Triangle depuis le site de Chabre avec Karlis (193 km)
Les vents de Mistral venaient de passer et c’était une très bonne journée pour voler. Jeudi soir, j’avais prévu d’aller à Chamonix pour voler le week-end dans les plus hautes montagnes d’Europe. J’avais soif de grandes distances. Arna Goldsmith m’a suggéré de faire un arrêt à mi-chemin à Laragne-Montéglin, car elle connaissait cet endroit comme “epic flying site”. Elle y a vécu et volé pendant plusieurs années.
Décidé pour cette destination, je me suis renseigné auprès de Bruce Goldsmith (responsable de la marque BGD) qui connait bien la région (il y vole depuis plus de 20 ans). Nous avons donc construit une route pour un triangle de 180 km. Bruce avait déjà fait toutes les parties du triangle au fil des années. Il m’a donné de très bons conseils sur les endroits difficiles et nous avons également parlé des systèmes des vallées locales. J’ai pris les coordonnées GPS pour tous les points de virage et les sommets des montagnes que je pensais survoler le long du chemin (voir carte à droite).
J’étais bien préparé et la journée s’annonçait incroyable
Je me suis levé tôt, je me suis préparé et dirigé vers le sommet de Chabre. J’ai rencontré quelques pilotes au décollage qui m’ont suggéré que le déco Ouest n’était une bonne idée car la crête fonctionne bien avec une petite brise en Sud. J’ai réfléchi, observant tout autour de moi puis j’ai téléphoné à Arna lui disant que j’avais décidé d’élargir le triangle à 200 km.
L’école Full Blue Sky, tenue par Nicolas Garcin, était déjà sur place pour des vols avec ses élèves, une excellente indication pour moi pour voir comment les conditions évoluaient. Ils gagnaient de plus en plus d’altitude. Il n’y avait pas un seul nuage dans le ciel, même pas un petit. Je devais compter sur chaque oiseau passant et sur chaque élève décollant. J’ai enfin décidé de partir juste avant midi (parce que je commençais à m’ennuyer et parce qu’il était temps de décoller). Comme il s’est avéré plus tard (après le vol), le reste des pilotes qui ont attendu plus longtemps ont dû attendre encore une demi-heure pour pouvoir décoller à cause d’un vent du nord qui est venu les déranger. J’étais ravi de savoir que ma première décision de décollage était déjà couronnée de succès.
Je suis entré en action assez rapidement, prenant 1000 mètres environ au-dessus du sol. Ayant décollé assez tard et la journée semblant bonne, j’ai décidé de voler vite. J’ai donc commencé à pousser la barre dès le début : “Pas de temps à perdre, mon pote, c’est l’heure de la course “, me disais-je pour me motiver.
Le prochain thermique que j’ai pris m’a amené à plus de 1600 mètres au-dessus du sol soit 2700 m au-dessus du niveau de la mer. Maintenant, j’avais fait le plein avec ma belle Diva voguant à 55 à 60 km/h. Une demi-heure plus tard, j’étais déjà à 16 km à l’ouest du décollage, prenant la décision de faire cap vers le Nord.
La première étape du triangle vers le Nord s’est bien déroulée jusqu’à ce que j’arrive au bout de la vallée. Les vents avaient tourné de S à W/NW (j’ai remarqué lors de ma dernière montée que j’avais une dérive avec un vent de W/NW mais je pensais que ce n’était qu’un problème en altitude et que le système dans la vallée serait toujours en sud). J’ai failli atterrir, arrivant à 200 mètres au-dessus du fond de la vallée. J’ai regardé ma distance parcourue : 33 km. “Not again! Il n’y avait aucune raison que j’abandonne maintenant”. J’ai travaillé dur, me concentrant sur chaque mouvement de l’aile, ne touchant presque jamais les freins, utilisant toutes les petites ascendances que je trouvais et j’ai enfin réussi à monter. J’étais heureux : “No more low flying, buddy!” me disais-je pour me motiver.
J’ai dérivé avec le vent jusqu’au au prochain contournement pour rejoindre “the Beautiful Ridge“, situé juste au nord de Gap et qui finit à Corps. Je savais que lorsque je me rapprocherai de cet endroit, ça fonctionnerait. Il n’y avait toujours pas un seul nuage dans le ciel et les ascendances atteignaient plus de 3300 mètres.
J’y suis allé aussi vite que possible, grimpant à 3333 mètres (je sais, un numéro cool) partant pour un glide presque direct sur la superbe crête, compensant ainsi tout le temps perdu.
À la fin de la crête, en mode course, je suis parti sans faire le plein commençant mon glide à 2760 m. Ce n’était pas un grand glide et il y avait un vent de travers qui m’a amené trop bas. J’ai commencé à me rendre compte que le “Teletubby land” (Bruce appelle ces collines Teletubby land parce qu’elles sont vertes comme dans l’émission de télévision) n’étaient pas un endroit idéal. Je me suis dit : “La terre Teletubby ressemble à une jolie carpe, je devrais probablement aller plus au vent, je devrais avoir dépassé plus de 3200 mètres, pourquoi es-tu si stupide en ce moment? Ok, Bruce m’adit que Teletubbies fonctionnaient bien, alors je ferais bien d’y aller “. Bien sûr, la zone de Teletubbies n’étaient pas bonnes, le vent soufflant en NW et pas en S (quand Bruce m’a parlé de cet endroit, il s’attendait à ce que le vent soit au sud).
Dérivant avec le vent et avec des ascendances quasi nulles (de 0 et 0,5 m/s), j’ai réussi à trouver un petit thermique qui a réussi à me monter juste assez pour faire une transition en sachant que la Diva réussirait à me faire traverser le lac. À partir de là, voie rapide pendant la traversée du lac, j’étais de nouveau en mode course.
Travaillant tous les thermiques, poussant la barre à fond je luttais contre les turbulences. J’ai presque entendu ma Diva me murmurer : “Ne t’inquiète pas mon compagnon, je gère, détends-toi et profite de ton vol”. Ce que j’ai fait exactement. Elle a pris soin de moi et j’ai cherché à prendre du plaisir et à me détendre : la Diva est de loin la 2 lignes la plus facile avec laquelle j’ai volée et elle est si rapide !
La dernière étape a été très difficile. Vent fort, thermiques hachés, petites collines. Mais j’ai fini par trouver la convergence dont Bruce m’avait parlé faisant très peu de virages au dessus de la collines à côté de la route et presque perpendiculaire au vent. Pour cette dernière étape du triangle, la Diva et moi-même étions en accord. Nous avons réussi à rejoindre notre point de départ, à 4 km de la voiture que nous avions laissé plus tôt le matin.
Merci Arna et Bruce
Je n’aurai jamais pu faire ce vol sans vos conseils. Et la BGD Diva l’a fait super bien. J’ai eu plusieurs fermetures asymétriques, un super thermique de 8-9 m/s qui a propulsé l’aile, la faisant shooter sérieusement vers l’avant. Mais j’ai pu contrôler et récupérer sans problème, à peu près comme je le fais avec la Cure, mais c’est juste un peu plus chaud. C’est impressionnant compte tenu de la performance de l’aile.