Denis Verchère propose un vol au Mont Blanc à Jacques Gamblin
Photo ci-dessus : Denis Verchère et Jacques Gamblin à la verticale du sommet du Mont Blanc
Préparation du vol découverte de Jacques Gamblin – hiver 2017
La pièce se joue dans le ciel !
C’est la rencontre de deux hommes. L’un se distingue par ses qualités d’acteur, d’écrivain, de poète et de marin, l’autre par une vie à essayer de voler le mieux possible.
Comme l’homme volant se déplace dans les airs, l’acteur se meut sur scène.
Comme l’acrobate virevolte, le comédien effectue mille prouesses dans l’espace avec son corps.
Comme le pilote doit sentir le mouvement des masses d’air et s’adapter aux conditions, le comédien capte les émotions du public et s’y adapte.
Comme le parapentiste est en face à face avec les éléments de la nature, l’acteur s’expose seul sur scène à son public.
N’y a t-il pas de la poésie dans le vol ? Ne serions-nous pas les marins des airs lorsque nous faisons de grandes traversées dans le bleu du ciel, lorsque nous surfons ces grandes vagues qui nous ascendent ou nous descendent, lorsque nous cherchons de nouvelles pistes, de nouvelles traces invisibles ?
Tant de points communs entre lui et moi qu’un lien fraternel s’est rapidement installé. Un projet en est né : celui de faire découvrir à Jacques Gamblin un grand voyage en parapente dans l’infiniment bleu, dans l’infiniment grand, dans l’infiniment infini.
Deux saisons que nous attendions les bonnes conditions
Cela fait maintenant deux saisons que nous attendions les bonnes conditions pour une remontée des Alpes. Malheureusement, entre nos emplois du temps surchargés et la mauvaise météo, notre projet était en stand by jusqu’à ce dimanche 26 juin où tout a basculé.
Devant les bulletins météo, mes yeux ont fait Woufff, mon cerveau a fait Yeahhh !… Montée d’hormones, réaction reptilienne : « wouawwwww putain con, mais ça peut le faire le Mont Blanc !!!! ». J’attends le lundi pour la confirmation des prévisions et appelle Jacques. Il venait de quitter Paris en train pour rejoindre sa Bretagne tant aimée mais au bout de deux minutes de conversation, il me confirme, qu’à peine débarqué chez lui, il repartira pour 8 heures de train en direction des Alpes.
Sur place, nous serons hébergés comme des princes chez Françoise Riche et Philippe Sicardi (dit Fifi le fada) Master Chef du vol de distance en biplace. Durant cette soirée de préparation, car oui un vol ça se prépare (surtout celui-là), Fifi usera de tous les stratagèmes pour me rendre malade, histoire que je ne survole pas le Mont-Blanc avant lui.
Trois biplaces en direction du Mont Blanc
Nous voilà donc partis ce mercredi 26 juin au matin en direction de l’Italie d’où nous souhaitons décoller. Nous serons trois biplaces ; Fifi et sa passagère « Bib » (Colette Cécillon), Samy Chenelat et sa femme Cathy, ainsi que Jacques Gamblin et moi. Arrivés sur place, nous prenons une télécabine qui nous montera jusqu’à 2200 mètres d’altitude. Ensuite, nous effectuerons 100 mètres de dénivelé pour augmenter nos chances de percer cette basse couche qui nous semble stable.
Samy et Cathy décollent avec une petite brise de face. Dix minutes plus tard, Fifi et Bib décollent sans vent. Jacques et moi, nous sommes prêts. Il ne nous reste plus qu’à nous installer dans nos sellettes et enfiiiiiiin décoller vers le Saint Graal, le Mont Blaaaaaaannc !!!!!!
Un vent de cul se met en place… Longue attente et, bien entendu, nous sommes habillés pour aller sur la lune.
Mais comme par hasard, un léger vent de cul se met en place ! Je ne sais pas vous, mais parfois j’ai l’impression qu’il y a un mec qui appuie sur des boutons et prend un malin plaisir à switcher les conditions, et ça m’agaaaaccceee !!!!
Pas de panique ! Il est environ 13h20, nous sommes sur une face cramée par le soleil, pas de vent météo annoncé, il va y avoir du thermique à gogo, donc forcément ce n’est qu’un peu de vent de cul dû à l’appel d’air du thermique qui déclenche devant. Tout cela devrait revenir dans l’ordre rapidement, je n’en doute pas.
5 minutes, 10 minutes, 15 minutes, 20 minutes et 30 secondes, 23 minutes 45 secondes et 39 dixièmes…. que nous attendons avec ce mauvais vent établi qui oscille entre 5 et 15km/h. Bien entendu, nous sommes habillés pour aller sur la lune, c’est à dire comme des cosmonautes, tant au niveau des effets vestimentaires que du matériel emporté. Je ne vous fais pas un dessin de la moiteur, pour ne pas dire du ruissellement que nous sentons sur notre peau transformant nos vêtements en serpillières.
A l’image d’un glacier fondant à cause du réchauffement climatique et d’où les séracs se décrochent, je sens ma patience partir en éclats. Avec un air de pigeon malade, je regarde Jacques et lui propose de descendre rejoindre le décollage situé à la sortie de la télécabine.
De nos vêtements s’écoule tellement d’humidité, qu’elle sera probablement responsable des quelques nuages présents ce jour là
Voilà donc deux cosmonautes, voile en bouchon, descendant la montagne, confiant d’avoir trouvé la solution. Durant l’interminable descente, nos yeux s’élèvent et contemplent avec un certain agacement les innombrables voiles naviguant à des hauteurs que nous ne pouvons même pas imaginer. Est-ce un mirage dû à une drogue injectée par Fifi, à la chaleur ou au manque d’altitude ? Tout ce que je sais, c’est que nous allons devoir décoller plus bas et réduire nos chances de trouver le thermique salvateur. Nous arrivons enfin à la télécabine. De nos vêtements s’écoule tellement d’humidité, qu’elle sera probablement responsable des quelques nuages présents ce jour là, nous tenons à nous en excuser. Nous tournons la tête vers la manche à air, et là comment vous dire ?! Ou plutôt, comment ne pas hurler ! Oui, mes yeux voient 20 km/h de vent de cul et mon cerveau lyophilisé dit « put… de Bor… de mer…. , c’est une blague ! Y a une camera cachée quelques part ? Ce n’est pas possible !!! Aaaaahhh la vraie mauvaise blague bien pourrie !!!! » Et bien si ! C’est tellement possible que le vent va forcir pour atteindre 25 à 35 km/h en rafales.
A ce moment-là j’ai l’impression d’être le seul con sur terre qui ne va pas pouvoir décoller, alors qu’il y a 300 voiles qui vont bientôt flirter avec le Mont-Blanc.
Jacques, d’un calme exemplaire, fait preuve d’une écoute parfaite et m’accorde une confiance absolue.
IMPOSSIBLE !!!! On va la trouver cette put… de solution ! Je réfléchis (enfin j’essaie) et me vient une idée (je n’ai pas dit « bonne » idée !). Nous trouvons une arête perpendiculaire au relief, mettons le parapente en boule sur celle-ci car il n’y pas de place pour l’ouvrir puis déplaçons lourdement et maladroitement nos corps fatigués entre cailloux et petits arbustes. A ce moment-là, Jacques, d’un calme exemplaire, fait preuve d’une écoute parfaite et m’accorde une confiance absolue. Nous attendons une accalmie et gonflons la voile face à la montagne puis, sans faire un pas, nous basculons dans le vide avec un quart de tour immédiat sur la droite. Eurêka !!!!! Nous sommes en vol, vent de cul avec une finesse proche de 3, mais en vol !!! Nous avançons de 300 mètres et trouvons LE thermique salvateur qui nous catapultera à un peu plus de 3000 mètres d’altitude.
Nous nous laissons envahir par la magie du vol
Maintenant, il faut se calmer et laisser place à la concentration du vol, sans se précipiter. La vue de tous les parapentes au sommet du Mont-Blanc (dont Fifi), donne envie de vouloir faire vite mais ne confondons pas vitesse et précipitation. Nous avançons doucement, sûrement, sereinement, contemplativement et nous laissons envahir par la magie d’un vol dont le terminus, s’il vous plait Monsieur, sera le Sommet du Mont-Blanc. Nous y arriverons environ 1 heure après notre féerique décollage et admirerons ce panorama exceptionnel, celui que j’aurais aimé contempler en 2012 lorsque j’étais cloué dans un lit d’hôpital durant de longs mois.
Un moment d’une intensité incroyable
Nous ferons dans cette journée, par deux fois, le Mont-Blanc et monterons à 5200 mètres d’altitude. Nous vivrons avec Jacques un moment d’une intensité incroyable, qui se prolongera le long du Mont Maudit, du Mont-Blanc, du Tacul, de la Mer de Glaces, des Grandes Jorasses… Et nous finirons le vol paisiblement en Italie où nous poserons, étrangement, en régime de brise descendante.
Mettez vous quelques instants à la place de Jacques Gamblin dont l’expérience se résumait à un vol découverte en hiver et qui se retrouve à survoler le toit de l’Europe !
Ce type de vol sollicite l’organisme de façon extrême : hypoxie, relief impressionnant de haute montagne, thermiques exploités pendant de longues minutes, masses d’air mouvementées… Je suis admiratif de la maîtrise dont il a fait preuve.
Jacques a goûté à la grandeur du ciel, à l’infiniment petit que nous sommes face aux éléments. Il a su comprendre et se connecter à cette passion dévorante qu’est le vol.
Un tel vol restera gravé à jamais dans nos mémoires et je remercie MONSIEUR Jacques Gamblin pour sa grande confiance et sa fraternité.
« À bientôt Frangin ! » dans les airs, sur mer ou sur scène.
Denis Verchère
Remerciements
Je remercie la société Fly Dream (Flora Charrieau) et « Guigui » Chatain pour le prêt du biplace OZONE Swift Max qui nous a permis de nous hisser là-haut et empêcher Guigui de battre des records.
Petit portrait de Denis Verchère
Denis est passionné par tout ce qui vole depuis bientôt 30 ans. Il touche à tout : parapente sous toutes ses formes, delta, hélicoptère, planeur, chute libre, base jump, wing suit, paramoteur, speed flying, speed riding…
“J’ai apporté ma pierre à l’édifice dans le parapente (voltige, mini-voile), le base-jump et la combinaison ailée”. Il a créé “Parapente Poursuite”, aidé Laurent Ferrand dans son ouvrage sur le pilotage “Parapente le memento – pilotage et voltige”.
Il a aussi traversé la Manche en biplace, fait des films primés (acro-base, evasion….), bref plein de choses… Denis déclare être très exigeant et perfectionniste dans son travail et dans sa manière de voler.
Liens le concernant :
Air La Plagne – Parapente Poursuite