Vols records commentés par Antoine Girard et François Ragolski (Pakistan)
1 – Le vol d’Antoine Girard : le sommet du Broad Peak survolé jusqu’à 8407 m
Antoine Girard taquine les montagnes du Pakistan depuis de nombreuses années
En 2016, Antoine Girard avait déjà survolé le Broad Peak lors de son expédition de 19 jours en vol bivouac en solitaire (1260km ) en atteignant l’atitude record de 8157m.
En 2018, au cours d’une autre expédition de 6 semaines en vol bivouac, Antoine Girard et Damien Lacaze avaient réalisé une boucle de 1500 km en survolant ou en effleurant les plus grands sommets du Pakistan, de la frontière afghane à la frontière chinoise. Cette année là, ils ont atteint les 7950 m.
En 2021, Antoine repart de nouveau pour le Pakistan mais avec une plus grande équipe : Julien Dusserre, François Ragolski, Guillaume Omont, Fabian Buhl, Sébastien Brugalla, Alexandre Jofresa. Ils ont réalisé ensemble durant 15 jours de nombreux vols dans le Baltoro dont 6, pour Antoine, jusqu’au Broad Peak. Le 18 juillet, dernier jour de l’expédition, Antoine et Faby ont décidé de refaire le Broad Peak…
Images du vol record au Broad Peak d’Antoine Girard
Il s’en est fallu de peu pour que ce record ne se réalise pas
Si le parcours pour rejoindre le Broad Peak (40 km environ) se déroule bien malgré la relative stabilité, les espoirs s’amenuisent lorsqu’ils arrivent sur la dernière montagne (le Marble Peak) avant le Broad Peak, celle sur laquelle ils doivent avoir suffisamment de gaz (6500m) pour rejoindre le versant sud du Broad Peak. Comme ils ne parviennent pas à prendre suffisamment d’altitude, ils sont contraints de prendre la décision de rentrer. Heureusement, en revenant sur leur pas, ils retrouvent des conditions plus clémentes sur leur dernier thermique, ce qui les remotivent pour tenter la transition. Altitude atteinte au dessus du Marble Peak, ils se lancent.
La face sud du Broad Peak étant peu généreuse, ils optent pour l’éperon du Nord-Ouest. L’ascension en thermo-dynamique offre des conditions turbulentes, il leur faut tenir leur voile à chaque instant.
Vol en 3D entièrement commenté par Antoine
Un vol exploit permis grâce à l’expérience
A 7500 m environ, Antoine vit un moment de faiblesse et il diagnostique très vite que ses symptômes sont liés à l’hypoxie. Conscient des dangers, il redescend pour retrouver ses esprits à 7000m. Il soigne sa respiration et sa concentration. Reboosté, il envisage de nouveau le sommet. Retour dans la zone thermo-dynamique mais cette fois, il garde ses esprits. A 7600m, retrouvant des conditions de vol en dynamique, dans un air plus fluide, il se dirige plus serein vers le sommet.
En s’approchant du sommet. Il doit gérer ce moment d’apothéose full barreau à cause du fort venturi. L’écran du vario Syride SYS’NAV XL indique une avancée à 10 km/h environ face au vent. Sa voile pouvant filer jusqu’à 80 km/h, c’est dire la vitesse du vent à ce moment-là !
Pour le retour, il doit encore gérer face au vent fort en altitude. Après avoir rejoint la montagne Marble Peak, aucun gain, petites frayeurs, craignant de ne pas arriver à rejoindre le camp de base. Au final, il y arrive tout juste en finesse.
Un record impossible sans les autres
Son précédent record (8157 m en 2016) ayant été effacé par celui de François Ragolski (8225 m- voir ci-dessous) a sans aucun doute renforcé sa motivation à aller encore plus loin, plus haut… Mais n’oublions pas, cet exploit n’aurait peut-être pas eu lieu s’il avait été seul. Ce jour-là, il était accompagné de Fabian Buhl et les15 jours précédents, c’était avec plusieurs compères qu’il volait dans ces montagnes vertigineuses.
Cet exploit d’Antoine Girard dans les montagnes du Pakistan a beaucoup d’échos dans l’univers de la montagne, notamment celui des passionnés d’alpinisme.
Fabian Buhl avec le K2 à droite et le Broad Peak à l’extrême droite
2 – Le vol de François Ragolski : le sommet du Rakaposhi jusqu’à 8225 m
Tout le matos bivouac pour “oser” s’aventurer loin
C’était une très belle journée. J’étais équipé pour du gros cross en haute montagne avec tout le matos bivouac indispensable pour “oser” s’aventurer loin des grands axes. Heureusement car la fin du vol (les 70 derniers km) était magnifique et je n’aurais jamais osé aller là-bas sans ce matériel de bivouac.
Mon cross ne se passait pas comme prévu
Ce jour-là, il y avait des plafonds autour de 7000m mais rien ne me laissait penser aller très haut. C’est un peu comme partout sur cette planète, plus on s’approche des grosses montagnes et plus les plafonds montent.
Comme mon cross ne se passait pas comme prévu, j’ai donc décidé de tout miser sur un beau passage en haut du Rakaposhi. C’était ambitieux car le sommet était plus haut que le plafond nuageux.
En me rapprochant de la montagne, je voyais les nuages défiler assez vite en haut de la montagne et dans un angle assez favorable pour créer une dynamique de pente. Ca m’a complètement fait rêver et je me suis mis en mode très optimiste, limite rêveur, dans l’idée tout de même de pouvoir atteindre les 7788 mètres du sommet.
Grosse incertitude mais, après le premier bip, je savais que le sommet était jouable.
J’ai réussi à me hisser en thermique à 7500m sur les faces du Rakaposhi. Puis en me jetant contre la face nord, j’ai eu une grosse incertitude. Soit j’étais trop bas et j’allais dévaler 5000m en 20 minutes, soit j’allais reprendre en dynamique. Il m’a fallu tout traverser pour enfin reprendre sur l’épaule complètement à l’Est du sommet sur une petite pente un peu mieux orientée.
Dès le premier bip, je savais que le sommet était jouable. Lorsque le sommet a disparu dans les nuages, j’ai été dégouté, pendant 10 minutes. Je n’ai rien lâché et une éclaircie m’a permis de passer au dessus du sommet. Les nuages se sont refermés sous moi et je les ai “surfés” jusqu’à 8225 m !
Quel vol, je ne l’oublierai jamais !
Après, pour les 100 km suivants, on était comme dans un rêve qui en cache un autre : Le Diran où j’ai fait un stab à 7200m, puis encore un autre rêve, le Spantik à 7027 m. Que du bonheur !!! Puis un retour quasi de nuit à l’hôtel. Quel vol, je ne l’oublierai jamais !