Stage cross Alpes du sud : l’approche humaniste de l’école “A travers ciel”
Jean-François, vous dites sur votre site que les élèves ne sont pas des “vases à remplir” mais des “flammes à allumer”. Peux-tu me dire comment vous fonctionnez ?
Pour nous, il y a deux aspects qui répondent à cette question.
Chaque personne a son histoire. Ses spécificités sont le point de départ de nos formations. Et en même temps, nous prenons en compte ce qui se vit chez chacun dans le stage. Nos élèves ont la parole, ils peuvent s’exprimer et être entendus. C’est dans cette écoute que nous découvrons ensemble leurs mécanismes et leurs besoins. Puis nous travaillons ensemble à les faire évoluer.
Le second aspect est fondé sur nos connaissances du parapente, sur notre expérience aussi. Pour apporter notre expertise, nous cherchons à démêler le contexte où l’élève se situe et répondre à ses besoins avec précisions. Nous souhaitons éviter les réponses théoriques toutes faites, ou les réponses qui anticipent les questions sans vraiment les comprendre. Ou plus simplement encore les réponses sans questions, autrement dit des apports sans réels besoins. Selon nous il n’y a aucun intérêt à poser une expertise déconnectée du vécu de l’élève.
Comment qualifiez-vous votre enseignement ?
C’est une question pour les spécialistes de l’enseignement ! Tentons modestement d’y répondre.
La pratique du parapente se réalise dans un milieu aérologique en perpétuelle évolution. Elle dépend aussi énormément de l’état des compétences de la personne et de ses émotions. Notre pédagogie est donc basée sur les spécificités des “activités humaines complexes.” Cela commence par la compréhension et la prise en compte des besoins de chaque stagiaire dans son contexte servie par une relation d’écoute vraie. Et donc la réponse est située dans un chapitre universitaire intitulé méthode d’apprentissage humaniste ou courant pédagogique humaniste. Notre enseignement est donc centré sur la personne plutôt que sur le rayonnement du moniteur et de son savoir qui prendrait toute la place. Un équilibre en est la clé. Le point de départ pour les personnes qui viennent avec nous est un entretien en visio plusieurs jours avant le début du stage. Nous faisons un point ensemble pour parler de ce qu’ils cherchent et préparer le terrain.
Ce que vous voulez créer, c’est une atmosphère propice pour apprendre ?
Oui, c’est tout à fait ça. Nous nous attachons à créer un climat serein et apaisé dans le respect de chacun.
Nous considérons qu’un apprentissage réussi passe avant tout par des mises en situation qualitatives. Nous considérons qu’elles ne sont possibles qu’avec des relations interpersonnelles à haute valeur ajoutée. La situation type à éviter c’est le moniteur qui interprète à sa convenance ce qu’a réalisé l’élève sans s’intéresser à son propre vécu. Je ne veux pas être le moniteur qui croit bien faire en bombardant ses connaissances sans s’intéresser aux vécus des élèves.
Pour les stages cross que vous proposez, c’est en quelque sorte une formation individualisée basée sur les acquis et vécus des élèves en quelque sorte ?
Oui, nous accueillons leurs réussites et leurs erreurs comme des opportunités de comprendre leurs schémas mentaux, leurs manques techniques, leurs processus de prise de décision ou leurs états d’esprit à un moment donné. Tous ces indices nous permettent de comprendre comment nous devons construire leur progression.
Combien d’élèves par session de stage cross ?
Comme nous cherchons à créer des situations favorables à l’apprentissage, nous proposons des stages à 2 moniteurs pour 6 élèves maximum. Parce qu’il nous semble impossible d’être sérieusement attentif à la progression de plus de trois pilotes à la fois. Donc pas de moniteur chauffeur, les deux moniteurs suivent les élèves en l’air pour un maximum d’attention à chacun. Un chauffeur est dédié à la logistique.
Présentation de la formation de l’école “A travers ciel” par Jérôme Canaud
Dans cet épisode de Wingmaster, Jérôme Canaud présente les formations proposées par Jean-François Chapuis et Antoine Dubois-Mercé au sein de leur structure.
En savoir plus sur Jean-François et Antoine
Jean-François, toi qui as un long parcours dans l’enseignement, peux-tu me dire quel est le cheminement qui t’a amené à développer cette approche pédagogique ?
Mon cheminement a toujours été porté par mon profil de personnalité analytique. Et mon intuition qui m’a toujours laissé penser que le parapente marche sur deux jambes : la technique et le mental.
Ma formation professionnelle parapente s’est faite au contact de Michel Cossec et Catherine Schmider, des formateurs qui ont toujours placé l’humain au centre du projet « Vol ». (Brevet d’état 2000). En 2016, je me suis formé à la préparation mentale à l’université de Clermont, cette expérience m’a apporté de nouveaux outils pour explorer la fonction du mental dans notre activité et le sport en général. C’est le hasard des rencontres qui, en 2019, m’a permis de m’inscrire à un Master de recherche en ingénierie de formation, accompagnement et analyse de pratique. Une expérience inouïe qui m’a marquée pour toujours. Denis Loizon, chercheur à l’université de Dijon-Bourgogne, m’a offert cette opportunité. J’ai consacré mon travail de mémoire de recherche au débriefing dans le domaine du parapente. Cette fantastique aventure m’a permis de comprendre les rouages de notre activité complexe et de la façon dont on l’enseigne.
Debriefing stage cross
Jean-François Chapuis
Installé à Montclar dans les Alpes de Haute Provence. Moniteur parapente, formateur de moniteur, préparateur mental, compétiteur et ex-compétiteur haut-niveau
J’ai commencé à voler en 1992. J’ai vite été mordu par cette activité, j’en ai fait ma priorité, mon métier. Je peux dire que cette activité m’a sauvé la vie. Elle m’a rendu vivant. Je mesure d’autant mieux l’importance de cette activité pour ceux qui la pratiquent.
Quel est ton parcours professionnel et tes autres activités dans le vol libre ?
Après 20 ans à faire des interventions en formation initiale de moniteur, je poursuis cette tâche auprès des moniteurs déjà diplômés. Je pratique le biplace professionnel à Saint-Vincent Les Forts et je suis président des ailes de Bourgogne, mon ancien club d’origine pour lequel j’ai choisi de donner de l’énergie et d’être notamment animateur sécurité de club.
Quelles sont tes ambitions en matière d’enseignement dans les années à venir ?
Je n’ai jamais arrêté d’enseigner le parapente. C’est pour cela que je tiens maintenant à mettre toutes ces connaissances et compétences au service des pilotes qui viendront avec Antoine et moi pour l’aventure.
Je souhaite découvrir de nouveaux horizons, de nouveaux territoires – ce que j’ai déjà entrepris avec la préparation mentale et l’analyse de pratique professionnelle. J’ai un rêve pour l’activité, faire partie de ceux qui vont contribuer à faire évoluer la formation des pilotes. Pour cela je suis toujours motivé par la découverte, l’apprentissage et la formation.
L’association avec Antoine ?
Mon association avec Antoine tient dans le fait, comme le dit l’expression consacrée, que le talent n’attend pas le nombre des années ! C’est un réel plaisir que de travailler ensemble et de le partager avec nos élèves.
Antoine Dubois-Mercé
Installé à Gréolières dans les Alpes-Maritimes
Moniteur parapente, compétiteur haut-niveau
Comment es-tu arrivé au parapente ?
J’ai découvert le parapente en 2016 après un parcours professionnel à rebondissement, il répond à un besoin profond. J’ai trouvé une passion et un métier à la fois. Avant ça j’ai validé un DUT mesures physiques et Informatiques, une licence en Arts du spectacle, j’ai fait la classe d’initiation du conservatoire nationale d’art dramatique de Montpellier, je m’étais lancé dans une licence en Physique fondamentale et j’ai arrêté à la fin de la deuxième année, je m’ennuyais énormément. De nouvelles perspectives me sont apparues avec le parapente. Maintenant les stages que j’encadre sont pour moi des moments de partage et de vérité dans les rapports humains. La compétition et le vol de distance m’offrent un espace de pratique où je peux me donner au maximum en tant que pilote.
Quels sont tes projets personnels et professionnels ?
Je rentre sur le circuit PWC cette année. J’ai fini 6° à la Coupe du Brésil ; un résultat très encourageant. Les compétitions c’est comme des stages, j’y apprends beaucoup et à chaque fois avec beaucoup d’émotions, de plaisir et de frustrations, c’est intense ! Un objectif est déjà atteint, j’ai ma place pour la finale en mars 2024. Maintenant il reste du chemin pour atteindre les podiums.
Aussi j’ai organisé à la maison avec le club Augrédelair un challenge d’initiation à la distance. Pour faire découvrir l’univers de la compétition dans une ambiance apaisée et conviviale.
Sur le plan professionnel je vais continuer à développer les stages dans les Alpes du sud avec Jeff. On travaille aussi pour proposer des voyages pendant l’hiver.