, à cause des lâchés de parachutistes ! Du coup, je choisi un cap un peu plus Est que je n’aurai voulu. Et là… ma finesse sol s’écroule. Un coup d’œil à mon vario-GPS : 20 km/h, -3 m/s ! Qu’est ce que c’est que ce bazard? J’enfonce l’accélérateur à fond pendant que le sol me bondit lentement à la figure. Je sors enfin de la zone. Mais je suis bas déjà ! 850 m … Je vois Estéban tranquillement à 1600 m sous le nuage devant moi…
Quelle décision prendre ? Partir vent dans le dos ? Je ne sais pas si c’est la meilleure décision. La où je suis, j’ai senti des zones portantes, je zérote, il faut juste que je trouve la source. Tiens, ces parcelles bien jaunes (verger d’oliviers ?). Je m’y avance… bingo !
Après 15 min de thermique, je suis de nouveau à 1500 m ! C’est gagné !
Thomas et Alex redécollent vers ce moment. Ils passent sur une fréquence privée pré-réglé. N’ayant pas le courage de régler ma radio en vol, je l’éteins, afin de ne plus avoir les crachotis désagréables des balises lointaines. Un peu de silence! bip bip!
(lire la suite plus bas)
Le froid régnant là haut me dissuade de faire l’effort de bien enrouler jusqu’en haut
Pendant un temps, le vol est une succession de thermiques et de transitions. Mon cerveau vagabonde, je regarde ce paysage, formé, modelé par l’homme. Plus rien n’y est naturel. A quoi cette plaine ressemblait-elle il y’a 500 ans ? il y a 10 000 ans? Des forêts? Des prairies d’herbes vertes? En tout cas, pas de lignes à haute tension, c’est sûr !
Je ne monte jamais jusqu’aux nuages. Le froid régnant là haut me dissuade de faire l’effort de bien enrouler jusqu’en haut. Du coup, je thermique jusqu’à ce que je le perde, et puis je transite, jusqu’au prochain thermique rencontré valant le coup.
Forcément, à jouer à ce petit jeu, je fini en point bas à 400 m sol. Je rallume le cerveau, observe les nuages en formation. J’oblique ma route plus sud pour me placer en accordance, enfin du moins, je l’espère ! Ma chance de débutant me fait retrouver le thermique !
La fatigue se fait vraiment ressentir
Et hop c’est reparti pour enrouler. Je m’applique plus cette fois, jusqu’à 1650m. Mon GPS s’affole, je rentre dans la zone R46C de l’armée, non active ce jour là.
J’arrive en vue des gorges de l’Averyon, que je ne connais guère. En fait, à quelques kilomètres à gauche, il y’a le site de Saint Antonin Noble Val, où j’ai volé une fois au printemps dernier. D’ailleurs, je l’apprendrais plus tard, Estéban y est posé. Il c’est fait, comme moi plus tôt, contré par un vent d’Est soudain.
La suite du vol est plus dure, et plus enrichissante d’une certaine façon. La fatigue se fait vraiment ressentir. J’ai mal à l’épaule gauche. Ma nuque est raide. Je lâche les commandes pendant les transitions et essaye de faire revenir du sang dans mes doigts. Pour mes jambes, je ne peux rien faire, à part descendre en altitude. Les nuages sont de plus en plus omniprésents dans le ciel. Peut être 5/10. Je n’ose couper tout droit au dessus des gorges. Le terrain est vallonné et boisé sur de nombreux kilomètres. Alors j’oblique plus sud et les longe par la droite. Enfin, le terrain me semble plus hospitalier et je m’engage.
Je sens vraiment que la fin arrive, je n’ai plus d’énergie
Je profite de la transition pour dé-zoomer sur mon GPS. Oh! Mais j’ai fait plus de la moitié du chemin pour aller à Albi ! D’un coup, l’objectif délirant évoqué en voiture n’est plus si délirant que ça.
Après un autre petit plein à 1400 m, je sens vraiment que la fin arrive. Je n’ai plus d’énergie. J’ai hâte de poser, mais j’ai aussi envie de donner le maximum de moi.
Je suis à 3h de vol. Mon vol le plus long jusqu’à présent était de 2h20.
Le reste est une lente agonie. Point bas à 575 m. Je retrouve un petit thermique que j’enroule en dérivant… Je remonte à 700 pitoyables mètres, le perd. Repart dans une fuite en avant. Cinq kilomètres plus loin, j’arrive devant le village de Lintin, sur une côte. Je sens que je vais m’y échouer. Je passe 200 m au dessus du clocher… oh une bulle !
Il fait plus chaud ici-bas. Pour la forme, on peut bien l’enrouler ! Je remonte à 750 m d’altitude et tire une dernière fléchette jusqu’au petit village de La Reveille. Il y’a une départementale! Pas beaucoup de circulation, mais ca fera bien l’affaire. J’arrive vent de cul à 30 m sol, au dessus d’un petit pré. Dernier virage à l’arraché, finale, et enfin posé ! Les jambes un peu flageolantes ! Mais je suis content ! Il fait chaud, mais je garde la polaire le temps de plier afin de sortir de mon hypothermie.
Je mange quelques Princes, que j’avais heureusement glissés dans ma sellette avant de décoller.
Je suis « presque » à Albi
J’essaye d’appeler Alex par téléphone, tout fier que je suis, pour lui annoncer que je suis « presque » à Albi. Il ne répond pas…
La suite, je rentre en deux traites de stop chez moi à Toulouse. Merci à eux de m’avoir pris.
Sur le chemin, j’ai enfin Alex au téléphone, qui vient de se poser à Albi : 88 km ! Et Thomas n’est pas en reste, il a posé proche de mon aboutissement avec 75 km ! Avec leur deuxième départ décalé d‘une heure, ils sont partis au milieu des locaux arrivés entre temps. Ils ont pu profiter des avantages du vol de groupe et de l’expérience des connaisseurs.
Le boost psychologique de ne pas être tout seul, le fait de pouvoir vraiment partager l’expérience avec quelqu’un, m’ont manqué durant ce vol. Du coup, je me rattrape en en faisant profiter la communauté !
La suite? Et ben toujours progresser! Au niveau matériel, je vais bientôt changer pour un cocon (KORTEL Kolibri) afin de gagner en confort, confort thermique, un peu en perf et j’espère en précision de pilotage. Ma petite Masala, je vais la garder pour l’instant! On verra quand je serai habitué au Kolibri pour me trouver une B midd / B+.
Et le prochain cross, j’espère pouvoir le voler aile dans aile avec mes parapotes !
Léonard Siclon
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