Cross de groupe en partant du site de bord de mer Milepat à Plouezec (22)
Hervé Marigliano
Le cross de groupe, une vraie discipline de camaraderie, de rigueur, d’engagement pour voler plus loin encore. Il existe des centaines d’histoires de ce type à raconter. En voici une, celle de trois pilotes bretons qui ont parcouru une cinquantaine de kilomètres le 6 octobre dernier de Plouézec à Quintin. Vol au-dessus des magnifiques paysages des Côtes d’Armor.
Au regard des grands vols de distance libre en parapente, on remarque souvent qu’il n’y a non pas un seul détenteur de record mais… plusieurs pilotes.
Si le vol de distance en groupe se développe de plus en plus c’est aussi parce qu’il implique rigueur, engagement, solidarité et … une méthode de vol fondée sur la connaissance et l’humilité. Le vol de groupe permet à chacun de partager son savoir-faire et ses compétences pour aider d’autres pilotes. Et en même temps, il permet de progresser et dépasser ses propres limites sans pour autant se mettre dans le rouge.
Pour un pilote autonome, il n’y a pas meilleur enseignement que le vol de distance en groupe !
C’est ma propre expérience notamment après deux stages cross avec Erwan Didriche à Samoens. Au sein de l’école Airone Parapente, j’ai appris qu’au-delà du talent individuel du pilote, ce qui prime, c’est la capacité de chacun des membres du groupe à appliquer une stratégie commune. Dans le cas d’un stage cross, le moniteur reste le chef d’orchestre et le leader de l’équipe. Ce qui n’empêche que chaque pilote est autonome et que sa réussite personnelle tient à sa technicité en matière de pilotage et particulièrement à ses ressources mentales. Il faut donner le meilleur de soi-même. Il faut pouvoir monter au plafond et parfois y rester en stand by pour attendre les autres. Et l’inverse est aussi valable, car il faut savoir gérer le stress quand on est à la traîne pour rejoindre les autres pilotes. Au final, l’idée est d’atteindre le but que s’est fixé le groupe : le plus loin possible ensemble!
Le vol de groupe du 6 octobre 2017 au départ de Milepat
Première altitude de 600 m sur la côte
Notre équipe était composée de trois pilotes : tout d’abord, Sylvain Bobo, pilote émérite et audacieux, auteurs de différents exploits dont la traversée de la Bretagne et président du club Plouzailes à Plouézec. Puis, le deuxième pilote, Thomas Auriol, jeune et talentueux pilote avec lequel j’ai réalisé l’extraction du bocal de Plouézec. Ce jour-là, six pilotes crosseurs étaient en l’air et ont parcouru différentes distance de vol.
Le vol de groupe avec Sylvain et Thomas n’était pas du tout planifié. Difficile d’imaginer qu’après deux tentatives d’extraction, c’est avec Thomas que j’allais enrouler pour atteindre une première altitude de 600 m. Thomas et moi avons enroulé bien serré ne lâchant rien pour nous mettre en phase orbitale au-dessus et en arrière de la baie de Paimpol.
Dès le départ de cette première phase, nous avons utilisé la technique largement éprouvé par Sylvain Bobo qui consiste à dériver dans un thermique à très basse altitude, quittant le relief de la côte à 60 mètres de hauteur pour voler de plus en loin et de plus en plus haut en arrière. Nous nous arrachons à la gravité, quite à survoler la ville de Plouézec à 300 m/sol, pour atteindre l’altitude de 600 m.
La phase d’extraction étant « optimale », Thomas et moi-même débutons la phase 2 du vol : le « zérotage » (Cf la vidéo ). L’objectif est de maintenir une altitude convenable tout en temporisant notre progression de vol vers l’intérieur des terres.
C’est parti pour claquer des kilomètres
Durant cette phase, nous nous replaçons face au vent en effectuant de larges cercles dans une masse d’air plus ou moins porteuse. La technique du zérotage permet de se maintenir en stand by prêt à capter le prochain vrai cycle thermique ou accrocher un nuage bien actif. Partir trop tôt en transition serait prendre le risque d’atterrir prématurément après une fléchette de 10 km. C’est durant cette phase 2 que Sylvain nous a rejoint battant son propre record de vitesse verticale soit 20,4 m/s passant de 900 à 600 mètres en 15 secondes.
L’union fait la force et les conditions sont en train de s’établir. Sylvain nous propose de nous montrer le chemin pour partir crosser. Cette fois l’équipe est au complet avec un vrai impulseur de bornes qui connaît particulièrement bien le terrain. C’est parti pour claquer des kilomètres. Tel un commando soudé, nous enroulons ensemble le thermique qui nous fait passer à la phase 3 du vol : le cross de plaine. La mer s’éloigne, disparaît derrière nous et nous sommes très vite au nuage.
Chacun de nous, à tour de rôle, déniche un nouveau thermique et en fait profiter le groupe.
Après une trentaine de kilomètres à longer la baie de Saint-Brieuc nous passons quasiment groupés dans l’axe de la belle piste de l’aéroport de Saint-Brieuc où un Jodel Robin est en finale. Quelle vue magnifique! Et quelle sensation ! Il s’avérera que le pilote de l’avion est aussi un parapentiste et qu’il est resté totalement éberlué de voir trois parapentes en transition perchés à 1000 mètres ! Et puis le cross continue avec plusieurs autres cycles thermiques. L’avantage de voler en groupe est de pouvoir baliser le terrain et de renifler les thermiques dans différents endroits. Là, il n y ‘a pas de rôles prédéfinis.
Chacun de nous avec son expérience, à tour de rôle, déniche un nouveau thermique et en fait profiter le groupe. C’est l’euphorie de traverser la plaine bretonne de nuage en nuage. La seule ombre au tableau, c’est –après 3 heures de vol au frais- l’absence de kit pipi en place. Faudra tenir jusqu’à l’atterro. Pour le reste, j’ai tout ce qu’il faut barres énergétiques et pompotes. Thomas Sylvain et moi-même progressons bien laissant Saint-Brieuc derrière nous… Cap vers Pontivy.
Le cross se finira autour de Quintin, le groupe aura parcouru une cinquantaine de kilomètres survolant des paysages magnifiques. Ce vol à plusieurs ailes nous aura offert une belle émotion et de merveilleux souvenirs à partager.
Hervé Marigliano – NIVIUK Artik 4 et sellette Kortel Kuik 2 race
Beau nuage. J’en ai traversé deux comme ça autour de 1200 m et ils pompaient bien. Oreilles accélérées et les yeux sur mon gps et ma boussole pour garder le cap. A un moment, j’ai fermé les yeux car tu cherches des repères visuels et ca bouge un peu. J’ai dit : “à toi de jouer mon oreille interne”. Et puis, quand tu ressors du nuage par un côté, tu en survoles les flancs et là c’est génial !
Photos de Sylvain Bobo
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