Maxime Bellemin

Après 10 années de pratique du parapente à haut niveau, la rédaction d’un ouvrage sur le vol de performance formalise les apports et connaissances que j’ai déjà partagés au cours d’une vingtaine de conférences ou formations sur le sujet. Les 3 dernières années ont marqué mes débuts en tant qu’entraineur. Dans Parapente Performance je résume mes recherches, mes trouvailles, mes expériences comme mes convictions et ce que j’ai entrepris pour progresser et réussir.

Le vocable « risque » couvre deux significations, deux notions bien distinctes lorsqu’il est employé dans notre activité. Pourtant en utilisant le même mot, nous entretenons de la confusion, d’autant plus lorsque le contexte de la discussion porte sur la performance, et notamment sur la compétition avec la perception que peut s’en faire le public.
Dans le premier cas, les expressions sont : « Exposition au risque » face à un danger objectif et permanent, ou « Conduite à risque ». Dans le second : « Prise de risque » au sens d’un choix sportif, « Option à risque ».

Risque physique

Le risque physique est lié aux conséquences sur notre santé s’il se révèle. La principale issue néfaste étant le contact avec la planète dans un choc à haute énergie cinétique. Nous évoluons dans une masse d’air invisible, certes, mais prévisible. Les dangers qu’elle contient ne sont pas totalement cachés, les indices sont souvent nombreux et c’est sur eux que nous devons porter notre attention.
Voici une démarche d’analyse du risque par signaux tricolores. Plusieurs méthodes ont été mises au point de cette manière pour quantifier le risque d’avalanche dans un couloir en montagne, l’approche est la même. À vous de vous approprier ces signaux et leur limite de déclenchement.
Prenons une situation simple, lorsque le vent est trop fort : pas de vol. Le feu est au rouge, même si tous les autres critères sont au vert. La décision devient beaucoup plus difficile lorsque le vent est limite mais gérable, feu orange. Le ciel est bien gris mais sans précipitations visibles, feu orange. La fatigue de la semaine est présente mais gérable, feu orange, et ainsi de suite… Dans ce cas-là, lorsque trop de paramètres sont à leur limite, même du bon côté de la limite, l’ensemble est au-delà de la limite. C’est alors un feu rouge.

Evaluation du risque d’avalanche – source : www.centre avalanche.qc.ca

Risque sportif

Le “risque sportif” peut être rebaptisé “risque tactique”. Le risque sportif ne met pas en jeu notre intégrité physique. Notre santé n’est pas exposée. En revanche notre résultat l’est dans une logique de pari : nous risquons de prendre une option, si elle fonctionne, nous pouvons gagner la manche. Dans ce cas, l’évaluation est du type : « En tout état de cause je vais faire dans les 950 points si je continue comme cela. Si je pars, je peux faire 1000. Si je me rate, je vais faire 900. Je me donne 2 chances sur 3 de réussir, j’y vais ! »
Les risques sportifs sont dans la nature de notre engagement en compétition, parce que la compétition reste un jeu. Encore une fois, le risque sportif ne mérite pas le risque physique, gardez bien cela en tête et vous pourrez encore voler et progresser longtemps.

Charles Cazaux en pleine méditation lors du Championnat de France 2014 à Montclar

Gestion des risques

Nous pratiquons une activité à risques. Et là il est bien question de risque physique. Notre attitude face à ces risques est déterminante pour que ces risques conservent leur état et ne se transforment pas en cause ou facteur aggravant d’accident.

Si vous vous targuez de ne pas prendre de risque en parapente, assurez-vous de bien suivre le processus de décision suivant, pratiquement identique au processus décrit ci-avant pour la conduite tactique de votre vol :
1. Perception : tout d’abord, vous avez pris conscience qu’un risque existe, ou que vous vous exposez à un risque.
2. Reconnaissance : ensuite vous avez identifié le type de risque dont il s’agit. Par exemple, vous ne confondez pas un thermique avec l’aspiration d’un cumulonimbus.
3. Évaluation : vous procédez à une quantification, ou vous donnez un niveau au risque présent. Par exemple, vous évaluez à une chance sur deux le fait d’arriver sous le vent d’un relief en bout de transition et à 90% la probabilité que l’éventuelle turbulence sera faible.
4. Projection : placé maintenant sur l’axe du temps, muni de vos observations et de votre expérience, vous composez plusieurs scénarios sur l’évolution de la situation et vos capacités à faire face à chacune d’entre elles.
5. Décision : à ce moment, et à ce moment-là seulement, vous avez les cartes en main et l’instant de la décision est venu. Vous faites un choix clair.
6. Action : vous êtes arrivé au bout du processus de gestion du risque, place à l’action. Et comme toujours lorsqu’une action est initiée, vous vous engagez totalement et sans demi-mesure. Tout en rebouclant vers les étapes 1, 2 ou 3 régulièrement.

L’exposition au danger est d’autant plus grande si les étapes de perception et de reconnaissance ne fonctionnent pas. Elles ont une fonction de filtre. Les causes de ce type de défaillance sont connues : le manque d’éducation, le manque d’entraînement, le manque de pratique. Améliorer le fonctionnement de ces filtres est donc fort simple et la solution est en vous : formez-vous, entraînez-vous, pratiquez ! Ce qui est plutôt une bonne nouvelle, non ?
Dans la phase d’évaluation, intervient la gestion des marges de sécurité. Vous devez définir ces marges. Par ailleurs, elles ne sont pas immuables. Lorsque vous êtes fatigué par la fête de la veille, augmentez ces marges, ne les réduisez pas sous le coup d’une faiblesse intellectuelle temporaire ou d’une euphorie mal contrôlée. Ces marges sont des choix. Les enfreindre est bien généralement lié à un excès de confiance
Au cours des étapes suivantes de projection et décision, nous sommes au cœur d’un processus conscient et cognitif. Ce que vous devez contrôler, c’est votre esprit, votre ego, et ce n’est pas le plus simple de l’affaire. La question de votre attitude mentale est prépondérante. Vous devez faire face à la réalité, être responsable et refuser les dénis. Encore une fois, ce n’est pas le plus simple.

Maxime Bellemin

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