Trousse de premier secours parapente : recommandations d’un urgentiste
Photo ci-dessus : les 2 trousses de premier secours parapente proposées par ROCK THE OUTDOOR
AVIS
Cet article présente la démarche pour bien composer une trousse de premier secours parapente adapté à sa pratique (lieu de pratique, distance, voyage, hike&fly, bivouac). Mais si vous êtes un pilote débutant ou crosseur en milieur non isolé, vous pouvez déjà vous équiper de la trousse standard (voir ci-dessous le chapitre “Les trousses”). Pour les pilotes exigeants, nous vous invitons à parcourir cet article.
SOMMAIRE
D’abord, se poser les bonnes questions
1 – Quels sont les risques que j’encours dans ce vol / ce voyage ?
2 – Quels sont les moyens de les diminuer ?
3 – Combien de temps pour atteindre un centre de secours ?
4 – Comment puis-je enlever de tout ce bazar dans cette « trousse idéale » de 27 kilos ?
Les trousses
1- La trousse standard
2- La trousse d’isolement léger, vol bivouac
En conclusion
La trousse de premier secours parapente idéale n’existe pas, pas de bol ! Il y a en effet un panel de trousses de secours adaptées en fonction de plusieurs situations. Pour réaliser ces compromis, je vous recommande fortement de vous préparer. Comme disait ce génialissime professeur d’Education Physique et Sportive, M. Maïdatchevski : se pré-parer, c’est se « parer avant », inventer les réponses à toute éventualité. Imaginer le « worst-case », le pire cas possible.
Des fois, l’imagination n’est pas suffisante pour se pré-parer à tous problèmes. Cela a été le cas, par exemple, dans le cas du crash des deux hélicoptères dans l’émission de Dropped… Avant de sombrer dans une parano autant paralysante qu’inutile, tentons de réfléchir et de dégager ce qui est plausible et intéressant pour le vol ou le voyage. On ne compose pas de manière identique la trousse de secours d’un campement d’un mois sur une île australe (10 kg), de l’équipe de France de Deltaplane en compétition (19 kg) ou lors de voyages à l’étranger, seul ou avec les copains (3 kg). Et bien sûr, j’ai une trousse toute faite pour le vol de plaine (400 g) et une autre pour le vol en montagne (3 kg).
D’abord, se poser les bonnes questions
1- Quels sont les risques que j’encours dans ce vol / ce voyage ?
Les dangers liés au parapente :
– Fractures : jambes, bassin, colonne vertébrale, poignets, épaules : une ou plusieurs, mais pas au choix !
– Traumatisme crânien de diverses gravités, de la bosse au coma ;
– Plaies, surtout des jambes et des mains.
> Quand j’examine aux urgences les pilotes tombés, ils ont souvent trois, quatre, cinq blessures… rarement une seule !
Les dangers locaux
– Les températures, sans forcément être extrêmes. La chaleur entraîne une déshydratation. Et le froid, via l’hypothermie, a pour conséquence, en résumé, une augmentation des saignements, externes et internes.
– L’altitude et le Mal Aigu des Montagnes : le risque est là dès la première nuit où l’on dort à au moins 2500 mètres, voire moins pour certaines personnes sportives ou non..
– La faune et la flore : tarentules, serpents venimeux, plantes carnivores… de manière plus terre à terre : la rage par les morsures ou léchouilles d’animaux, le tétanos pour les plaies, les piqûres d’insecte si allergies.
Les dangers liés au voyage
– Diarrhées, intoxications alimentaires,
– Phlébites, embolie pulmonaire si voyage en avion,
– Rhumes, allergies, Coronavirus…
– Alimentation et hydratation, deux carburants indispensables à ne jamais laisser de côté en voyage isolé.
Vos propres maladies
Diabète, hypertension, infarctus, tendinite des épaules à répétition, faiblesse(s) au genou…
Les dangers impossibles à anticiper, le facteur aléatoire
Un vautour me fonce dessus, s’emmêle dans mes lignes et on tombe jusqu’au sol.
2- Quels sont les moyens de diminuer ces risques ?
Le dépistage des maladies
– Problèmes cardiaques : une épreuve d’effort est préconisée selon les facteurs de risques cardio-vasculaire (âge > 50 ans, tabagisme, hypertension artérielle, surpoids, « cholestérol », infarctus ou AVC dans la famille…).
– Mal Aigu des Montagnes si vol prévus à > 3500 mètres, encore plus si nuitée à > 2500 mètres. Il existe plusieurs centres en France réalisant des tests d’effort en hypoxie simulée.
– Problèmes articulaires : dos, genoux… c’est ballot de plus pouvoir piloter et devoir poser quand on a une tendinite de l’épaule qui se réveille, en pleine pampa !
Les vaccinations et la prévention des maladies à moustiques
– Pour l’instant la situation sur les CoronaVirus (type D et SARS) évolue très vite. On vous recommande de suivre les préconisations ministérielles, notamment en ce qui concerne les rassemblements et les voyages à l’étranger. Hors de question de l’attraper, et encore plus hors de question de le transmettre aux locaux !
– Tétanos, autres vaccinations obligatoires, et non obligatoires mais recommandés en France. Merci encore au touriste Néo-Zélandais non vacciné qui a réintroduit la Rougeole aux îles Samoa en décembre 2019 : 44 morts, dont 40 enfants de moins d’un an.
– Vaccins recommandés pour certains pays à risque : fièvre jaune, rage, encéphalite japonaise…
En savoir plus sur les maladies transmises par les insectes et la prévention
– Les maladies transmises par les mosquitos. Contre ces « copains » volants, il n’existe pas trente six mille solutions : les répulsifs anti-moustiques sur la peau et les habits imprégnés d’insectifuge sont les meilleures armes. Le Paludisme est la maladie la plus connue, on s’en protège grâce à un traitement préventif adapté à la zone à risque. Moins célèbres, le Chikungunya et la Dengue, fréquents à La Réunion par exemple, peuvent quand même vous gâcher le séjour, souvent plusieurs semaines voire mois après…
– Pour les adeptes des bains et de l’eau de source non stérilisée : la Leptospirose. Une maladie atteignant la plupart du temps le foie et les reins. Les renards, arts, rongeurs en tout genre la transmettent simplement en urinant sur les feuilles ou dans les ruisseaux. Cette maladie est présente un peu partout dans le monde, même dans l’Hexagone. Il existe plusieurs moyens de s’en prémunir en stérilisant l’eau. Les pastilles chimiques purifiant l’eau (Micropur® par exemple), mais elles peuvent irriter vos intestins après plusieurs jours… Il existe des gourdes ou des pailles filtrantes. La marque Katadyn® est une référence de qualité. Enfin, faire bouillir l’eau plusieurs minutes est un bon moyen de la stériliser. L’Organisation Mondiale de la Santé préconise 5 à 20 minutes d’ébullition d’eau claire. Mais en altitude, l’eau bout en dessous de 100°C : il vaut mieux prolonger ces 20 minutes… Cela consomme beaucoup d’eau et de combustible. En résumé, il n’y pas de recette magique pour stériliser l’eau, juste des compromis.
– Les maladies transmises par les tiques : les Borrélioses, dont la maladie de Lyme. Fréquentes en métropole, surtout dans les zones boisées. La tique vous mord, se plante et procède à un troc : du sang pour elle, des maladies pour vous qui vont se développer en 3 stades, des jours à des mois après. Pas de problème si l’on s’inspecte quotidiennement et que l’on retire délicatement sans décapiter ce dracula à 8 pattes. Non traitée à temps, cette maladie peut avoir de sérieuses conséquences à long terme sur les reins, le cœur et surtout le cerveau avec des modifications du comportement handicapantes et difficiles à traiter.
Il existe un peu partout des consultations de médecine de voyage. Bien avant chaque départ, allez faire un tour sur le site ministériel France Diplomatie pour avoir plus d infos sur les risques sanitaires (et autres). En cas de doute, n’hésitez pas à aller voir votre médecin traitant, qui vous adressera si besoin vers une consultation de médecine du voyage. Il n’y a que ces centres qui vaccinent contre la fièvre jaune par exemple.
Des questions plus personnelles, mais aussi à l’échelle du groupe
– Mon niveau de pratique ? Mon engagement ? Ma volonté de réussir ce vol / projet ? Mon addiction aux sensations fortes ? Ma tolérance à la frustration ? Mon besoin personnel de réussite ? Mon besoin de réussite dans les yeux des autres, de reconnaissance pour les amis, sponsors, le groupe que j’encadre, le passager en biplace… ? Ma peur de ne pas réussir et des conséquences pour soi, pour le groupe ? Et plein d’autres questions…
– La formation : milieu isolé, techniques de survie, woaw génial… mais avant tout premiers secours ! A quoi ça sert de savoir chasser le lièvre quand on ne sait pas faire un garrot ?
3- Combien de temps pour atteindre un centre de secours ?
Soit en résumé, combien d’heures d’un endroit de crash jusqu’à l’hôpital performant qui fait de la neurochirurgie ? Comme ordre d’idées, un bon score, c’est moins d’une heure, ce qui peut faire jusqu’à 2 – 3 heures depuis l’appel jusqu’au brancard des urgences.
Cette durée dépend de :
– l’isolement géographique : vallées isolées sans accès routier VS crash à Monaco,
– les moyens de transport : hélicoptère ? taxi-brousse ? à pied ? en rampant si bassin fracturé …?
– l’isolement téléphonique : téléphone par satellite, autres solutions de livetracking par satellite quand le réseau ne passe pas…
On peut en déduire que plus un voyage est long, isolé et en groupe, plus il faudra éviter les allers retours chez le toubib pour les « petits tracas ». Et donc plus la trousse de secours sera grande, et lourde.
4- Comment puis-je enlever de tout ce bazar dans cette trousse idéale de 27 kilos ?
Tout ce qui fait que vous ne voulez pas (ou ne pouvez pas) emmener cette énorme boîte :
– marche et vol, itinérance : nécessité d’un faible poids,
– ergonomie : petits rangements dans les poches, nécessité d’un volume compact,
– le matériel vraiment trop lourd : un caisson de recompression en altitude pèse 5 kg,
– réfléchir à nouveau à l’utilité du matériel : le caisson de recompression en altitude ne servira pas dans les Vosges,
– le prix du matériel,
– la flemme de porter un gros sac.
Les arrangements
Dans un groupe, il peut être intéressant de mutualiser certains items de la trousse de secours avec un pilote très compétent pouvant se poser à côté de vous.
Si vous restez au même logement le soir, on va bien sûr laisser le plus possible dans la chambre et emmener le minimum syndical en vol.
Le compromis
– Certains sont « faciles » …
> En situation d’isolement extrême (pas d’hélico, pas de route), c’est simple : si j’ai une fracture du bassin ou de la colonne, je ne pourrais pas ramper longtemps : je meurs. Si j’ai une hémorragie interne, je meurs. Si j’ai la gastro et je me vide, j’ai le temps de descendre à la civilisation avant que ce ne soit grave !
– D’autres bien plus difficiles
> En France, ou un pays avec un très bon niveau de soins médicaux, avec des moyens téléphoniques adaptés, nul besoin d’emmener beaucoup. Mais prend-on une attelle d’aluminium pour maintenir une fracture ? Un garrot de type tourniquet ? C’est aussi à vous de choisir, selon votre perception des risques, votre envie d’indépendance aussi et le poids / volume que vous pouvez emporter.
– l’envie d’aider les locaux en laissant vos médicaments dans un dispensaire isolé
Les items d’une trousse de premier secours parapente « standard » en vol d’une journée en France
A- Appel des secours
B- Se Protéger
C- Les soins
A- Appel des secours
Téléphone : le 15 en France
L’étape initiale primordiale. Les questions habituelles sont simples :
Qui ? Que ? Quand ? Quoi ? Où ? Comment (y accéder)?
Respirez un coup, préparez votre réponse pendant la musique d’accueil.
Sifflet
Souvent les sellettes en sont déjà équipées. Pratique si vous ne pouvez pas vous servir de votre téléphone (bras cassés ou pas de réseau), quelqu’un d’autre pourra le faire. Un autre pilote au-dessus de vous aura une meilleure couverture réseau et pourra potentiellement vous aider.
Le SOS est internationalement défini comme : LONG – LONG – LONG ; COURT- COURT – COURT ; LONG – LONG – LONG.
B- Se protéger et protéger l’autre pilote
Si l’on s’occupe d’un(e) autre pilote, il est essentiel de faire attention de ne pas se contaminer avec du sang et de ne pas souiller les plaies.
Du gel hydro-alcoolique : une denrée rare à l’heure actuelle, indispensable pour se désinfecter les mains avant toute chose : soin, ou même d’enfiler son masque ou ses gants.
Un masque chirurgical : au vu du contexte actuel du CoViD-19, mieux vaut se protéger et protéger ceux qu’on soigne.
Gants médicaux : à votre taille. A choisir en silicone plutôt qu’en latex (idéal : posséder 2 tailles dans la trousse). Certaines personnes sont allergiques au latex, ce serait ballot de désinfecter la plaie du copain de la copine et de lui créer une réaction allergique de type oedème de Quincke…
Lampe : une frontale est le plus adapté pour avoir ses deux mains libres. Certains magasins vendent des casquettes avec diodes intégrées.
La couverture de survie
Parce qu’éviter l’hypothermie, c’est éviter une aggravation des hémorragies, internes et externes. En frissonnant, le(la) pilote perd aussi beaucoup d’énergie, se fatigue. Et c’est aussi du confort. Je conseille des couvertures grandes d’au moins 2,5 m de long pour pouvoir emballer entièrement le(la) pilote. Celles de 1,8m sont trop petites, on ne peut pas en rabattre un bout sous les pieds.
Côté doré ou blanc argenté ?
Petit moyen mnémotechnique : côté doré à dehors, on attire le soleil (on réchauffe) – côté blanc dehors, on les met dans la neige (on les refroidit de la canicule).
Les ciseaux jesco
Tant pis pour l’intimité et les habits, il faut le voir pour le croire ! Une paire de ciseaux qu’on utilise en SMUR et avec les pompiers
C- Les soins
Pour les plaies
Les plaies doivent être rincées abondamment, nettoyées, désinfectées. Et, bien sûr, il faut enlever les petits cailloux et échardes. En cas de gros morceau planté profondément, il ne faut surtout pas l’enlever ! L’artère ou la veine peut se remettre à saigner abondamment, voire très abondamment, et c’est la mort vraiment.
Désinfectant
La Bétadine dermique jaune est la meilleure mais certaines personnes sont allergiques. Pour éviter cela, préférez la Chlorhexidine. En dosettes de 5 ml, c’est suffisant pour les plaies. Le savon est très efficace aussi, pour les petites plaies.
Sparadrap solide
Pour fixer les compresses, maintenir le matériel
Quelques pansements de tailles différentes
Pour des plaies minimes.
Pansement israélien
Une manière simple et pratique de réaliser un pansement compressif. On peut s’aider de la bande avec l’attelle pour créer une immobilsation de poignet efficace.
Les médicaments
A voir avec votre médecin traitant selon vos maladies chroniques, vos traitements habituels et vos allergies.
Grosso modo : un antibiotique, un antalgique léger, un antalgique modérément fort (doses pour 6h).
Corde et mousqueton
De quoi s’harnacher en cas d’arbrissage. Certaines sellettes ont déjà un système identique intégré (SupAir Delight 3). C’est une option intéressante aussi en vol de plaine… Même à la Dune du Pyla, il y a des arbres !
La “trousse d’isolement léger” (vol bivouac) : les options
Attelle alu forme 5cm de large, voire plus
Une attelle que l’on peut plaquer contre le poignet ou la cheville en attendant les secours. En enroulant une bande Velpeau de 5 cm et un sparadrap, ça tient.
A noter qu’après plusieurs déformations, l’attelle devient souple et donc inutile.
Garrot de type Tourniquet
Extrêmement utile pour attendre les secours pendant des heures en cas d’hémorragies grave, de fracture ouverte en dessous de la moitié de la cuisse ou du bras. Notez l’heure de pose du garrot sur un sms. Entraînez-vous chez vous, c’est inefficace de découvrir ce matériel en conditions réelles. C’est entre 10 et 30 € mais ça sauve des vies.
Purification de l’eau
Micropur ® : 1 cp pour 1 litre d’eau à purifier. Il faut attendre 2 heures avant de pouvoir boire.
Il existe des gourdes avec filtres, cela peut-être une option intéressante, mais leur capacité de stockage est limitée. A voir au cas par cas.
Un briquet et une bougie
Les alpinistes connaissent bien cette technique de survie : se mettre sous sa couverture de survie, côté doré au soleil, avec une bougie allumée. Attention tout de même à l’intoxication au monoxyde de carbone, il faut faire rentrer de l’air frais de temps en temps.
Ou un petit outil qui permet de faire du feu comme le Gerber’s Fire Starter. En frottant énergiquement la tige en ferrocérium, vous produirez facilement des étincelles. On peut se servir du mini décapsuleur fourni ou d’une lame de couteau.
Les médicaments
Pareil, à voir avec votre médecin traitant selon vos maladies chroniques, vos traitements habituels et vos allergies.
Grosso modo : un antibiotique, un antalgique léger, un antalgique modérément fort (doses pour le nombre de jours pour atteindre l’endroit où vous avez laissé le reste de la pharmacie principale).
Des questions spécifiques à chaque pays se posent : vaccins (tétanos, fièvre jaune, rage, hépatite A…), traitement anti-paludéen.
En conclusion
Prenez le temps de composer votre trousse de premier secours parapente. Certaines existent toutes faites et c’est très pratique.
Pré-parez-vous, anticipez les dangers, formez-vous, entraînez-vous avec votre matériel.
En médecine ; « primum non nocere », d’abord ne pas nuire : demandez de l’aide sans hésitation avant de faire un geste sur lequel vous avez un doute.
Si jamais vous avez un accident non léger, la première chose à faire est d’appeler le 15 pour vous localiser, vous aider à vous soigner et pour envoyer des secours adaptés.
Enfin… Un accident, même petit, ou un incident, c’est un signe comme quoi quelque chose vous a échappé… Même quelque chose dont on n’a pas envie de se l’avouer sur le moment. Alors, mon conseil de soignant d’accidentés et d’accidenté, si vous avez un accident, même bénin, la première question après les soins doit être, encore et encore, « j’arrête aujourd’hui, sinon pourquoi est-ce indispensable de voler encore aujourd’hui ? ». C’était peut-être une mauvaise journée pour vous. Prenez le temps de faire une pause et vous verrez bien comment vous sentirez les choses le lendemain.
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