Rando vol au Lenquo de Capo avec Julien Hamard (Pyrénées)
Candidat au CONCOURS ROCK THE OUTDOOR
Concours du plus bel article de vol rando ou montagne
Ni photographe, ni poète…
Vous le découvrirez au fil de ces quelques lignes, je n’ai pas de talent d’écrivain, encore moins celui d’un poète. Quant à la photographie, bien que je comprenne les phénomènes d’exposition, de vitesse d’ouverture, de sensibilité à la lumière, je laisse ce domaine à des gens que je salue pour leur capacité à voler et prendre des photos en vol de manière, dirons nous, instinctive.
Ainsi, lorsque j’ai la chance d’immortaliser un beau moment, je laisse le soin à ma petite caméra d’extirper le meilleur de la lumière qui se présente devant moi. Je me considère plus comme un cuistot de l’image qui adapte et transforme ce produit brut pour en sublimer une partie…
Ce récit est celui d’un sommet timide
Ce récit est celui d’un sommet timide. Un parmi tant d’autres. Entouré d’une forteresse tutoyant ou dépassant les 3000 mètres au nom évocateur de Pic LONG, PIC D’ESTARAGNE ou CAMPBIEIL. Il pourrait presque ne pas avoir été baptisé tant sa place est anodine voir suspecte. On y passe parfois mais peu s’y arrête. Aux yeux du commun des randonneurs il n’est qu’une anté-cime, un tas de caillou de plus. Mais dans le regard d’un rando-voleur ; tout n’est en fait qu’affaire de perspective. De point du vue. Et si tout tournait autour du …
Lenquo de Capo
L’automne est là et les conditions sont parfaites pour marcher et voler au dessus de ces sommets que parfois nous survolons sans même les voir. L’émulation de notre club pour le « marche et vol » ne date pas d’hier mais il faut reconnaître que nous sommes bon nombre à y avoir donner un nouvel élan. C’est un noyau dur qui vient arpenter les sentiers avec un sac parfois qui avoisine les 15 kilos, juste pour ce plaisir. Certains m’auront avoué être là pour cette pratique qui leur a donner autrefois l’envie de commencer le parapente. L’essence de notre activité, je me plais à dire. Gravir une montagne et la descendre en volant. Magique non ? Quel intérêt diront certains quand on peut attendre le printemps et ses pétards thermiques qui vous propulsent dans les airs? Je répondrais ; simplement pour le plaisir de contempler, de glisser, pour s’arracher de cette terre qu’on a gravi mètre après mètre en se disant que le vol sera plus long, encore et encore… Mais aussi comme me le dit un très bon ami «ON SE LE GAGNE ! » La sueur, le goût de l’effort ont toujours donné une saveur particulière à un sommet qu’on arrive à gravir.
Ainsi la veille du 5 Novembre, une équipe de notre club est parée pour en découdre avec les thermiques de Val Louron. Pendant que Thierry, Laurent et moi ne savons pas encore ou poser notre extrados. Je sais simplement que je veux marcher. Mais ou ?
On s’appelle et on échafaude des plans. Et puis devant la cartographie de l’IGN, mes yeux se portent sur le Parc National et ses restrictions. Je laisse le mulot défiler jusqu’au LENQUO DE CAPO. J’ai un temps d’arrêt. Je regarde une prévision météo, puis retourne sur la carte. Ca colle !
J’ai le souvenir de ces sommets que le Parc National des Pyrénées ouvre au vol pour une durée déterminée. Le LENQUO en fait partie. Je me replonge dans l’arrêté de survol signé du directeur du Parc. J’y télécharge l’arrêté de survol aéronefs non motorisé 2015 au format PDF. Bon sang, mais oui ça va le faire ! Je téléphone aussitôt à Thierry qui après quelques questions sur la finesse du vol est à fond partant. Ne reste plus qu’à convaincre Laurent que c’est une journée à ne pas manquer. Qu’a cela ne tienne le travail attendra.
Le lendemain, nous nous retrouvons à SOULOM
Le lendemain, nous nous retrouvons à SOULOM chez Laurent. Nous prenons la route pour GEDRE, lieu où nous devrions atterrir. Romuald, le local de l’étape, nous y attend pour distiller deux ou trois indications sur le terrain où poser et nous fait la navette jusqu’à GEDRE DESSUS.
Le bruit des feuilles de hêtre marron-rouge que nos pas écrasent masquent en partie nos conversations. Nous parlons fort ; on rit. En sortant de la forêt, nous touchons les premiers rayons de soleil. Le vallon ne dévoile pas encore notre objectif mais on voit déjà la neige sur les sommets. Une nouvelle pause un peu plus loin pour déguster un gâteau fait maison, nous sommes sur un plateau proche d’une cabane, celle du plateau du même nom le SAUSSET. Un panneau jaune attire notre attention. C’est celui qui défend l’entrée du Parc National.
Vol dans le Parc National des Pyrénées c’est :
– 8 sommets actuellement ouverts
VIGNEMALE, GAVIZO CRISTAIL, PENNE DE L’ESTRADERE, PIC D’ARTOUSTE, LENQUO DE CAPO, PIC DE CAMPBIEIL, BALAITOUS et PIC DU MIDI D’OSSAU.
– 1 période d’ouverture du 1er Novembre au 30 Avril (Exception Pic du Midi d’Ossau du 1er Mai au 15 Juin et du 30 Septembre au 31 Octobre).
– Eloignement maximale recherché et trajectoire directe vers lieu de posé
– Déclaration au Parc à posteriori par courriel. Des couloirs de passage pour le cross.
Nous approchons la neige qui a recouvert les sommets à partir de 2300 mètres. Nous reprenons notre marche et, 20 minutes plus tard, la tâche devient de plus en plus ardue. La neige nous permet tantôt de porter et, parfois, c’est le sol qui se dérobe sous nos pieds.
A ce moment là, je songe à ce sac que je porte sur le dos et à son contenu. Je souris. Nous randonnons avec l’espoir de décoller en parapente dans un espace naturel protégé. Le Parc National des Pyrénées est l’un des plus restrictifs quant à notre pratique. Pourtant des aménagements ont été trouvés. Certains diront que l’on a rien à faire là, d’autre trouveront que ces incartades automnales ne sont que de la poudre aux yeux pour calmer les passionnés de montagne que nous sommes. Cependant un dialogue s’ouvre avec l’enjeu de trouver un compromis qui permettrait de défendre un espace naturel tout en le gardant ouvert aux pratiquants de la montagne que nous sommes.
Ces pratiquants sont bien souvent des amoureux de la montagne, des défenseurs de la nature. Spectateurs privilégiés de ce milieu, comment peut-on concevoir de voler avec l’envie de braver l’interdit, de tutoyer les limites pour son plaisir personnel? Les randos-voleurs (j’aime ce titre…) que je côtoie ont ce respect de la faune qu’on veut apercevoir sans l’apeurer. Ici, nous ne sommes que de passage.
Il n’en reste pas moins que les craintes de nos détracteurs tiennent parfois autant de la fantaisie que de la méconnaissance. Et c’est là que le dialogue et le souci de responsabilité prend tout son sens. Pourquoi allons nous voler dans ces espaces ? Qu’allons nous y chercher ? Comment souhaitons nous y laisser cette trace éphémère dans le ciel ?
Si nous n’avons pas encore de réponses à ces questions, nous nous devons d’étrenner ces sommets afin de pouvoir y apporter une critique constructive et c’est tout l’enjeu de notre ballade.
Mais nous voilà déjà arrivés au PORT DE CAMPBIEIL. Thierry et moi, nous nous sommes relayés dans cette neige croûtée. Les chaussures sont humides et mes orteils un peu refroidis. Le LENQUO est tout proche, nous l’atteindrons dans 15 minutes à peine.
Laurent nous rejoint et nous dégustons une clémentine au soleil. Les rayons nous réchauffent mais un petit vent d’ouest nous refroidi d’autant. Bonne nouvelle, Éole est de notre côté. Les derniers mètres sont magiques. Souvent emprunts d’une respiration qui va en ralentissant et de regards qui se portent bien plus loin que là ou nous posons nos pieds. Je découvre la face sud-ouest du Pic de CAMPBIEIL, son éperon FISCHESSER et la Station de PIAU-ENGALY. Nous y voilà. Le sommet est à dominante rocheuse mais des touffes herbeuses le recouvrent partiellement. La pente orientée Ouest / Sud-Ouest est raide. La neige est bien présente et il nous faut jouer avec les rochers et les quelques replats du terrain pour que nos ailes ne glissent pas. Le vent se renforce un peu. Thierry sert de fusible avec sa NERVURES WHIZZ et, dans un décollage élégant, il glisse au dessus de la pente et file droit devant. Laurent ne perd pas une seconde et lève son aile. Un recentrage et une tempo plus tard, le voilà aux côtés de son ami. J’immortalise ces instants de ces deux parapentistes qui montent sans effort devant le LENQUO en attendant que je les rejoigne.
Thierry repasse devant le sommet et me crie : « Allé Juju, à ton tour… ». Je lève mon aile qui prend une petite rafale pile dans la fenêtre de vent. Je suis proche de l’arête et, décidant d’affaler, je tire sur le frein, ce qui crée plus de pression. L’aile retombe sur un bloc rocheux et se bloque. Décollage raté. Je remonte sur mon aile et prend soin de récupérer une à une mes suspentes dégainées qui s’étaient enroulées autour d’un bloc de granit aux arêtes bien saillantes. Quelques instants plus tard, je m’arrache enfin, non sans efforts. Le plan de vol est simple, nous prenons le cap au milieu du vallon et nous nous appuyons sur les faces sud sans trop s’en approcher, réglementation oblige. Derrière nous, le LENQUO s’éloigne. Nous survolons ce vallon dans lequel nous marchions quelques heures plus tôt.
L’air est calme et nous profitons pleinement de la vue sur le cirque de GAVARNIE et la BRECHE DE ROLAND. Nous arrivons au verrou où nous craignions d’être contrés par de la brise sans quoi il nous faudrait rapidement faire un choix, rebrousser chemin et poser aux granges ou s’engager une fois pour toute vers GEDRE DESSUS. La finesse nous permet à tous de passer et nous survolons à présent les vertes prairies de GEDRE.
Je contemple une dernière fois le cirque de GAVARNIE et le plateau de SAUGUÉ tout proche, mais me voilà déjà en branche arrière! Il est temps de me réveiller. Le repérage matinal a été profitable, en effet le terrain légèrement en pente descendante est bordé par une route, deux lignes et … le cimetière en bout de finale !
Je lance mon étape de base au dessus d’une grange et je m’aligne face au village pour poser à 30 mètres de la route. Heureux et satisfait, je m’allonge dans l’herbe et je contemple mes deux camarades encore au dessus de moi. Ils ne tardent pas à me rejoindre.
Commence alors notre troisième mi-temps. Les pieds au sol, nous rejouons le film de notre envolée comme si celle-ci avait été trop courte. Nous ne le savons pas encore mais c’est avec un appétit d’ogre que notre club (Vol Libre Pays des Gaves) va avaler pas loin de quinze sommets tout aussi beau, toujours dans cet esprit de partage, de découverte et de contemplation…
Julien Hamard
ITINÉRAIRE
Accès routier à GEDRE. Depuis la plaine Tarbaise prendre Lourdes, puis la direction de GAVARNIE, après Luz Saint Sauveur se rendre à GEDRE et se garer soit à côté du Cimetière ou monter jusqu’à GEDRE DESSUS au lieu dit « Moules Déra. »
– Départ de la randonnée depuis GEDRE prendre le sentier qui borde le champ de la luge d’été en direction du pont des Grabassets.
– Départ depuis Moules Déra prendre le sentier à gauche depuis les Moulins en direction des Grabassets et des Granges de Campbieil.
Remonter le vallon sur le sentier balisé jusqu’au Port de Campbieil. Du col remonter l’arête très large jusqu’au LENQUO
DECOLLAGE
Face Ouest du Lenquo de Capo et vol en trace directe vers GEDRE
ATTENTION !!! finesse 5 requise minimum.
Vous aussi, participez au CONCOURS ROCK THE OUTDOOR!
Utilisez votre plus belle plume et votre talent de photographe pour partager votre belle aventure de rando vol. Le concours doit présenter un récit (6 points) avec une description du parcours et du décollage (5 points) avec si possible des liens vers des sites d’information sur le circuit et le décollage, des photos ou une vidéo de l’ascension et du vol (6 points) accompagné d’un récit.
Les 5 meilleurs articles seront récompensés. Afin que l’article présenté soit une véritable création de l’année, les images doivent faire apparaître le logo ROCK THE OUTDOOR* (3 points).