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Interview de Laurie Genovese, la championne PWC qui défie les hommes

Interview de Laurie Genovese, la championne PWC qui défie les hommes

Enfin, des femmes qui arrivent à défier les hommes !

Laurie a participé dernièrement à la Superfinale de la Coupe du Monde parapente à Roldanillo en Colombie (PWC). Elle a enregistré d’excellents résultats sur de nombreuses manches, se plaçant très souvent parmi les meilleurs au classement général Open (3è, 9è, 11è, 5è, 15è, 2è), une première dans l’histoire de la compétition internationale !

Ses performances lui ont permis de remporter le titre de championne féminine mais surtout d’affirmer, avec Meryl Delferrière pas très loin derrrière, que les femmes ne sont pas des pilotes de second rang (respectivement 6è et 10è au classement général). En effet, longtemps désavantagées à cause du matériel (aile pour poids léger moins perfomante), elles parviennent aujourd’hui à tirer leur épingle du jeu sans doute grâce à la Enzo 3 qui affiche de belles performances aussi en petite taille…

Laurie, 25 ans, a commencé le parapente à 14 ans et intègre le Pôle Espoir et le pôle France à 18 ans. Elle a commencé la compétition au niveau international en 2013. Ses titres : championne SuperFinale en 2014, championne de France en 2015 et 2016 et vice-championne d’Europe en 2016.

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Interview de la Championne Laurie Genovese

Championne de la PWC, tu l’as déjà été en Turquie en 2014, cela te fait quoi de l’être à nouveau ?

Beaucoup de satisfaction, surtout de n’avoir jamais lâché. Lorsque j’ai eu ce titre la première fois, j’avais à peine commencé 3 ans d’études intense en kiné, j’ai obtenu mon diplôme en septembre et me voilà à nouveau sur la plus haute marche.

Tu as fait très fort à Roldanillo en figurant plusieurs fois dans le Top ten du classement général. Preuve que ce titre n’est pas dû à la chance mais bien à ton expérience et à ta combativité. Quels sont, pour toi les ingrédients qui te permettent aujourd’hui de figurer parmi les meilleurs pilotes du monde, les deux sexes confondus ?

Il y en a beaucoup… Il ne faut pas forcément les avoir tous pour gagner une compétition à haut niveau. Il faut simplement avoir la bonne recette, celle qui est adapté au terrain et aux conditions.

Parmi ces qualités indispensables en compétition, quelles sont celles qui te semblent les plus importantes ? préparation mentale, concentration, prise de risques, tactique, quête dela victore, contrôle du stress, plaisir de la pratique, stabilité émotionnelle, préparation physique ? 

La performance est très complexe et toutes ces qualités sont importantes mais n’ont pas la même importance pour chaque pilote. Pour ma part, la préparation physique et mentale sont très importantes, le plaisir également car l’envie est la base de tout. On ne fait jamais bien les choses lorsqu’ on a pas de plaisir à les réaliser.

Tu figures aujourd’hui parmi les meilleurs pilotes au monde alors que tu joues pourtant dans la cour des grands avec un gros désavantage : celui d’être légère. Peux-tu nous rappeler pourquoi les poids légers sont défavorisés par rapport aux plus lourds ?

La taille de la voile est proportionnelle au poids total volant du pilote et les voiles plus grandes ont de meilleure performances que les petites, principalement en terme de finesse et de stabilité. Aujourd’hui, Ozone a réussi une Enzo 3 en taille S qui volent aussi bien que ses grandes soeurs.

Comment as-tu vécu cette longue compétition ?

11 jours et 9 manches, c’est effectivement long et délicat à gérer. J’ai essayé d’attaquer chaque journée comme une nouvelle compétition. Au début c’est facile à faire et puis au fur et à mesure que se profile le résultat, ça devient de plus en plus difficile… Mentalement, c’est assez épuisant.

Au fil des compets et avec les nouvelles ailes très performantes : es-tu plutôt du genre à optimiser en faisant les plafs ou à filer direct dès que tu devines une opportunité ou un peu des deux en fonction des conditions ?

Tout dépend des conditions, du terrain et de ce que font les autres…

Quelles sont les conditions dans lesquelles tu te sens à l’aise pour réussir à te démarquer des autres? Par exemple, cette fois, as-tu plutôt joué plaine ou montagne quand les 2 options s’offraient à toi ?

Je me sens le plus à l’aise dans les conditions fortes mais pas trop turbulentes. La turbulence ne me dérange pas en thermique, mais quand il s’agit de la trancher avec le 3ème barreau au fond du cocon… j’ai parfois du mal à débrancher le cerveau. Évidemment je préfère la montagne, la lecture de la masse d’air me paraît plus évidente. En plaine, les placements sont différents, il faut pouvoir flotter, trouver les bonnes lignes sans signes flagrants. C’est bien la première fois que j’arrive à le faire.

As-tu plutôt un tempérament à jouer solo ou à partager avec tes confrères ?

La compétition c’est forcément avec les autres… Il faut savoir faire les deux. J’ai toujours eu tendance à voler trop seule et à ne pas me contraindre au groupe, aujourd’hui je peux dire que je sais faire les deux.

Quel(le)s sont les pilotes que tu admires et quels sont ceux qui ont contribué à ta réussite d’aujourd’hui?

J’admire Charles Cazaux, qui a été un entraîneur à mes débuts, il est capable de signer présent à tous les gros événements et ne jamais perdre la motivation.
Meryl m’impressionne, elle maîtrise à la perfection le vol de groupe et elle a contribué à ma réussite. Je me suis dit “Purée, elle à 5 ans d’expérience en moins et je ne suis toujours pas capable de faire ce qu’elle fait”. Je me suis alors disciplinée, j’ai accepté la contrainte. Elle m’a boostée. Quand elle aura un peu plus d’expériences en vol libre pure, elle va frapper très fort !
Maxime Pinot, mon partenaire d’entraînement et conjoint, pas le meilleur compétiteur actuellement mais pour sûr, le meilleur pilote de vol libre que je connaisse !

Chaque pilote a un ressenti, une perception des éléments : quelles sont, selon toi, les particularités qui te distinguent des autres pilotes de compétition ?

Question difficile… J’ai un instinct assez primitif et je sens des choses que je n’arrive même pas à m’expliquer, dans la vie de tous les jours et en l’air. En compétition, la difficulté est de le laisser parler et à la fois de le contrôler sans pour autant le brider.

Laurie et Meryl Delferrière

Les relations avec les pilotes hommes ont-elles changé ? Ont-ils porté un regard nouveau en te voyant finir dans le top ten pratiquement à chaque manche ?

En l’air, je me suis toujours sentie comme un pilote. Et au sol comme une personne. Mais j’ai rapidement compris que dans la vie, une paire de couilles a bien plus d’une utilité.
Le sexe est différent, c’est physiologique. Par contre, la définition des genres dépend de notre société et souvent on se crée des différences… Je ne dis pas qu’il n’y en a pas, mais y en a t’il plus entre un compétiteur et une compétitrice que entre 2 compétiteurs… ? Tout dépend desquels !
En 2012, j’avais remporté l’overall d’une pré PWC. J’avais découvert un peu l’envers du décor… Aujourd’hui j’ai plus ressenti du respect, mes amis sont contents pour moi, et ceux que ça gêne, et bien tant pis.

Quelles sont les caractéristiques de Roldanillo ? Et les conditions que tu as rencontrées ? T’es-tu sentie à l’aise dans ces conditions ?

Le site de Rolda, c’est une belle crête de montagne avec une grande plaine, d’autres reliefs en face et quelques collinettes au milieu. Cette année, la masse d’air était très humide et les conditions faibles, il était rare qu’une manche se poursuive au même rythme. D’habitude, mettre le frein à main et jouer la boîte de conserve dans le groupe, ce n’est pas mon truc… Mais j’ai appris à le faire, car aujourd’hui pour obtenir un résultat en Coupe du Monde, il faut savoir le faire.

Tu volais avec une Enzo 3. Pourquoi as-tu choisi cette aile au lieu de la Zeno ?

L’Enzo 3… c’est une longue histoire. J’ai voulu en commander une en mai mais Ozone n’avait pas les capacités de la produire pour les mondiaux. J’ai fait les mondiaux avec la Zeno et puis j’ai pris une Enzo 3, elle a plus de performances et offre beaucoup plus de ressenti, ce qui est un gros avantage en petites conditions.

Je suppose que Marc, ton papa, doit être très fière de toi. Te soutient-il beaucoup et comment ?

Mes parents m’ont appris très tôt à être responsable, à faire les choses pour soi et pas pour ou par rapport aux autres. Mon père m’a appris à voler, ma mère ne m’a jamais abandonnée.
J’ai toujours voulu me débrouiller seule. Ils sont là pour moi moralement et si besoin financièrement. En dehors de la compétition, je vole avec des voiles de chez Sky Paragliders.

Laurie entourée par ses parent et Maxime Pinot

Quelles sont tes ambitions pour 2018 ? Finir sur le podium d’un classement général international ?

Pour 2018, j’ai beaucoup de projets en tête qui ne tournent pas tous autour de la compétition même si je pense être présente aux événements principaux.
J’aimerais développer ma boîte de coaching, finir ma formation en kiné du sport, me spécialiser dans le suivi des athlètes qui font du marche et vol, enfin “mon athlète” surtout…

J’attends le printemps pour faire de beaux vols, des trucs qui sortent de l’ordinaire dans la lignée de l’Aller/Retour Saint André les Alpes – Annecy que nous avons fait cette année avec Max. Mais pour ça, il va falloir trouver des sponsors, car je rentre de Colombie avec seulement une statue en bois… et quelques dettes !

Laurie à Krushevo en Macédoine en 2016

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