Secours : comportements différents avec ou sans force G (par KORTEL)
Vidéo des tests avec le G-Force Trainer au milieu de l’article
Avant propos
Ces remarques de Max Jeanpierre de KORTEL DESIGN font suite à la vidéo synthèse de l’étude de Matt Wilkes. Un article complet présente cette étude (pour y accéder, cliquez sur l’encart de gauche). La vidéo de Jean-Philippe Gallat (à droite – durée 4:50) en dégage l’essentiel.
Les observations de Max Jeanpierre (KORTEL DESIGN)
Le cas de la poche secours sous l’assise
Pour commencer, je résume la situation du conteneur secours sous l’assise de votre étude :
– les pilotes ne regardent pas la poignée.
– pour 85%, la main va droit sur les hanches puis, finalement, en regardant devant pour trouver la poignée.
– 75% des pilotes tirent vers le haut (éventuellement vers le haut et vers l’arrière), et si ils n’arrivent pas à l’extraire tout de suite, ils tirent plus fort.
Les conclusions qui paraissent évidentes sont :
– Concevoir une sellette avec la poignée de secours sur les hanches avec une extraction facile tout en tirant vers le haut.
– Faire plutôt une grande poignée qu’il est possible de ressentir même avec de gros gants et vous avez terminé. Cela paraît simple, non ?
Pourquoi cette configuration n’est-elle pas possible ?
Cette conception serait vieille de 10 ans voire beaucoup plus, elle a été réalisée et largement rejetée par les écoles et les pilotes en général.
Pourquoi ?
Parce que dans ce cas, la poignée se trouve sous le passage de votre main lors du freinage. Cela a pu entraîner beaucoup de libération accidentelle de la poignée secours voire d’ouverture du secours. Lors de la manipulation au sol, lors de l’atterrissage, en cas de contrôle avec appui à fond sur les commandes ou en action de pilotage pour décrocher, les pilotes attrapaient parfois fortuitement la poignée de secours. C’est l’une des raisons pour lesquelles sur presque tous les sellettes, la poignée du secours a été déplacée un peu plus devant sur la cuisse, mais pas si loin du geste réflexe (toujours facile à voir et à attraper).
Les 3 types d’emplacements connus de la poche secours et la position habituelle de la poignée
Illustration extraite du Manuel FFVL “Le parachute de secours en vol libre” réalisé par PP Menegoz
Et ce n’est pas la seule remarque. Avoir la poignée à la hanche signifie également avoir une longue sangle de poignée du secours, ce qui est un problème dans le processus d’extraction comme vous l’avez remarqué dans votre vidéo.
Le secours ne peut pas se situer juste sous la hanche : la norme EN oblige à aller jusqu’au milieu de la cuisse. Pour un secours placé sous la planchette, il est donc obligatoire d’avoir le secours en avant de celle-ci. IL reste la solution de le placer en pôsition dorsale, au-delà de la protection mais ce n’est pas le meilleur endroit en cas de chute en arrière avec le secours toujours en place.
Ce n’est donc pas si simple …
Les tests d’extractions réalisés avec le G Force trainer
Je voudrais également partager une situation intéressante que nous avons rencontrée lorsque nous avons profité de la création du G Force Trainer pour tester les extractions des secours sur nos sellettes avec des G (5G).
Le geste le plus naturel est en effet de tirer vers le haut : c’est ainsi que vous obtenez le plus de force avec votre bras. Nous avons effectué il y a une dizaine d’années de nombreux tests pour trouver la bonne position du pod dans le conteneur, afin d’obtenir l’extraction de secours la plus fluide possible. Nos configurations qui fonctionnent plutôt bien ont été inscrites dans le manuel de chaque sellette. Bref, tout est parfait !
Et puis le G-Force Trainer est apparu
Bien sûr, nous en avons profité car c’était un merveilleux outil pour tester les ouvertures de secours. Et il est apparu que nos recommandations (avec des G nuls ou faibles) étaient complètement fausses lors des tests avec des G élevés (5 G).
Donc, mêmes secours, mêmes sellettes, mêmes pilotes, mêmes gestes d’extraction : deux résultats opposés !
Le cas du conteneur sous l’assise
Le cas du secours coincé sous l’assise par la sangle de la poignée, sans aucune force G, en tirant la poignée vers le haut était simplement la configuration la plus facile avec une force G élevée ! Dans ce cas précis, la force G poussait le pod secours vers le bas compensant la force du bras, faisant pivoter le secours qui s’extrait sans problème.
Sans accélération, tout mouvement est facile à faire mais, avec des G, c’est une autre histoire.
Pour l’exemple, le secours qui s’extrayait en douceur sans la force G devenait tout simplement impossible avec la force G. Le pod tournait également mais restait coincé d’une manière ou d’une autre dans la poche de la sellette. Et pas de solution possible car, sous 5G, vos bras pèsent environ 25-30 kg, donc si vous avez 5-10 kg de plus (masse du secours), il est tout simplement impossible de faire un mouvement latéral pour l’extraction. Le seul mouvement possible est celui de tirer vers le haut.
A propos du pod en 4 panneaux
Ensuite, certaines personnes ont dit : “Hé, facile : revenez sur le bon vieux 4 panneaux enveloppant la poche de secours, il n’y a aucun risque que le secours reste coincé dans la poche sous le siège (ou tunnel, comme on l’appelait à l’époque)”.
Oui, mais le secours s’emmêle dans la barre de l’accélérateur ou le cale-pieds !
Cas du conteneur en ventral
Avec un conteneur en ventral, nous n’avions également jamais remarqué, ni imaginé de problème jusqu’à ce que nous allions jouer avec le G-Force Trainer…
Nous avons également eu des résultats très surprenants avec le conteneur dans cette configuration. En position très droite, les résultats étaient tout à fait corrects. D’accord, il pouvait tomber sur les genoux et se libérer parfois entre les jambes. Sitaution certes inconfortable, masi non, le secours est ouvert.
Mais pour la même sellette avec une position plus inclinée, les sangles du secours peuvent se coincer dans les jambes, pas facile à démêler !
C’est ainsi que nous sommes arrivés au conteneur ventral intégré au cocon, avec poignée sur le côté. Vous le mentionnez comme étant un bon compromis (la sellette Nova qu’on voit sur la vidéo est en fait conçue et fabriqueé par Kortel). Mais il y a un inconvénient, comme par exemple, une gêne pour attraper l’accélérateur en cas de secours volumineux.
Faire une étude complémentaire avec force G
Je sais que vous mentionnez que les tests sans G sont une faiblesse de votre étude. Mais combien de personnes tireront des conclusions hâtives sans réfléchir davantage ?
Vous devez vraiment envisager de terminer votre étude avec des situations sous des G forts. Le protocole pourrait être à peu près le même : un pilote tournant doucement, concentré, comme vous l’avez fait et au hasard, une forte accélération jusqu’à 4G, ce serait très très intéressant.
Je dirais que, comme toujours, le design est une question de compromis. De nos jours, je ne pense pas que vous trouverez de mauvais design sur le marché. Il peut y avoir une mauvaise configuration, car des équipements incompatibles seront utilisés en combinaison, plus ou moins triviaux, comme des pods de secours avec attaches triangulaires longus +e sangle de poignée de secours.
La plupart de ces situations sont faciles à identifier lors de la configuration de votre équipement, mais elles doivent être prises au sérieux.
Avec les quelques tests que nous avons effectués, nous n’avons certainement pas couvert toutes les situations possibles et une étude beaucoup plus approfondie serait très intéressante.
Jusqu’à présent, nous n’avons pas pu trouver un design qui fonctionne parfaitement en toutes circonstances avec un geste simple et naturel. Comme vous le dîtes, la conception est toujours une question de compromis.
Un seul mouvement possible sous force G : celui du bras qui reste près du corps
Sous G faible, il est toujours possible d’extraire rapidement le parachute, même latéralement par exemple, tant que le pilote ne “gèle” pas sur le geste technique. En revanche, sous forte accélération, quasiment un seul geste est possible. Nous nous sommes donc concentré sur l’optimisation de l’extraction dans le cas de cette configuration extrême, ou chaque centimètre et chaque seconde compte.
La réponse de Matt Wilkes
Merci beaucoup pour cette réponse aussi complète. C’est génial pour moi de pouvoir comprendre l’histoire et l’évolution de votre design. Je pense que je comprends mieux maintenant la nature du « compromis » et j’apprécie vraiment que vous l’expliquiez si bien. Cela me donne également plus de confiance dans l’étude puisque vous êtes un professionnel expérimenté.
Je peux maintenant mieux comprendre le problème d’avoir une poignée sur la hanche, en termes de déploiement accidentel ou de longues sangles du secours. La question de la position du secours par rapport à la protection dorsale est cependant intéressante. Quand on regarde les blessures au dos en parapente, quel que soit le type d’impact, les fractures sont toujours à peu près dans la même position (T12-L2). C’est probablement parce que la courbe et la forme de la colonne vertébrale changent à cet endroit, ce qui la rend plus vulnérable. Donc, je pense qu’il y a peut-être encore beaucoup plus à explorer en termes de conception de la protection, et comment elle s’intègre au secours, pour comprendre les véritables effets sur les schémas de blessures. De plus, je pense que pour nous, la plus grande inquiétude devrait être une blessure pelvienne entraînant des hémorragies plutôt que des fractures vertébrales stables.
Je pense que vous avez absolument raison de dire que la prochaine étape consiste à tester sous la force G. J’espère que cette étude aura été suffisante pour convaincre les gens que je suis sérieux au sujet de cette étude, afin que je puisse avoir un peu de temps pour tester sur le G trainer. Je suis également d’accord avec vous sur la responsabilité d’apprendre les gestes adéquats quand on fait un sport, et je pense que vous le dites très bien. J’espère que l’autre message de la vidéo, destiné aux écoles, selon lequel les nouveaux pilotes doivent mieux comprendre leurs systèmes de secours sera utile à cet égard.
Merci beaucoup de m’avoir adressé vos commentaires.
Matt Wilkes