Splendide vol wingsuit d’Ambroise Serrano le long de l’Aiguille de Bionnassay
Avant de découvrir le récit de son aventure sensationnelle, une petite présentation d’Ambroise et de sa passion pour la montagne et des sports de l’air transmise par son papa, moniteur de parapente et de deltaplane.
Ambroise, commençons par une brève présentation sur toi
Je suis originaire de Praz sur Arly, mais je vis depuis peu sur Poitiers où j’enseigne en soufflerie (simulateur de chute libre) mais je reviens dès que possible dans les montagnes pour pratiquer mes activités : parachutisme, base jump (principalement en wingsuit), speed-flying et l’hiver, ski et speed-riding.
D’où vient ta passion de la montagne et des sports de l’air ?
J’ai toujours vécu dans les montagnes, elles m’ont fait rêver depuis tout petit… Fils d’un père amoureux de l’air, moniteur de parapente et anciennement de deltaplane, il m’a transmis sa passion pour le vol que je suis allé chercher dans d’autres disciplines plus “rapides”.
A quel âge as-tu commencé à sauter ?
J’ai commencé le parachutisme à l’âge de 16 ans. J’ai arrêté les études à 19 ans pour me consacrer pleinement à cette activité. J’en ai d’ailleurs fait mon métier. Je totalise maintenant près de 4000 sauts d’avion dont plus de 1000 en wingsuit.
“Depuis mes 16 ans, je rêve de pouvoir voler en wingsuit au milieu de tous ces hauts sommets et de ces paysages grandioses qui m’ont vu grandir. J’ai commencé le base jump à 24 ans et j’ai près de 200 sauts dont les 3/4 en wingsuit.”
Peux-tu nous conter la genèse de ce magnifique vol en wingsuit ?
Cela fait des années que j’admire l’Aiguille de Bionnassay, imaginant ce que je pourrais y faire une fois que j’aurais le niveau nécessaire pour “jouer” avec elle de façon maîtrisée : l’hiver en allant rider aux Contamines et l’été en allant speed-flyer au Mont Vorrassay (celui que je survole en fin de ligne sur la vidéo).
Après l’avoir étudiée des centaines de fois sous tous les angles, j’ai décidé d’y aller : je n’étais pas sûr de pouvoir rallier le fond de vallée mais la configuration du relief offrait des échappatoires à n’importe quelles parties du vol au cas où ma wingsuit ne planerait pas suffisamment. J’ai fait une étude minutieuse sur carte IGN en définissant les trajectoires, échappatoires potentiels, finesse nécessaire pour rallier chaque sommet. Comme c’était jouable, il ne restait plus qu’à attendre le bon créneau météo…
Tu as fait un premier vol de reconnaissance. Peux-tu nous le raconter ?
C’était en juin (2020). Lors de ce premier vol, je suis resté plus loin du relief que le second (celui de la vidéo). Il était trop risqué de prendre des trajectoires aussi engagées sans connaitre parfaitement le spot.
Comme il était impossible de trouver une falaise suffisamment haute pour pouvoir y sauter et tenter cette traversée des crêtes, je suis monté à Vorrassay avec mon père pour y voler en parapente et sauter si nous arrivions à une hauteur suffisante (manœuvres que nous avons réalisées quelques fois déjà mais jamais aussi haut).
Les conditions étaient parfaites. En une petite heure, nous sommes arrivés quelques centaines de mètres au-dessus de l’Aiguille de Bionnassay. La montée était longue et il faisait très froid, les gants que j’avais prévus suffisamment fins pour pouvoir sentir la poignée d’extraction du parachute ne suffisaient pas. J’ai chopé une énorme onglée et je me demandais pendant une bonne partie de la montée si j’allais être capable de sauter et d’avoir suffisamment de sensibilité dans les mains pour pouvoir tirer mon parachute. Finalement, j’ai réussi à me réchauffer et j’ai sauté ; je suis parti pour un vol époustouflant de 3 minutes au milieu des montagnes. C’était encore plus beau que ce que je m’étais imaginé…
Est-ce un vol difficile, très technique ?
Oui, c’est un vol technique où il faut beaucoup planer avec certaines sections à plus de 3 de finesse, les efforts nécessaires pour tendre la combinaison et l’altitude m’ont essoufflé rapidement alors que je n’avais pas encore fait la moitié. C’est rare de devoir se forcer à respirer comme un coureur alors qu’on vole (les sauts classiques durent en général 3 fois moins longtemps). Dans ce genre de vol, comme dans un effort physique, il faut savoir se ménager…
Quels ont été tes sentiments lorsque tu as tiré ton parachute et quel était ton état après le vol ?
J’ai atterri les larmes aux yeux, conscient d’avoir matérialisé un des plus beaux rêves que j’ai pu avoir à ce jour. Malgré mes doutes, tout le vol s’est passé comme prévu, j’ai pu planer suffisamment pour pouvoir suivre la trajectoire que j’avais définie. Je ne sentais plus mes doigts et j’ai dû attendre une vingtaine de minutes avant de retrouver de la sensibilité et de pouvoir ramasser mon parachute. Un pote est venu me chercher aux Contamines pour me ramener chez moi, mission accomplie !
Comment s’est déroulé ton second vol ?
Le second, c’était quelques semaines plus tard et après avoir visionné des dizaines de fois la vidéo du premier vol pour apprendre les trajectoires et visuels par cœur. Après, il a fallu attendre qu’un second créneau météo se présente.
Même manœuvre, mieux préparé cette fois (j’avais prévu des gants chauffants le temps de la montée). Après le saut, c’était reparti pour 3 minutes de rêve sauf que cette fois je connaissais le terrain… Tout s’est passé parfaitement bien. Encore une fois, grosse émotion en arrivant au posé et une onglée comme on en a rarement…
Comme la vidéo de ton vol plaît beaucoup, as-tu d’autres lignes en vue après celle-ci ?
C’est de loin, la plus belle ligne que j’ai pu effectuer à ce jour et elle le restera probablement pendant un petit bout de temps mais il en reste beaucoup à découvrir dans notre beau massif ! J’espère pouvoir remettre ça dès que possible !
Cela parait presque irréel de voir la distance qu’on peut parcourir juste avec une combinaison en tissu maintenant. J’ai hâte de voir ce qui se fera dans 10 ans ! Même si ces projets sont à la base des démarches très “personnelles” et doivent le rester, ça fait toujours plaisir de voir que vous trouvez ça beau à regarder !
Et le speed-riding et flying ?
J’ai toujours aimé skier. A 19 ans, un copain m’a fait essayer le speed-riding et je suis tombé amoureux de cette activité. J’y consacre depuis tous mes hivers. Trois ans plus tard, j’ai fait mes premiers vols en speed-flying, plus besoin de neige pour pouvoir pratiquer !
C’est le vol de speed-flying le plus incroyable qu’il m’ait été donné de faire, en descendant du glacier de Rottal laissant place à sa rivière…
Cette ligne a nécessité de nombreuses heures de repérage et 2 vols au préalable pour obtenir des trajectoires aussi “épurées”…