RED BULL X-Alps : la préparation de l’équipe de Clément Latour
Quatre pilotes français* dont Clément Latour ont été sélectionnés pour participer à la célèbre course RED BULL X-Alps 2015. ROCK THE OUTDOOR a décidé d’accompagner Clément dans cette aventure extrême et de suivre son équipe pendant leur préparation et la course.
* Antoine Girard, Nelson Defreyman et Gaspard Petiot
Clément Latour est né dans le Vaucluse au pied du Mont Ventoux. Habitant avec sa famille dans les Alpes du Nord, en Haute Savoie, près d’Annecy, Clément est un passionné et un amoureux de la montagne qui a commencé à voler en 2002. Il a déjà une grande expérience d’aventurier avec divers exploits en alpinisme. Du Mont Blanc au Kilimandjaro, un tour du monde en vélo en grimpant les plus hauts sommets dans chaque pays visités.
Avec plusieurs titres en poche en ultra-trails comme la Diagonale des Fous, les Templiers et l’UTMB, Clément est plus connu dans le monde du parapente grâce à ses exploits de vols de distance et Hike & Fly, notamment avec ses deux participations à l’édition RED BULL X-Alps (2011 et 2013) où il a remporté une belle deuxième place derrière Chrigel Maurer en 2013. Par la suite, il a participé à une succession de compétitions de haut niveau : le Championnat d’Europe en Serbie, la PWC Superfinale en Turquie avec un podium à la PWC à Chamouset et au Championnat de France et en étant sélectionné dans l’équipe de France pour le Championnat du Monde en Colombie en 2015.
Peux-tu nous présenter les membres de ton équipe et quel est le rôle de chacun?
– Clément : Ce sont deux individus clé qui mettent tout en place et gèrent absolument tout pour que notre équipe fonctionne. Nous avons commencé notre préparation ensemble depuis longtemps et je n’aurais pas pu m’engager dans cette compétition sans eux. Ils mettent tout en œuvre pour que je puisse voler, me reposer et avoir toutes les informations à portée de main. Dans la journée, ils sont là en permanence pour me soutenir moralement et techniquement et ils préparent tout pour que, lorsque j’arrive en fin de journée, je puisse manger et me reposer. La nuit, pendant que moi je dors, eux rangent le camion, sèchent et préparent mes affaires pour le lendemain, chargent mes instruments, surveillent la météo et cherchent les meilleurs décollages… Je me réveille au matin et j’ai mon petit déjeuner prêt! C’est un travail inimaginable.
Nous nous faisons soutenir aussi par d’autres personnes de par ce que leurs professions peuvent nous apporter et que nous considérons comme une aide supplémentaire indispensable : un pharmacien, un guide de Haute Montagne et météorologiste. Mais, pour Red Bull, l’équipe principale est composée de moi-même et deux autres que je vais vous présenter maintenant :
Philippe « Fifi » Barnier, qui a déjà une très bonne expérience de la course. Il a été lui même coureur en 2011, puis il m’a déjà assisté pour l’édition X-Alps en 2013. Il sera plus particulièrement chargé de la partie météo et de la tactique (différentes options de vols en fonction des conditions météos et des placements des autres coureurs) et la route (cartographie et passages). Il est également mon “physio-masseur” et sera responsable de mes chaussures et vêtements pendant la course.
Lionel « Yoyo » Patty est un professionnel dans le bâtiment et un passionné de sports mécaniques. Il a une énorme expérience de Raids en 4×4 dans de nombreux déserts (Tunisie, Lybie, Maroc…). C’est un passionné d’aventures en général et de déserts en particulier! C’est lui le responsable de la « logistique ». Il se chargera de toute la partie communication (films, photos et vidéos pour la presse et Red Bull et les sponsors), la gestion du transport et le matériel, le ravitaillement et l’approvisionnement. De plus, c’est notre « chef cuisinier »! Lionel sera aussi mon randonneur de soutien et accompagnateur pendant certains passages de marche à pied. Il sera une bonne partie du temps à mes côtés pour m’apporter des provisions (de l’eau et à manger ou des vêtements) et également pour me soutenir moralement. On a parfois besoin de parler et d’être rassuré. Aux décollages, il va pouvoir m’assister au dépliage de ma voile et portera tout ce dont je pourrais avoir besoin avant de décoller.
Clément Latour (de dos et occupé), Lionel Patty, et Philippe Barnier
Vous connaissiez-vous tous auparavant?
– Clément : Lors de la course en 2013, j’avais déjà opté pour deux coéquipiers et la formule était plutôt bien. C’est important que les personnes de mon équipe s’entendent bien entre eux car moi je serai occupé par la course. Fifi et moi, nous nous connaissons déjà depuis quelques années et Lionel est un ami à Fifi qu’il m’a proposé grâce à son grande expérience de raider. Ensemble, nous formons une bonne bande de copains.
En combien de temps as-tu choisi ton équipe ?
– Philippe : Grâce à notre expérience, nous savons ce qu’il faut pour préparer l’équipe à l’avance et notamment revoir les points faibles suite aux éditions précédentes. Je pense que l’organisation est déjà bien en place.
– Lionel : Nous avons commencé à en parler à la fin de l’été dernier, disons l’automne 2014.
– Clément : Personnellement, je n’ai jamais vraiment « coupé » avec l’X-Alps et j’espérais pouvoir participer à nouveau en 2015. La clôture des inscriptions était au mois d’août. En attendant, nous avions parlé et préparé tous ensemble au maximum pour être le mieux préparé possible lors de la date de sélection, même s’il n’y avait pas de certitudes. C’est un sport d’équipe, donc il fallait réfléchir à ça au préalable.
Clément, quelles sont les spécialités de ton équipe qui vont pouvoir contribuer à ta réussite ?
– Clément : Fifi, par sa grande expérience, est spécialiste de vol de distance XC et de compétition. Lionel a une grande spécialité de raider dans le désert, de courses de 4×4 à travers l’Afrique, parfois dans des situations extrêmes et climats instables ou dans des passages de 15 jours en autonomie dans le désert. Ce qui demande une grande maîtrise de soi même et de son équipement dans un environnement extrêmement rude. Quand nous serons tous très fatigués et sur les nerfs, Lionel saura garder la tête froide au vu de ces expériences. Son apport de savoir-faire quant à la mécanique nous est indispensable pour gérer la consommation électrique et les pannes de matériel.
– Lionel : …la cuisine beaucoup moins, mais on verra!
Depuis combien de temps vous préparez vous?
– Lionel : Je prends toutes mes vacances pour faire cette course ; il y a beaucoup de choses à voir ensemble, surtout quelques mois avant la course.
– Philippe : Nous connaissons toute la partie des Alpes par cœur depuis Chamonix jusqu’aux Alpes de Haute Provence : les montagnes, les vallées, les brises… Nous avons la carte topographique dans la tête. Par contre, il y a des parties qu’on connaît beaucoup moins. Justement, cette période avant la course nous permettra de faire du repérage.
– Clément : On va se focaliser sur les parties Est qu’on connait moins bien que nos Alpes où nous avons déjà planifié une aide locale. C’est pour les parties qui nous sont moins connues comme l’Autriche, la Suisse et l’Allemagne que nos repérages vont pouvoir bien servir.
Est ce que vous faites des essais d’équipe avant le jour-J ?
– Lionel : Tous les weekends du mois de mai, nous avons prévu des reconnaissances et configurations de course dans les endroits qui nous sont moins connus. Nous allons partir avec le fourgon pour des essais de logistique et matériel.
– Clément : L’idée pour moi pendant ce temps là, est de voler le plus possible si la météo le permet. Sinon, nous ferons une grande partie de la route en voiture. De toute façon, toute la course ne se fait pas en vol, donc il est utile d’avoir des bonnes notions de la partie « route » aussi.
Qu’avez-vous appris de vos expériences des années précédentes ?
– Philippe : Je pense que le fait d’avoir volé en compétition parapente de haut niveau va beaucoup aider Clément car il y a de plus en plus de pilotes concurrents qui participent à des compétitions, comme la Coupe du Monde par exemple.
Aussi, les connaissances des brises de vallées et les confluences peuvent jouer beaucoup à notre avantage. Je me souviens d’un point déterminant qui a eu lieu pendant les X-Alps en 2013. C’était lors d’un vol de repérage. Nous avons trouvé une zone de confluence dans une vallée et, lors de la course, elle nous a permis de prendre de l’avance sur les autres près de l’Interlaken. Ce sont des petites choses comme celles-ci qui vont nous permettre de garder une bonne position.
Une fois la course lancée, comment vous organisez-vous au sol, par exemple l’approvisionnement, le bon emplacement du véhicule en fin de journée…?
– Philippe : Tout est très minuté. Il n’y a qu’un seul moment dans la journée où on peut faire les courses : dans le camion, on aura deux jours d’autonomie. Ca veut dire que si Clément a besoin d’approvisionnement parce qu’il s’est posé quelque part en haute montagne, nous aurons la possibilité de venir à lui avec de la nourriture ou un remplacement de batterie pour radio ou GPS. L’approvisionnement, c’est une décision qui ne peut être prise à la dernière minute, mais on est préparé pour s’adapter à toutes les configurations à n’importe quel moment.
Quel type de véhicule allez-vous utiliser ?
– Clément : Lionel a mis beaucoup de temps à la conception, l’agencement et l’aménagement du véhicule à l’intérieur pour que mes 5 paires de chaussures de taille 48 rentrent ! C’était un beau casse tête pour le rangement – je ne suis pas très petit!
– Lionel : C’est un VW T5 qui sera aménagé pour accueillir une personne à dormir à l’intérieur, une personne en couchage de tente sur le toit et une à l’extérieur s’il fait beau. Sinon, nous serons deux à l’intérieur! Une grosse réflexion a été étudiée sur la consommation d’énergie à cause de toutes les instruments à charger tous les jours (ce qui avait causé des ennuis en 2013). Si la batterie de la voiture tombe en panne, c’est évidemment un gros problème pour Clément. La gestion de la consommation électrique sur le véhicule est très importante.
– Clément : Il faut pouvoir tout ranger à l’intérieur pour la durée de la course. J’ai ma voile et ma sellette et une deuxième aile avec sellette comme back-up et que je peux utiliser pour terminer la course (avec l’autorisation, bien sur). Il y aussi des back-ups de parachute de secours, plus tout autre matériel qui pourrait tomber en panne (GPS, radios).
Après être arrivé deuxième en 2013, est ce que tu sens une pression pour améliorer ta performance?
– Clément : J’ai un peu d’appréhension de ne pas être à la hauteur de mes espérances. Nous n’avons pas d’obligations de résultats et nous faisons ça pour arriver au meilleur de nous-même. Je ne sens pas de pression particulière des autres, par contre c’est clair qu’on va mettre du 100% pour réussir le mieux possible. On reste des amateurs et on prépare cette course entre copains. Nous sommes là pour l’expérience et pour nous amuser malgré l’implication sur nos vies professionnelles et familiales. Il y a des pilotes professionnels qui se consacrent entièrement à cette course avec des moyens beaucoup plus importants que nous, alors si nos résultats sont là, tant mieux, c’est un plus!
Etes-vous en communication avec les autres équipes françaises, échangez-vous des informations entre vous ?
– Clément : Nous échangeons pas mal avec Gaspard Petiot qui est très expérimenté en vol et marche et qui habite aussi dans la région. Il n’y pas de problème entre nous mais c’est vrai que toutes les équipes restent tout de même des concurrents, peu importe leur nationalité. Antoine Girard, qui a également participé en 2013, a fait une très belle course en arrivant troisième, à 40 minutes derrière moi en 8 jours de course.
Comment faites-vous pour recevoir les informations des organisateurs et de l’extérieur pendant la course ?
Philippe : Nous pouvons rester en contact avec qui nous souhaitons avec l’extérieur. Nos collaborateurs vont pouvoir nous apporter des informations supplémentaires à tout moment de la journée et ils se tiennent à notre disposition pour collaborer. En ce qui concerne le positionnement des autres concurrents, Red Bull nous fournit des applications spécifiques pour communiquer. Nous utilisons aussi Google Earth mais le relais « live » a un écart de 6 minutes, alors que le téléphone GSM fourni par les organisateurs permet de savoir exactement où sont placés nos concurrents.
Nous serons en contact en permanence avec Clément, du moins il nous entend tout le temps, par contre il y aura des moments où il ne pourra pas nous parler à cause du mauvaise couverture en montagne, mais nous saurons où il se trouve à chaque instant.
Nous remerciant Clément et toute son équipe pour cette interview, nous leurs souhaitons une bonne continuation dans leurs préparations.
Le prochain interview de l’équipe RED BULL X-Alps France1 se fera courant du mois d’avril. Nous leur poserons des questions concernant l’avancement de leur entraînement physique.
Si vous avez des questions que vous aimeriez poser à Clément, Philippe et Lionel, envoyez-les nous par courriel : info(at)paragliding.rocktheoutdoor.com