• Home
  • /AU FEMININ
  • /Le parapente est-il vraiment un sport de femmes ? Interview de Claire Agnès
Le parapente est-il vraiment un sport de femmes ? Interview de Claire Agnès

Le parapente est-il vraiment un sport de femmes ? Interview de Claire Agnès

La photo ci-dessus (qui provient du blog de Claire) n’est pas une photo réelle. Elle l’a générée à partir de l’IA de WordPress.

Le parapente peut-il être un fil rouge pour les femmes ?

Claire, 37 ans, monitrice, est depuis 2023 guide de parapente en Andalousie à Cañete la Real (Nord Ouest de Malaga). Lorsqu’elle a commencé le parapente à ses 18 ans, sa mère volait déjà depuis plus de 10 ans. Comme elle le dit elle-même, dans sa famille, “le parapente est une affaire de femme”. Elle s’est “construite avec le parapente. C’est même “son fil rouge” pour ses voyages allant jusqu’à dire que cette activité s’avère pour elle une échappatoire, une thérapie.

Cet interview fait suite à une collaboration avec elle pour réaliser l’article “Partir voler en parapente en Andalousie“. En découvrant son article “Etre une femme parapentiste” sur le blog de son site professionnel “Sunny wings“, j’ai souhaité relayer ses déclarations qui résonneront certainement auprès de nombreuses femmes parapentistes…

Claire, Comment considères-tu la place des femmes dans le parapente ?

Le parapente ne devrait pas mettre de barrières entre hommes et femmes car c’est l’un des rares sports où le physique n’a que peu d’importance alors que la précision des gestes et le mental ont un rôle majeur.

Alors, d’après toi, comment expliques-tu que les femmes soient aussi peu représentées en vol libre (10% environ je crois) ?

Le parapente est une activité qui exige beaucoup de temps et de sacrifice sur sa vie personnelle. Il me semble que c’est là une grande contrainte liée à notre société : les femmes ont plus de mal que les hommes à sacrifier le temps qu’elles donnent pour leur entourage : elles vont avoir tendance à culpabiliser, si ce n’est pas leur entourage qui les y amènent.

Pourquoi ce sentiment de culpabilité ?

C’est dur à croire à notre époque mais j’ai entendu de mes propres oreilles des jugements comme: «Comment peux-tu avoir une famille et faire du parapente ?» ou «De toute façon, tu arrêteras quand tu auras un enfant»… Oui c’est vrai, on arrête un moment lorsque l’on est enceinte, après pour la maternité, mais ce temps est très personnel à chacune. On peut entendre d’autres remarques du genre : « Veux-tu laisser ton-tes enfant(s) sans mère si tu as un accident ?». Cette remarque est parfois amenée de manière plus indirecte mais elle revient souvent, alors qu’elle est rarement faite aux hommes. En entendant ce genre de discours, on finit pour culpabiliser.

Quel est le comportement des pilotes masculins que tu rencontres ? A l’aire de décollage par exemple ?

Le comportement des hommes vis-à-vis des femmes, c’est notamment cette attitude de surprotection que l’on rencontre régulièrement sur les décollages. On ne voit pas “une pilote” mais “une femme“, que l’on veut ou protéger ou impressionner. En voyageant, j’ai souvent rencontré ce cas : en arrivant sur le déco, je demande aux locaux , comme n’importe quel pilote le ferait, des informations sur le site et, au lieu de m’expliquer comment fonctionne le site, les pièges possibles, je me retrouve avec une leçon sur comment décolle un parapente.
Et lorsque je sors ma voile, je n’ai pas même le temps de m’installer que 3 hommes me la déplient (en faisant des nœuds et avec le risque qu’elle se gonfle inopinément !). Dans ces cas-là, la seule façon de faire taire le “machisme installé” est de prendre le premier thermique et de ne rien lâcher… Et il vaut mieux que cela fonctionne bien !

Et à l’atterrissage ?

Si tout se passe bien en vol, je vais entendre «ta voile vole vraiment bien, tu es sûrement surtoilée !» Je n’ai aucun doute que d’autres femmes se reconnaîtront dans ces commentaires.

Cet état de fait ne dépend-il que des hommes ou est-ce aussi culturel ?

Oui, nous devrions aussi, nous les femmes, nous culpabiliser aussi puisque nous acceptons parfois de nous fier plus aux avis masculins que féminins comme, par exemple, en acceptant de ne pas décoller en premier. Bref, nous nous réduisons au rôle que la société continue de nous attribuer. Et moi la première.

Selon toi, est-ce que les femmes peuvent apporter une plus-value au parapente ?

Je pense sincèrement que les femmes ont beaucoup à apporter au parapente. Non pas pour être dotée d’une “vulve“, mais tout simplement parce que notre société nous a appris à nous exprimer sans gêne sur notre mental et nos peurs. Pour moi, il est clair que les femmes n’ont ni plus ni moins de peur que les hommes mais, depuis toutes petites, il nous est permis de l’exprimer. Et ça, c’est une force ! Cela nous permet de travailler profondément sur nos blocages et d’aller au devant. D’ailleurs, les hommes s’expriment plus facilement sur leurs inquiétudes auprès des femmes !

Quels conseils as-tu l’habitude de donner aux femmes qui commencent ou souhaitent se lancer dans l’activité ?

Lorsque l’on débute le parapente, il est difficile d’évaluer son niveau et les conditions, donc de prendre la décision de décoller ou non, et d’autant plus si certains pilotes nous dévaluent. Je conseille vivement aux débutantes de se fier à des personnes qui semblent objectives dans leur analyse. Pour ma part, si j’ai un doute sur les conditions, je vais plutôt demander aux autres s’ils se sentent de décoller (ou non) et pourquoi plutôt que leur demander directement si je peux moi-même décoller.

Souhaites-tu ajouter autre chose ?

Nous vivons dans une société de l’image où l’on veut impressionner. En parapente, c’est  voler toujours plus haut, plus loin, sans peur. Il est temps de redonner la place à l’humilité et à l’expression de ses blocages profonds pour progresser. Personnellement, le parapente m’a aidée à me construire, à reconnaître mes émotions, à les accepter et à les gérer.

Petit portrait de Claire

Guide et monitrice en Andalousie hors saison et dans les Alpes l’été

Claire, 37 ans, est monitrice et guide de parapente en Andalousie. Elle s’est installée à Cañete la Real (Andalousie / Espagne) avec son mari et sa fille de 4 ans.

Sa mère volait en parapente déjà depuis plus de 10 ans lorsqu’elle a commencé le parapente pour ses 18 ans en 2004 (stage initiation à Saint Hilaire du Touvet) : “Je rêvais de suivre ma mère. Dans la famille, le parapente est une affaire de femme. La première année, je piquais les voiles à gauche à droite et je faisais beaucoup de gonflage et petits ploufs. Ensuite je me suis acheté du matériel, j’ai commencé à beaucoup voler, fait plusieurs stages en cobaye, très instructifs”

Depuis 20 ans dans les airs, elle a fait une pause d’un peu plus d’un an pour sa fille et aussi pour un accident à cette même période (cheville cassée lors d’un décollage en reprenant le vol).

Aujourd’hui, elle vole 80h en moyenne par an (en comptant les vols biplace). Elle a effectué en 2023 la formation de monitrice (tecnico deportivo) en Espagne.

Avant d’être maman, elle pratiquait surtout le cross, un peu de hike and fly, du paralpinisme ou des plus petits vols en voyage. Elle a beaucoup voyagé avec sa voile “dans un objectif de découverte du pays avant tout” (Italie, Espagne, Portugal, Azores, Slovénie, Argentine, Brésil, Colombie, Kirghizstan, Nouvelle Zélande et Indonésie).

Son rêve est de traverser les Alpes en Hike and Fly. Aujourd’hui, elle fait beaucoup moins de cross car cela demande une disponibilité qu’elle essaie de retrouver.

ROCK THE OUTDOOR, la culture parapente