Les pilotes de la Coupe du monde parapente : des têtes pensantes
Ayant suivi les pilotes français lors de la Coupe du Monde Parapente à Chamousset du 24 au 31 mai, j’ai pu me rendre compte que le vol en compétition est loin d’être une ballade à enrouler les thermiques avec une aile ultra performante. Naturellement, pour voler à ce niveau, il faut avoir un « capital expérience » et un pilotage du tonnerre, mais il faut surtout avoir une « tête pensante » douée d’une analyse décisionnelle extrêmement rapide pour construire le meilleur scénario d’évolution de parcours. Quelques secondes de retard et tout est perdu.
Dans les courses avec les meilleurs pilotes mondiaux, la tactique s’avère aujourd’hui l’arme primordiale pour gagner, surtout depuis la nouvelle génération d’ailes de compétition très performantes et rapides. Yann MARTAIL, lors d’une interview, précise que “les voiles planent tellement que nous ne faisons pas les mêmes choses qu’avant. On a encore monté d’un cran l’espace de jeu. La plaine devient même un endroit pour naviguer”. La nécessité de monter à chaque fois au plafond n’est plus forcément la solution absolue. Une bonne analyse spatio-temporelle, une remise en cause permanente des scénariis de parcours et la prise de décision au bon moment sont les facteurs-clés du succès.
La compétition en parapente, une affaire de groupe comme en cyclisme
En l’air, chaque pilote compte sur l’autre, quelque soit son équipe, sa nationalité. Les pilotes comparent souvent leur pratique avec celle du cyclisme même s’il n’utilise pas le même vocabulaire. Les pilotes volent dès le départ en groupe, s’observent dans la grappe. Avant le « start » (départ en l’air quand tout le monde a décollé), chacun se bat pour être au plus haut du thermique tout en essayant d’être au plus près de la ligne de départ.
Les pilotes « jouent le groupe » parce que l’observation des ailes dans la grappe leur permet de bien identifier les zones potentielles. Suspendue dans la masse d’air, chaque aile représente un bon repère des mouvements et des forces ascendantes du thermique. Au fil du parcours, la stratégie du vol en groupe persiste mais plusieurs divisions peuvent se former en fonction des choix stratégiques des « meneurs ».
Observer, analyser et anticiper pour ne pas tomber dans le panneau de la “moutonnerie »
Dans la grappe, tous les pilotes s’observent et s’interrogent : quand sortir du groupe, monter ou ne pas monter jusqu’au plafond, rester sur la montagne, partir en plaine, suivre ou ne pas suivre le choix de tel groupe, accélérer ou pas, respecter les indications du briefing? Didier Mathurin parle de la faculté d’analyse spatio-temporelle et de la prise de décision personnelle.
Il leur préconise de confronter le briefing avec les réalités de la masse d’air, de réfléchir au préalable à plusieurs scénariis pour adopter instantanément la bonne option en fonction des indicateurs en l’air et enfin de faire confiance à leur analyse personnelle. Il conseille aussi de ne pas faire forcément le plein à chaque fois, de doser sa vitesse pour optimiser ses paramètres hauteur/distance (technique MacCready speed, très utilisé en planeur et en delta plane). La Coupe du monde parapente devient plus technique mais surtout plus tactique.
S’engager ou suivre? La Coupe du monde parapente, une course à la bonne décision
Comme en cyclisme, des pilotes s’échappent à des moment précis. Ils se différencient parce qu’ils ont fait un choix stratégique à un moment donné. L’analyse, l’évaluation de la prise de risque et la décision se jouent très souvent en quelques secondes. En coupe du monde parapente, pas de place à l’hésitation. Une décision prise 5 secondes trop tard est souvent fatale. Une erreur de scénario est aujourd’hui irrécupérable depuis les nouvelles générations d’ailes. Cette capacité décisionnelle est naturellement plus facile pour les pilotes expérimentés qui ont emmagasiné un capital expériences enrichi par leurs nombreux succès et échecs. Ce capital leur permet d’anticiper, de ne pas hésiter et de se détacher rapidement du groupe.
Cela n’empêche pas à des jeunes fougueux, poussés par la soif de victoire et avec un goût du risque plus prononcé de tenter leur chance à la Coupe du monde parapente. Par expérience, ces pilotes au comportement plus « personnel » se cassent très souvent le nez. Selon les pilotes interrogés, la probabilité de réussite d’un choix trop personnel est de 1/10. Quant aux suiveurs, leur décision est cruciale car ils doivent, eux aussi, décider en quelques secondes si l’option prise, soit par le meneur, soit par deux groupes qui font des choix de parcours distincts, est la bonne.
Les compétiteurs de la Coupe du monde parapente, des pilotes avant tout
J’ai assisté à la Coupe du monde parapente dans le but de découvrir la compétition et de suivre les pilotes français. Pilote loisir, d’un naturel plutôt discret, j’ai approché progressivement mon “aile de leur bulle”. Ne connaissant pas du tout la “masse d’air” des compétiteurs, j’imaginais entrer dans des “thermiques” très engagés. Erreur, on y pénètre sans difficulté et on y enroule avec plaisir. Le pilote compétiteur est avant tout un pilote, passionné et ravi de partager. Seul sur place pour couvrir l’événement au quotidien, j’ai même ressenti, de leur part, une certaine joie d’être interviewé.
J’ai pris beaucoup de plaisir à les suivre au quotidien, à écouter tout aussi attentivement qu’eux les consignes de Didier Mathurin, très pédagogue, laissant les pilotes exprimer leur point de vue pendant le briefing ou debriefing. Didier a une démarche pédagogique à la fois auprès du groupe et une approche individuelle auprès de chaque pilote. J’ai aussi remarqué que, pour tous ces pilotes, la Coupe du monde parapente est une occasion de plus pour voler, d’être entre potes, de découvrir de nouveaux horizons.
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