Tant que les pieds ne touchent pas terre, y a de l’espoir!
“Comme quoi en plaine, ce n’est jamais perdu”
Fifi Colibri, pilote sedanais du Club Icarus Ardenne, croit terminer son vol à Stonne (Ardennes). A une quinzaine de mètres du sol, il s’apprête à sortir les pieds du cocon quand il voit les feuilles des arbres qui frémissent. Fifi y croit, repose les pieds à l’intérieur du cocon et commence la bagarre. Il se bat, se bat plus de 10 minutes et finit par reprendre un peu d’altitude : “Comme quoi en plaine, ce n’est jamais perdu”.
Personnellement, j’éprouve beaucoup de plaisir dans ce genre de situation
Le récit de Fifi (Philippe Lenoble)
“Ce samedi 10 Octobre 2015, une belle journée s’annonce en flux de Nord Est avec des plafonds pas très haut (+- 1000 m) mais un vent MTO correct en altitude (+- 20/25 Km/h), direction LETANNE (prés de Beaumont 08).
Arrivés au déco, vers 12H30, ça rentre pas mal mais ça reste gérable, nos “Top guns” décollent et très rapidement font le plafond (bas) mais matérialisé par des rues de cums.
Je décolle, ça monte tout de suite, c’est très agréable. J’enroule tranquille, j’arrive au plaf du jour. C’est top, mais je suis seul. Je transite, hélas trop vite, dans du bleu et là, perdu, ça descend irrémédiablement et rapidement poussé par le vent météo, direction Stonne pour poser en sécurité. La vidéo raconte le reste…
Je me refais et après une petite balade, je vais poser à coté de Le Chesne pour boire ma traditionnelle bière (ORVAL).
Je ne suis pas un bouffeur de kilomètres, c’est dommage car, ce jour, trois de mes collègues ont posé prés de REIMS (dont un qui tape 95 km), ce qui est pas mal en plaine au mois d’Octobre.”


Analyse et conseils
ROCK THE OUTDOOR s’est rapproché de 2 champions, tous deux pilotes issus de la plaine, pour commenter cette vidéo et proposer leurs conseils. Honorin Hamard a obtenu le titre de champion du monde (Roldanillo Colombie janvier 2015) et Maxime Pinot, Champion du monde PWC (Turquie septembre 2014).
L’analyse et les conseils d’Honorin Hamard
L’analyse et les conseils de Maxime Pinot
Ma devise : “Accroche toi ! A 20m/sol, t’es encore en vol!”. En plaine, cela n’est jamais fini.
Et oui, en plaine, cela n’est jamais fini. On peut souvent prendre des déclenchements à la source à quelques mètres du sol, par exemple au niveau des lignes électriques :).
Beaucoup de pilotes abandonnent pour choisir d’aller poser en sécurité et puis aussi tout simplement parce qu’ils n’y croient plus.
Il faut se battre, des fois même tourner du zéro et se faire dériver en attendant que notre cycle rejoigne d’autres alimentations qui pourront nous sortir d’affaire.
C’est technique et cela demande de la précision, de la patience, de la représentation mentale des alimentations pour comprendre comment elles s’organisent et comment elles dérivent dans le vent suivant les étages.
Se laisser emmener dans la dérive et tenter de remonter
Sur cette vidéo, on peut observer une plaine avec pas mal de buttes. Le pilote s’appuie en soaring sur les arbres avec une légère pente orientée face au vent. Quelques alimentations passent, le pilote fait preuve d’une belle patience et finit finalement par trouver la bulle tant attendue. C’était bien vu mais souvent en plaine on ne peut pas s’appuyer sur des buttes comme celle-ci et on doit renouveler cette opération de survie sur le plat au dessus d’une zone propice aux déclenchements avec de jolis contrastes. Il faudra se laisser emmener dans la dérive et tenter de remonter.
En montagne, lorsque les pilotes sont en vallée, ils posent
La majeure partie des pilotes volent en montagne et ne connaissent pas les phénomènes de plaine. Effectivement, le vol en montagne est très différent puisque les alimentations se font sur les versants ensoleillés et coupent plus ou moins suivant les saisons les alimentations en vallée. Et donc, souvent en vallée, on ne croise que quelques thermiques anémiques balayés par la brise. Lorsque les pilotes sont en vallée, ils posent.
Belle patience et belle ténacité du pilote. Il vient de trouver un endroit qui lui permet de patienter. Un “reset” en quelque sorte.
Son attention doit se focaliser sur l’exploitation de ce petit bout de soaring salvateur, puisqu’il est de mon point de vu déjà placé sur le seul déclencheur potentiel atteignable avec le peu de gaz qu’il lui reste : une pente bien orientée avec une haie d’arbres à son sommet pour casser la tension superficielle de la future bulle et lui permettre de se décrocher du sol. Il lui faut donc attendre le cycle… et être prêt à dégainer !
Accompagner la bulle avec la douceur ou aller au combat avec elle
En effet, l’on a souvent une seule chance pour se sortir de ces situations (même si dans ce cas précis, l’appui peut lui permettre d’attendre un peu plus). Il faut être prêt soit à accompagner la bulle avec la douceur et la grâce d’une danseuse étoile, ou au contraire aller au combat avec elle, avec la fermeté et l’autorité d’un boxeur. C’est la structure de la bulle qui vous donnera l’état d’esprit à adopter.
Dès qu’un noyau solide passe sous votre plume, soyez plus agressif
Vous l’aurez compris, votre palette technique de thermiqueur doit être la plus fournie possible (entraînez vous!). Il faut savoir garder le tenu zéro sur quelques kilomètres de dérive, en optimisant le taux de chute au maximum par des virages plutôt à plat, sans brusquer votre machine pour lui laisser toute sa glisse et ne pas fausser vos sensations et les informations vario. Mais dès qu’un noyau solide passe sous votre plume, sachez changer de mode, plus agressif, aux rayons de virages court (cf cadencement du virage dynamique), quitte à sacrifier un peu de taux de chute.
Quelques conseils en vrac de Maxime
– Toujours préparer un plan A, B, C, D etc. Et cela, bien avant le raccrochage ! Une fois dans le speed, c’est trop tard.
– Savoir se recentrer sur ses sensations pour être efficace sur la dérive et au contraire l’ovalisation (remontée au vent) de la bulle.
– Construire rapidement un schéma mental de sa structure (à noter que durant une journée assez homogène, les thermiques ont souvent une structure commune).
– Ouvrir grand les yeux pour chercher les indices objectifs d’ascendance. Cela implique de savoir réouvrir son champ de vision, qui a tendance à diminuer dans les situations d’urgence.
– Si la situation devient désespérée, se laisser glisser vent arrière, même si cela implique de rebrousser chemin, pour augmenter vos chances de remonter.
– Respirer!
– Entraînez vous et comme le dit Hono, le roi des sorties à plat ventre, ne lâchez rien ! Jamais !”


