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Aventures et mésaventures de Jean Baptiste Berlioux en Ethiopie

Aventures et mésaventures de Jean Baptiste Berlioux en Ethiopie


Farengi et kalashnikov : pris pour un fou volant par les paysans et pour un espion par les gendarmes

Jean Baptiste Berlioux, créateur de l’école AIR2ALPES et ancien pilote de l’Equipe de France, avait envie d’une contrée lointaine. Son profond désir, celui de voler dans un endroit éloigné où jamais un parapentiste n’avait déjà déployé son chiffon. Hésitant entre le Népal et l’Ethiopie, il a choisi le “pays des hyènes” :”J’ai, depuis quelques temps, l’envie d’aller voler loin en vol bivouac. Je n’ai jamais pris le temps de le faire et c’est en rentrant d’un stage à la Réunion en survolant l’Ethiopie que j’ai eu l’envie de voler dans ce pays.

Je lui ai demandé si il avait bien préparé son voyage pour lui garantir un séjour touristique et parapente optimal : “Je n’ai pas énormément préparé ce voyage, il y avait des montagnes, la météo semblait propice et le pays pas plus compliqué que ça, alors j’ai fait feu !”. Les paysans dans les montagnes lui ont réservé un très bon accueil, tous excités de voir un homme voler sous un tissu. Mais l’accueil a été tout autre pour les gendarmes qui, le menaçant de leur kalashnikov, l’ont conduit en prison, le suspectant d’être un espion…

Il est rentré en France en ayant réalisé qu’un seul vol mais, de son périple, il s’en souviendra toute sa vie.

Quelle destination parapente : Ethiopie ou Népal ?

Le choix a été cornélien, les 2 pays m’attirant énormément : Éthiopie, Népal ? J’ai lancé un petit sondage sur Facebook avec l’idée de prendre la destination la moins votée. La météo au Népal me faisait un peu peur car je me rapprochais un peu trop de la saison des pluies mais l’Éthiopie est une destination plus compliquée, plus aventureuse… Finalement, le mail d’une école locale Népalaise m’a aidé à prendre la décision finale avec ces quelques mots : le vent rentre, les conditions sont trop fortes, nous fermons l’école … J’ai alors pris mon billet dans la nuit qui suivait pour l’Éthiopie.

Cherche désespérément un passager pour m’accompagner en biplace light

Je cherchais désespérément un passager pour partager ces vols bivouac, le biplace light (que Gin m’a fait) est tout simplement une pure merveille. J’ai tellement de plaisir à voler avec, alors autant partager une telle aventure. Mais, finalement, je pars seul. Personne n’a répondu à mon invitation. Quelle tristesse. J’aurais dû passer une annonce via ROCK THE OUTDOOR 😉

Préparation du matos

Ma GIN Explorer ne pèse pas grand-chose et elle est super performante pour ce genre de périple. Ma sellette, une NEO Suspender.
J’arrive à ranger dans la poche dorsale quelques affaires de rechange, une petite trousse à pharmacie, un réchaud, de quoi réparer une déchirure ou une suspente. Je mets dans la poche gauche des barres de céréales et 3 sachets de nouilles lyophilisées. Je glisse ausi un duvet et un hamac entre la protection dorsale et la poche dorsale. Dans mon porte-instruments, je cale un Sysride, un couteau suisse, une crème solaire et mes caméras Gopro. Je pense être prêt, et puis s’il me manque quelque chose, je ne crains rien, je serai en Afrique !

Arrivée à Addis Abeba

J’arrive à deux heures du matin à Addis Abeba. J’ai réservé un hôtel et leur chauffeur est au rendez-vous. Ouf , car l’ambiance à la sortie de l’aéroport n’est pas top-top. Je passe ma première journée à flâner dans Addis. Je suis bien en Afrique : concert de klaxons, tas de poubelles et les odeurs qui vont avec mais des gens souriants et intrigués de me voir là et qui finissent par me saluer.

Le lendemain matin, départ à 5h de l’hôtel en taxi, direction la gare routière où je me retrouve assailli par des rabatteurs pour que je monte dans leur bus. Je finis par partir pour Debre Berhan que je rejoins après deux heures de route, encerclé par de grosses mamas avec leurs sacs de riz sous les pieds, des palabres et des éclats de rire à chaque fois que l’une d’entre elle me tripote un peu. Les paysages me surprennent : des cultures verdoyantes à perte de vue parsemées de petites cases en terre au toit de chaume magnifique. En arrivant, je profite pour prendre un petit café, un vrai d’ Éthiopie, qu’il est bon !

Je suis bien en Afrique !

Et c’est reparti, trouver un bus en direction d’Ankober. On me fait monter dans un bus où il semble ne rester plus aucune place. Je me retrouve assis sur le capot moteur, à côté du chauffeur et on attend… ?
En fait, ils font monter encore le même nombre de personnes et je me retrouve à partager mon capot moteur avec 4 autres personnes, mon dos se retrouvant être le dossier de deux jeunes femmes qui ont dû le trouver confortable… Le trajet n’a duré que 2h30 sur une piste défoncée en fond de première !

Premier site : Ankober

Ankober, tout petit village posé au bord de la falaise exposé plein Est. Il devrait m’offrir un super décollage demain matin. Je trouve une petite chambre qui fera bien l’affaire pour la nuit et je pars à la recherche d’un déco que je trouve rapidement. Une belle petite pente herbeuse. Parfait ! Je suis impatient, excité ! Je serai certainement le premier à voler ici, pfouaaa, énorme ! La nuit a été longue, réveillé d’abord par du vent fort puis par des orages tropicaux, signe de ce qui ne laissait rien présager de bon. Quand, le lendemain matin, j’arrive au déco à 7h30, il y a déjà 40 km/h de vent … En fait, il n’a pas baissé. J’attends une bonne heure et aucun changement. Alors, je vais me boire un café, je réessayerai demain.
J’y retourne dès le lever du jour pour être sûr de ne rien manquer mais il y a déjà trop de vent et le soleil n’est pas levé.

Le déco d’Ankober

Ce tas de tissu, une tente géante ?

Du coup, je saute dans le bus pour avancer un peu au Nord : 8h de bus, d’aventure, sur une piste caillouteuse pour arriver au lodge de la Mens Guessa, réserve située à 3330 m d’altitude. Je me sens super bien, je prépare ma voile, je sens que  ça va voler demain. Le gardien essaie de m’aider à monter ma tente géante… gros fou rire quand je lui explique que j’allais voler avec ce tas de tissu. Je lui fais quelques gonflages, il est stupéfait ! On rigole comme des fous.

La douche froide pique un peu. Abada me fait un feu de cheminée et on partage un plat de riz et nouilles chinoises que j’ai préparé au réchaud, le pauvre ! La nuit est glaçante mais, au réveil, je me sens bien car c’est aujourd’hui que je vais faire mon premier vol en Éthiopie.

Cette fois, c’est la bonne, je vole en Éthiopie !

Je quitte le lodge excité après les dernières recommandations d’Abada au cas où je croise loups ou hyènes. Pour les léopards, c’est la forêt d’à côté ! Je prends la première trouée dans les arbres qui m’offre un accès sur les cultures en terrasses descendant dans cette grande vallée. Je finis par en trouver une parfaite, de la pelouse, légèrement en pente : j’ouvre ma voile en vitesse, ne prends pas le temps de poser mes GoPro car la brise est déjà soutenue et rafaleuse. Je bourre toutes mes affaires, m’attache, un petit pré-gonflage et, cette fois, c’est la bonne, je vole en Éthiopie !!!
Incroyable ! Comme je l’imaginais, les cris de femmes et d’enfants au survol de leurs cases qui parsèment la montagne m’accompagnent. C’est juste magique, j’en oublie les bips du vario tellement je suis subjugué par l’Emotion. Je finis par me battre en fond de vallée, j’enroule des choses étranges… Je transite vers la vallée d’à côté et pas mieux, puis l’autre vallée est tellement bizarre que je prends la décision de me poser dans un village le long de la pente.

Moment indescriptible avec les villageois

Après 2-3 passages pour bien repérer là où je vais poser, j’entends déjà les cris des villageois. Une fois la voile au sol, des enfants, des vieux, des hommes, des femmes arrivent de partout en courant : un moment indescriptible. La première fois qu’un parapente vole au-dessus de leur tête et se pose dans leur village. Une femme en a les larmes aux yeux et me sourit en même temps.
Je reste un long moment avec eux à « discuter », à prendre des photos. Ils m’accompagnent jusqu’au début d’un chemin et tous me font un grand salut d’au revoir. J’ai failli rester là-bas mais je ne serais peut-être jamais reparti…

Et là, commence une longue marche pour regagner un peu plus la vallée en passant par de petits cols. J’ai compris qu’essayer de décoller à plus de 3000 m d’altitude allait vraiment être compliqué. Les conditions sont de suite fortes : cette immense plaine africaine chauffe très vite et alimente d’un coup cette arête, alors je veux m’avancer pour avoir des conditions moins fortes, enfin je l’espère.

Je m’arrête en chemin pour manger dans une bicoque en tôle un repas à base d’œuf, de légumes et d’ingéra (je ne m’y fais toujours pas). Je reprends la marche pour monter sur une colline en espérant trouver un autre décollage et un abri pour la nuit. J’ai cherché longtemps et ai fini par trouver un terrain qui fera bien l’affaire. Des cultures dégagées, une petite hutte pour m’abriter au cas où. La brise est trop forte alors je me fais une petite sieste, 18 km la voile sur le dos, ça use…

Ils auscultent mon Explorer sous toutes les coutures : bien évidement le suspentage fin finit de les persuader que je suis un « farengi » (fou) !

Dormir dans une maison traditionnelle comme Adriana Karembeu dans “Rendez-vous en terre inconnue”

Je suis réveillé par un jeune paysan qui m’invite de suite chez lui pour manger et dormir. Forcément, j’ai dû lui expliquer ce que je faisais là dans son coin perdu alors que lui rêve de partir en France à Paris. Son invitation me motive pour rester dormir dans les parages. Je ne décollerai pas ce soir pour un long plané sur la plaine en direction de la ville. Je monte mon hamac, ce qui amuse les villageois qui n’en ont jamais vu !
Puis, ce jeune insiste vraiment pour que j’aille dormir chez lui et m’explique qu’il y a des bêtes sauvages appellées hyènes qui rôdent la nuit et que dormir dans mon hamac n’est pas sûr. J’accepte donc de dormir dans sa maison traditionnelle et puis ça me rapprochera un peu d’Adriana Karembeu dans « Rendez-vous en terre inconnue » et, peut être qu’à mon réveil, elle sera là et je pourrai l’emmener voler en biplace…

Des policiers armés de Kalachnikov m’emprisonnent

Mon rêve fut de très courte durée. A peine mon hamac replié, des policiers armés de kalachnikov arrivent et me posent plein de questions sur ma présence ici. Malgré mes explications et plusieurs appels de leur part je ne sais où, ils me fouillent puis m’arrêtent, m’emmènent et m’emprisonnent pour espionnage…. Adriana vend du rêve…
Je passe donc la première nuit de ma vie emprisonné. Ce qui m’inquiète, c’est le chef d’accusation, espionnage ! Et la peur qu’ils ont de moi se lit sur leurs visages. Dans ce type de pays, ça peut vite dégénérer. La nuit est courte, agitée avec une nouvelle fouille à deux heures du matin puis une autre à 6h. Je pense qu’ils connaissent maintanant parfaitement la confection de mon Suspender.

Le lendemain, je suis escorté jusqu’au poste de police de la petite ville d’à côté. Je suis interrogé à nouveau avant d’être enfin libéré dans l’après-midi quand ils ont compris que l’ambassade de France était au courant. Je tiens d’ailleurs à les remercier car ils ont répondu rapidement et se sont souciés de moi, ainsi que mes amis en France que j’avais prévenu rapidement. L’ignorance est vraiment un fléau dans ce monde.

Retour à Adis Abeba

Une fois libre, je saute dans un bus de luxe (6€) et rapide pour retourner à Addis Abeba : prendre une bonne grosse douche chaude, m’alimenter et souffler. L’adrénaline évacuée, je prends la mesure de ce qui m’était arrivé, j’ai eu vraiment peur : quand j’étais en joue au bout de la Kalach, tout pouvait arriver, je priais pour que ce vieux fusil soit enrayé et que la balle ne parte pas. Je n’allais pas revoir mes enfants, les serrer dans mes bras, leur dire à quel point je les aime et je n’allais pas dire non plus « je t’aime » à celle que j’aime tant. Hé merde, ça pue !

A Addis, la pression a commencé à retomber. Je regardais où j’allais partir le lendemain pour voler à moins que je fasse un petit break de quelques jours dans une réserve pour souffler. Finalement, on m’a conseillé de quitter ce pays qui ne tolérait pas grand-chose en ce moment à cause d’une crise politique compliquée et des autorités à cran. Je change mon billet facilement et je rentre.

Je suis en vie plus que jamais avec cette envie de voler encore et encore !

Un peu de déception tout de même. Je garde en mémoire ces sourires à tout moment, dans le bus dans les villages, de partout et cette générosité perpétuelle avec ces invitations à partager une Injera, un peu d’alcool local, une hutte ! Je n’ai fait qu un vol dans ce pays mais quel vol ! Il restera à jamais gravé dans ma mémoire. Je retournerai en Éthiopie et j’y revolerai, c’est tellement beau mais ce sera accompagné, ça semblera moins louche…

Je vais prendre le temps de choisir une nouvelle destination mais surtout ne pas m’arrêter.
Je vous aime !

Jean Baptiste Berlioux

Petit Portrait de Jean Baptiste Berlioux

Jean Baptiste a débuté le parapente en 1992 en arrivant à la Réunion avec ses parents. puis à l’école Ascendance d’Accous : “Puis j’ai pris le virus et la passion de la compétition grâce à mon idole et maintenant ami Richard Gallon. J’ai fait mes premières compétitions sur l’île avant de rentrer en France pour intégrer l’équipe de ligue Rhône Alpes, puis le groupe international et enfin l’équipe de France où je suis resté 7 ans”. Il a arrêté la compétition en 2012 avec une dernière manche de coupe du monde au Brésil.

Il a monté son école AIR2ALPES aux Deux Alpes en 2001 et aujourd’hui il vend cette école pour partir travailler comme moniteur au sein de l’équipe Rock’n vol à Moustiers (parapente et escalade dans les Gorges du Verdon)..

ROCK THE OUTDOOR, la culture parapente