Voyage parapente à travers les Andes (Chili, Pérou…)
Le récit de leur voyage parapente dans les Andes (Chili et Pérou)
Nous sommes partis en 2019 vivre une aventure exceptionnelle en couple en Amérique du Sud, en sac à dos + parapentes.
Départ de la pointe australe du Chili (Punta Arenas) pour une remontée folle le long de la Cordillère des Andes jusqu’au Nord du Pérou (Parque National Huascaran). Notre but était la recherche de liberté, la rencontre des gens vivant hors des sentiers battus, l’oubli total des contraintes quotidiennes, et en prendre plein la vue. Quoi de mieux pour accomplir ces objectifs que de partir à l’aventure avec nos voiles pendant 5 mois, en explorant le Chili, l’Argentine, la Bolivie et le Pérou, à la recherche des pilotes locaux et des merveilles de la nature.
Nous débutons ce voyage par 2 mois en Patagonie, en laissant nos voiles à Santiago chez des a mis, nous laissant beaucoup plus de liberté (et de légèreté !) avec une plus grande mobilité. De toute façon, ce n’est pas une légende ; entre les Quarantièmes rugissants et les Cinquantièmes hurlants (latitudes), on ne plaisante pas avec le vent ici… Après 2 mois incroyables en Patagonie en guise d’introduction à ce périple austral, nous revoilà à Santiago, retrouvant avec grand plaisir nos amis…et nos voiles !
Les pays traversés : Argentine, Bolivie, Chili et Pérou
COLINA (Chili)
Juin 2019
Nous avons passé plusieurs heures à étudier la typologie, les accès, et les conditions météo des sites autour de Santiago. L’idée pour nous était clairement de nous familiariser à l’aérologie qu’on est susceptible de rencontrer dans l’hémisphère sud, et de rencontrer des pilotes : après plusieurs mois sans voler, nous avions besoin de nous rassurer et recommencer de manière sereine à décoller, atterrir et exploiter les masses d’air. Nous remarquons qu’à Santiago, en ces temps-ci, il n’y a pas grand monde qui vole, et que les sites sont assez éloignés de Providencia, là où nous logions…
Nous sommes parvenus à planifier une journée avec 2 pilotes extrêmement sympas et bienveillants, David et Poncho de Colina, qui ont accepté de nous prendre sous leur aile. Le site de Colina correspondait exactement à nos attentes : un ‘cerro’ de 300 m dépourvu d’obstacles (hormis quelques cactus), un immense atterrissage, et un espace aérien partagé avec uniquement quelques condors. Clara a pu retravailler les fondamentaux avec une nouvelle technique de décollage, tandis que Charles a pu profiter des conditions dynamiques pour réaliser quelques vols en soaring. Au final, une journée qui, à elle seule, suffit à ne pas nous faire regretter d’avoir emmené les voiles. Oh que non ! Il y a désormais cette composante aérienne qui nous enthousiasme encore plus pour la suite du voyage…
Nous avons loué une voiture depuis Santiago pour nous rendre à La Serena quelques jours avant la fameuse éclipse du 2 juillet 2019, afin d’éviter la cohue générale attendue.
Nous avons passé les 500 km à contempler les fascinants paysages (et à payer les nombreux péages), entre métropole assez verdoyante, cordillère très aride faisant disparaître quasiment toute végétation et la côte Pacifique ensoleillée avec ses plages sauvages. Les dernières heures de conduite nous ont tout de suite fait comprendre que nous changions de latitude : nous sommes maintenant dans le Nord du Chili, au climat semi-aride, où seuls les cactus et les chaos de roches avaient leur place sur les reliefs qui nous paraissaient infinis.
Tout à coup, à la sortie d’un virage, une oasis nous est apparue… un énorme panorama où d’immenses étendues d’immeubles, tours, plages, voitures, centres commerciaux sont venus inonder notre presque solitude à bord de notre voiture traversant des paysages assez identiques mais ayant au moins le mérite d’être naturels. C’étaient en fait les énormes villes accolées de Coquimbo et La Serena, archi-bétonnées et sans réel grand intérêt. Nous avons logé à La Serena quelques nuits sans toutefois rester dans la ville la journée. On a trouvé mieux à faire…
CALETA LOS HORNOS (Chili)
Juillet 2019
Un des parapentistes de Santiago nous a transmis le contact d’un pilote-moniteur qui tenait une école dans la région de La Serena. A 40 km au nord de La Serena, se trouve une immense dune de sable aux allures de Pyla, avec une touche encore plus paradisiaque et très peu fréquentée. Marcelo, le gérant de l’école de parapente locale (Aerolive) avec son équipe, très accueillants et enthousiastes à l’idée d’inviter ‘los franchutes’ à voler sur un de leur site.
Un autre décollage se trouve sur le ‘Cerro Grande’, imposante petite montagne qui surplombe la Serena. Nous optons plutôt pour la playa… Marcelo nous indiqua l’accès pour s’y retrouver en début d’après-midi pour nous briefer et partager la brise qui, chaque jour, offre des possibilités infinies de vol face au Pacifique. Nous avions pris un peu les devants, nous rendant ainsi sur le site de bon matin. Personne sur la dune, personne à l’horizon, nous étions seuls avec nos voiles, les mouettes et quelques chiens “sauvages” venus aussi nous tenir compagnie.
Caleta Los Hornos est un petit village de pêcheurs très mignon, avec une vue imprenable sur ces gigantesques tas de sable, derrière des montagnes culminant à plus de 1000m et, au large, le Pacifique qui ondule de belles vagues qu’exploitent quelques surfeurs. Il fait tous les jours beau ici ; le ciel est bien dégagé et l’activité du soleil permet quotidiennement au continent de se réchauffer. Ce contraste de températures avec l’océan génère la brise laminaire qui vient buter sur les reliefs, en l’occurrence la dune, qui soulève l’air et permet aux amateurs de vol libre tels les goélands, pélicans, condors et autres parapentistes de pratiquer le “soaring”, autrement dit le vol dynamique en restant en l’air sans battre des ailes… un truc de fainéants quoi. Nous avons ainsi chacun perfectionné notre gonflage au sol des heures durant, en attendant la force du vent nécessaire pour nous maintenir en l’air. Quand c’est en place, ça peut durer des heures sans poser pied…
Une navette pour rejoindre la montagne à l’arrière de la dune a, un jour, été proposée, offrant un vol inoubliable avec atterro sur la même plage… Au final, nous sommes revenus à la dune 3 jours pour profiter de ce site magique, faisant de belles rencontres avec les pilotes locaux, toujours dans une très bonne ambiance… mais avec du sable plein les voiles ! Ce dernier petit détail nous a valu de longues séances de nettoyage de nos ailes ; mais le jeu en valait largement la chandelle !
IQUIQUE (Chili)
Août 2019
Les latitudes s’enchaînent toujours, notre cap vers le Nord se poursuit encore et encore. Notre prochaine étape fait partie des plus grandes attentes du voyage, celle qui suffit à elle seule pour justifier le fait de se trimbaler nos voiles depuis des mois en traversant les Andes, en plus de nos gros sacs sur le dos…
Iquique a toujours constitué un objectif de taille, un rêve lointain pour tout parapentiste du monde entier. Les légendes racontent qu’il est possible de s’envoyer en l’air tous les jours, sans se préoccuper pendant des heures des prévisions météo, sans se soucier de la force du vent.
Eh ben c’est vrai. On a volé tous les jours sur ces cadeaux de la nature, profitant de la brise de mer quotidienne et des doux thermiques annonciateurs du printemps.
Comme à l’accoutumée, nous prenons contact avec les pilotes locaux, notamment avec Hernan, un sexagénaire tenant une école vieille de 25 ans : c’est le manitou des parapentistes à Iquique. Malgré son caractère un peu spécial et ses conflits avec certains autres moniteurs locaux, nous avons passé 3 jours magnifiques avec lui en guise d’introduction aux sites et à l’aérologie du coin. Clara a ainsi pu prendre des vrais cours particuliers, sur mesure. Une attention particulière qui l’aura énormément fait progresser et gagner en autonomie la première semaine avec des heures de soaring sur les dunes d’Iquique.
Nous logeons au Flightpark d’Iquique, aux allures de Motel, qui comme son nom l’indique est réservé aux pratiquants du vol libre. Cet endroit, très paisible, fût l’idée d’un suisse il y a une paire d’années : assembler et retaper des contenairs, puis les aménager pour accueillir les parapentistes du monde entier. Aujourd’hui, c’est Léo, un chilien, qui gère le complexe, qui
ne manque jamais de bons conseils, nous prête ses voitures pour nous rendre sur les sites, et nous invite à des ‘asados’. Le Flightpark est un peu excentré de la ville d’Iquique, mais il est possible d’atterrir sur la dune juste derrière le complexe, ou même à l’intérieur du Flightpark… cette dernière option n’est pas pour les plus novices car nécessite une excellente précision.
Les vols sur le site Alto Hospicio
Le décollage d’Alto Hospicio est situé à 500m au-dessus du niveau de la mer, surplombant la ville d’Iquique et la gigantesque et imposante dune du ‘Cerro Dragon’. Une routine s’installa alors pendant ces deux semaines : tous les matins, nous prenions deux microbus pour traverser la ville et monter à Alto Hospicio. Les conditions commençaient à être optimales à partir de 11h, avec les premiers thermiques indiqués par les oiseaux qui nous invitaient à venir enrouler.
Avec les conditions thermo-dynamiques, il est possible de se balader le long de la crête sur plusieurs kilomètres, aller s’amuser sur la dune du ‘cerro dragon’ en contrebas, puis reprendre suffisamment de hauteur pour s’assurer de traverser la ville pour rejoindre la playa Brava, en glissant à travers les gratte-ciels et finir par survoler le Pacifique. Voilà le magnifique plan de vol quotidien, dont on ne se sera jamais lassé.
Les vols sur le site Palo Buque
Palo Buque est un des sites les plus connus dans le monde du parapente. Après les vols à Alto Hospicio matinaux, on s’y rend dans l’après-midi jusqu’au coucher de soleil. La brise marine bien constante souffle chaque jour (parfois trop !) sur les gigantesques dunes de Palo Buque au pied de la cordillère des Andes, ce qui donne une idée de la merveille du site qui s’offrait à nous.
La configuration du site permet de pratiquer le soaring, à quelques (centi)mètres du relief, ce qui prête à contrôler sa voile, améliorer sa gestuelle. Clara a réalisé ses plus longs vols jusque-là en exploitant le vent laminaire, goûtant ainsi aux vrais plaisirs du parapente. Nous partions explorer les reliefs plus haut, après avoir transité de la ‘petite’ dune aux pentes de la cordillère jusqu’au nuages.
Les vols sur le site Playa Lobito
Lorsque nous étions avec Hernan, un jour où la brise dépassait les 25 km/h, il nous proposa de nous présenter un petit site méconnu, non loin de Palo Buque. Sur la Playa Lobito, se situe une petite corniche d’une vingtaine de mètres de haut, pas plus, mais qui permet quand même de voler par vent fort, avec une brise bien laminaire.
Clara s’est abstenue, jugeant le vent trop fort pour elle. Charles a pu faire joujou en faisant des aller-retours en longeant la corniche en prenant soin de ne pas trop s’éloigner car l’atterrissage en bas, dans l’eau, n’était pas envisageable. Un bon exercice de précision donc avec plusieurs reposes au décollage.
ARICA (Chili)
Août 2019
Arica est la dernière ville chilienne avant la frontière avec le Pérou, notre dernière étape dans le pays. C’est une ville balnéaire, d’environ 250 000 habitants. Moins connue qu’Iquique dans le milieu du parapente, elle offre elle aussi la possibilité de voler quasiment tous les jours de l’année. Néanmoins, le seul site que nous ayons pratiqué semble plus technique que ceux d’Iquique. Evidemment, nous dédions notre dernière journée au Chili … au parapente !!
Cette dernière journée a été au-delà de nos espérances, marquée par de belles rencontres et découvertes. Un groupe de parapentistes nous a pris sous leurs ailes, nous cherchant à notre auberge pour nous conduire au déco. Très prévenants, ils ont donné à Charles toutes les informations nécessaires relatives à l’aérologie du site, et lui ont prêté de bon cœur une radio. Le site du ‘Morro’, un monticule géant de roche au cœur de la ville, fonctionne en conditions dynamiques mais il n’est pas rare de croiser de bons thermiques permettant de monter pour surplomber les innombrables plages de la ville.
PARACAS (Pérou)
Août 2019
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas sorti nos voiles ! La côte du Pérou possède quelques sites magnifiques, et nous comptions bien en profiter !. Sur les recommandations d’amis d’amis parapentistes, nous récupérons les coordonnées de Samuel, un pilote qui semble voler chaque jour sur le site de Paracas, que nous contactons. Nous embarquons dans un bus pour rejoindre Paracas avec nos gros sacs sur le dos, et 1h plus tard, Samuel nous récupère à la sortie du bus, direction la péninsule de Paracas qui abrite une réserve nationale.
Paracas est un village de pêcheurs qui attire beaucoup de touristes, venus essentiellement observer la riche faune marine à bord de dizaines de bateaux à moteur, perturbant certainement l’écosystème de la réserve au vue de la fréquence d’approche des animaux. Loin des touristes et de leurs bateaux, nous décidons de découvrir la réserve nationale par les airs.
A bord de sa Jeep, Samuel nous fait traverser à pleine vitesse le parc pour rejoindre le site qui se trouve 10km au sud de Paracas en longeant la côte. Nous sommes épatés par la pureté des paysages colorés, on se croirait en plein désert avec des immenses dunes côtoyant les falaises de la côte passant du jaune, ocre, orange et rouge. Arrivés au décollage, la brise souffle déjà de manière soutenue. Pas le temps de discuter, il faut vite qu’on se mette en l’air avant que ça se renforce. Samuel et un autre pilote se préparent pour leur biplace, pendant que nous bataillons au sol avec le vent qui nous paraissait trop fort. Samuel nous confirme qu’en l’air, c’est tranquille. Le vent fort que nous ressentons au décollage est dû à la forme du relief qui accélère le vent par l’effet venturi. Une assistance au sol est nécessaire pour décoller, c’est comme ça que ça marche ici, et ce n’est pas pour nous déplaire.
En l’air, nous glissions sans problème dans une aérologique laminaire super stable, de quoi lâcher les commandes sereinement pour immortaliser en photos ce moment magique que nous étions en train de partager. Pour nous ce fût une incroyable expérience. Nous étions en train de profiter notre liberté pour vivre nos rêves, en longeant, côte à côte, la côte du Pérou. Nous sommes allés survoler une autre falaise plus au nord, appelée « la cathédrale », aujourd’hui un peu déstructurée suite à un violent séisme, mais qui nous permit de découvrir un paysage somptueux entre le dégradé de bleu marin et le jaune vif de la falaise.
Voyage parapente Chili et Pérou : conclusion
8 vols pour presque 4 heures concernant Clara et 32 vols pour un total de 17 heures pour Charles… sans compter les heures de gonflage tous les deux en statique depuis le sol… de quoi nous faire énormément progresser.
Des centaines de belles rencontres, même si ces dernières étaient parfois éphémères… des gens, chaleureux, accueillants, inspirants, bienveillants, souriants, fêtards et extrêmement généreux. Merci à ceux rencontrés en chemin, qui nous ont tenu compagnie, qui nous ont inspiré : certains commençaient leur aventure, d’autres la finissaient… il y en a même quelque-uns pour qui le voyage ne s’arrêtera jamais…
Clara et Charles