Première en Guadeloupe : 50 km en Côte Sous le Vent – Sam Sperber
Au départ, vol ordinaire
Le décollage a eu lieu à 10h10 pour moi de la Citerne sous une légère pluie. Nicolas m’a rejoint une trentaine de minutes plus tard et nous sommes restés 1h30 à innover en vol et à découvrir la face sud de la Madeleine. Sous forme de fanfaronnade, Nicolas s’est jeté sur Gourbayre : “je vais aller me poser à la distillerie des 3 rivières” me lança-t-il.
Il y a un truc sympa à tenter
Lorsque je le vis se refaire sur le Mont Caraïbe et, après observation du ciel vers l’Ouest, je me suis senti l’âme d’un aventurier et me suis dit qu’il y avait un truc sympa à tenter : soit le rejoindre, soit se piquer au jeu et tenter de remonter vers la Soufrière, la Madeleine ayant été entièrement circonvolée ! Mais cela ne suffisait plus car la générosité de la masse d’air nous donnait littéralement des ailes : allez, on tente l’Ouest, “Nico, rejoins-moi sur l’Université de Saint Claude et on avise.” Il ne fallait pas plus de tentation au néo-guadeloupéen, si le patron donne le feu vert alors pourquoi se priver ?
Nous voilà partis de crête en crête, de gorge en gorge, de masse végétale tropicale en cascades inaccessibles autrement, de cumulus en barbules.
Presque sous hypnose, je reconnaissais les villes et villages qui défilent en bord de mer, le littoral de la “Côte Sous le Vent” qui distille une à une ses plages. Des lieux que je connais bien au sol se révèlaient à moi à 1200 mètres d’altitude.
La Route de la Traversée, entre les 2 fameuses Mamelles, m’offrait un spectacle somptueux sur l’ensemble de l’archipel : la Grande Terre sous la pluie qui n’aura pas vu le soleil de la journée, la Désirade bien éloignée de ce somptueux vol réalisé en ses falaises la semaine dernière, Marie Galante dont la vision a disparu doucement derrière la ligne de ces cumulus cotonneux et les Saintes dont la silhouette se distinguait encore subtilement.
Objectif : la plage de Grande anse
La Basse-Terre était à mes pieds. Deshaies que je convoitais encore secrètement n’était plus une illusion inaccessible. Sa plage, Grand’Anse, est devenu un objectif que la technique de vol, la concentration et la maîtrise de ma fidèle aile Omega X’Alp dAdvance Paragliders me permettait d’imaginer sereinement.
Juste une petite gorgée d’eau de la bouteille que j’avais emmenée avec moi
Passages en point bas (moins de 80 mètres au dessus de Pointe Noire et sa pisciculture), puis enchaîner avec les plafonds à flirter avec la condensation des nuages (à environ 1200 mètres) aurait pu accentuer par la boisson et les variations de pression, l’envie de se soulager. Comme je ne suis pas équipé de Pédilex (les infirmières et lrd pilotes de cross comprendront), et que ce ce vol était imprévu, hors de question de se poser prématurément, la fête étant trop belle !
La plage, mon goal, et ce jour-là, mon Graal !
La plage de Malandure est alors apparu, puis Pointe Noire. J’ai dépassé Baille-Argent et je suis parvenu à refaire le nuage. Je me suis même laissé glisser légèrement dedans, juste ce qu’il faut pour voir encore la mer et les toits qui brillaient sous mes pieds, histoire de garder le cap. Puis, pleine visibilité à nouveau; pleine lumière au contraste exceptionnel. Puis le port de Deshaies est apparu : je savais que, derrière, il y a sa plage, mon goal, et ce jour-là, mon Graal ! Je disposais de tout le gaz possible et il ne me restait que 5 km à parcourir : “je suis vent arrière, ma voile est un bolide, c’est gagné… mais je ne suis pas encore posé”.
Petite session de voltige
Je me suis avancé sur le lagon, puis j’ai refait un plein sur la verrue locale, la carrière. Je suis revenu sur le lagon avec 1200 mètres sous les pieds pour une session de voltige et de descente infernale, ultime session pour se défouler après ces 4h15 de vol. J’ai calmé le jeu, bien observé la plage, repéré le vent grâce aux mouvements grâcieux des manches à air locales (les palmiers), construit mon approche mentalement : membre de l’Équipe de France de Parapente de Précision, cela semble de facto à ma portée. Cependant mes 36 années riches de plus de 27 000 vols m’ont appris une chose : tant que tu n’as pas les pieds au sol, c’est que tu es toujours en vol ! Et Lapalisse n’a jamais fait de parapente…
La dernière image sera une tortue luth de plus de 2 mètres s’éloignant du rivage lors de ma finale. Quelle magie, le lagon est splendide : voler est un privilège !
Sam Sperber