Le paralpinisme, un sport d’équipe : Rulten et Kétil en Norvège
En mars 2015, quatre amis sont partis réaliser un tour de l’Atlantique Nord en bateau. Le but était de skier, faire de l’alpinisme, du parapente et du kayak entre la Norvège, l’Islande et le Groenland. Vaste programme de navigation pour les marins qu’ils ne sont pas, heureusement, ils ont plus d’expérience en montagne qu’en mer. Benjamin, membre de la « team Nervures » nous raconte son expédition et deux de ses plus beaux vols.
Une paroi mythique pour l’escalade mixte en Norvège
Ascension au Rulten
Le Rulten, belle face en mixte, retour en 3min VS retour en 4h
Nous skiions depuis quelques jours les merveilleuses combes des Lofoten en Norvège et depuis notre arrivée dans le fjord la face impressionnante du Rulten nous attirait l’œil. Du haut de nos 23ans de moyenne d’âge et avec toute la prétention qu’elle engendre, nous nous sommes engagés dans cette face en se disant qu’Alex et Bruno descendraient en ski dans le couloir, et moi en parapente, c’était pas gagné…
Les difficultés étaient bien plus importantes que prévues et, finalement, l’ascension supposée facile, s’est avérée très technique : glace à 85°, blocs coincés, mixte délicat, sortie improtégeable… Nous donnerons la cotation TD-/M5 sur 400m pour ce couloir devenu goulotte.
L’esthétisme que je recherche dans mes vols me pousse à tenter un décollage du point culminant
Nous sommes arrivés depuis 5 minutes au sommet. Alexandre et Bruno tentent de repérer un itinéraire de descente en ligne avec Valentin qui est resté au bateau. Je suis dans mon monde, concentré sur mon vol depuis la fin des difficultés. L’esthétisme que je recherche dans mes vols me pousse à tenter un décollage du point culminant malgré les confluences qui créent des turbulences. Je pourrai décoller, j’en suis certain, le vent est modéré et je connais ma Swoop (Nervures) sur le bout des doigts, elle sera au dessus de ma tête avant que je m’élance.
Les copains m’aident en me replaçant ma voile après les mauvais gonflages et finalement…
Décollage du sommet du Rulten, Lofoten Island
Je ne comprends pas pourquoi tous les alpinistes ne font pas de parapente, au delà de la beauté du vol, c’est la sécurité pour la descente
« Bon, et nous… On est partis pour une deuxième bartasse! »
Alex ne croyait pas si bien dire, la descente leur a réservé bien des surprises. En passant dans des couloirs avalancheux où les pierres et les blocs de glaces se côtoyaient pour les effrayer, ils n’ont, pour ainsi dire, pas du tout skier. Valentin et moi sommes sur le bateau depuis plusieurs heures quand nous récupérons les deux lascars éreintés et très pressés de voir les images du vol. Ce n’est plus un couteau qu’on enfonce dans une plaie, c’est un sabre avec lequel on se tranche un membre!
Le vol était magique, au milieu des nuages, j’ai survolé la voie que l’on venait de grimper et finalement posé sur une langue de neige à 5 minutes du bateau. Valentin, bien qu’étant néophyte dans les activités de montagne, a bien réalisé les choses : «Je ne comprends pas pourquoi tous les alpinistes ne font pas de parapente, au delà de la beauté du vol, c’est la sécurité pour la descente!». C’est à partir de ce moment là que Bruno a décidé d’acheter une vraie aile montagne qu’il pourra amener partout et qu’Alexandre s’est mis en tête de commencer à voler.
Vol du Kétil, plus jamais ça ! Quoi que…
Niché au fond du fjord Tasermiutt au Groenland, le Kétil, mastodonte de 1400 m, domine les sommets alentours. Je ne sais pas comment j’ai pu avoir l’idée de prendre ma voile, toujours est-il que cette ascension « mission » s’est terminée par un vol extraordinaire !
Une ascension? Non, une mission!
Après s’être faits refouler des deux premières voies que nous avons tentées, nous avions la ferme intention d’arriver au sommet du Kétil, quitte à y rester plusieurs jours. Nous nous sommes engagés dans la voie historique, un canyon de 1400 m qui raye la face avec ses vires évidentes. Premier jour : canyon-escalade, lever 7h, coucher 3h du matin. Deuxième jour : escalade-canyon, lever 7h coucher 21h. Troisième jour : plein le c** des 25 kg d’eau, des trois duvets, des grosses doudounes, du sac de hissage, on décide de laisser une grande partie de matériel dans la ligne de rappel et de ne prendre que l’essentiel. Vous l’aurez compris, pour moi, ma voile faisait partie de l’essentiel! Nous arrivons 70 m sous le sommet quand le soleil se couche vers 22h, le bivouac sans duvet ne nous permettra pas de recharger les batteries, dommage nous en aurions eu bien besoin !
Jour 4 : GROS but, enfin, pas pour tous!
Une longueur! Une foutue longueur dans laquelle Alex se lance avant le lever du soleil. L’eau qui ruisselle dans le dièdre final rend la longueur effrayante à ses yeux. Si Alexandre vibre dans une longueur, je ne me sens pas du tout prêt à y mettre les pieds d’autant que depuis le début de la voie, je ne pense qu’à ce vol, sommet ou pas, je tenterai de décoller!
Le soleil se lève sur les sommets alentours quand je me décide à sortir la voile compactée dans un sac de compression de duvet. Bruno et Alexandre me tiennent chacun un groupe de suspentes pour qu’elles ne se coincent pas dans le granit abrasif. Je les ai déchargés du matériel dont ils n’auront pas besoin. Sans le ressentir à ce moment, je suis dans un état de concentration ultime. Il n’y a pas de vent, ça va être monstre-tendu !
Faux départ, je décide alors de couper la gopro, je ne veux pas être influencé par « le film de l’exploit » qui entraverait mon discernement.
La magnifique face Sud du Kétil, impressionnante!
Je change d’orientation, le décollage est encore plus court, vraiment ça craint, j’annonce aux copains : « allez rideau, je descends avec vous » et Alex de répondre « ça a re-tourné ! ». En effet, il y a 2 km/h de vent de face dans la première direction, je la tente! J’engage les trois premiers pas, c’est le vide dans ma tête, pas le temps de regarder la voile, je n’ai aucune information sur ce qui se passe au dessus de moi mais ça doit être bon. Premier pas dans le vide…
Je suis en transe, je gesticule sous mon aile, je crie, je me libère du monstre granitique! Sans le moindre souffle d’air, mon aile a plongé sous le décollage, alors quand Bruno et Alexandre entendent mes hurlements, ils se regardent et envisagent le pire… Pourtant je suis en vie, plus que jamais, je le sens et je les remercie à pleins poumons d’avoir participé à cette expérience extrême!
Moins de 5 minutes après, je pose seul au monde à 50 m du bateau sur une plage aux allures de paradis. Mes amis me rejoindront 14h plus tard.
Le paralpinisme ouvre bien des perspectives : enchaînements, descentes rapides, échappatoires dans certains cas mais voler en montagne n’est pas anodin. J’apporte une importance capitale à mes prévols et je prends extrêmement soin de mon matériel. Avec un gonflage impeccable et une grande solidité en turbulences, la Swoop de chez Nervures est, selon moi, irremplaçable sur ce type de vol. Enfin si… Mais uniquement par la Swoop 2 !
Les copains rentrent en juin de « la boucle sud », donc en attendant le film complet, vous pouvez suivre leurs aventures et retrouver nos photos sur le site internet et sur la page facebook.
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