Reprise des vols : mise à jour de votre volgiciel VOL LIBRE recommandée
DOSSIER SPECIAL : REPRISE DES VOLS APRES LE CONFINEMENT
PLUS BELLE LA VOILE – Episode 3
Nicolas, peux- tu nous faire un état des lieux de la situation et nous dire pourquoi il est important d’opter pour cette mise à jour du logiciel VOL LIBRE ?
Effectivement, la situation que nous vivons depuis le mois de Février est exceptionnelle. Nous savons tous que notre pratique est soumise à de nombreux paramètres : météo, environnement, confiance en soi, maîtrise mentale, expérience de pratique, humilité… Même si le “logiciel” s’est largement démocratisé depuis deux décennies, il n’en reste pas moins que notre activité plus ou moins extrême peut mettre en péril l’utilisateur si nous ne faisons pas les mises à jour indispensables.
L’activité aérologique sur notre aéronef souple nous contraint malheureusement à choisir des créneaux méteo qui réduisent sérieusement le potentiel de journées de vol. Notre activité est un loisir dit peu “rentable” et il n’est pas simple d’engranger de l’expérience rapidement (sur le plan de la pratique). Notre progression est somme toute assez lente, et elle va de concert avec notre sécurité permanente.
Alors, avec une interruption administrative des vols depuis deux mois, en pleine période printanière et qui se veut une période mouvementée aérologiquement, il va sans dire que la reprise des vols va se faire en conditions explosives et nous pouvons craindre que le rapport « situation accidentogène-décision de vol » soit élevé.
Pourquoi les professionnels insistent-ils tant sur l’importance de cette mise à jour afin d’éviter de gros bugs “Crash” ou ‘Fatal error”. Pourquoi n’est -ce pas à chacun de prendre en main son destin ?
Si le vol libre reste dans nos statuts administratifs « libre » jusqu’à présent, c‘est que la responsabilisation de ses acteurs gestionnaires depuis des décennies y oeuvrent sans relâche : fédération responsable, protocole de formation, sécurisation des sites et espaces de pratique, respect des régles fédérales, organisation de réseaux professionnels labellisés, diplôme d’Etat, vente de matériel contrôlés, et j’en passe. La partie immergée de l’ICEBERG est là, omniprésente, quasi intervenante de manière permanente. A nous de conserver notre liberté. A nous de conserver cette notion de philosophie « existentielle » du vol libre, et non éviter de considérer l’activité parapente comme un loisir addictif en voulant absolument la « rentabiliser » par une pratique hasardeuse liée aux risques inhérents qu’elle engendre.
Je passerai ici sur les contraintes sanitaires qui vont nous être imposées, elles seront suffisament rabâchées, affichées, répétées et finiront par faire partie de notre nouvelle vie, jusqu’à ce que ce virus s’éteigne et ne circule plus, ce que nous espérons tous.
Nicolas, je suppose que, de ta fenêtre, en tant qu’utilisateur professionnel, tu as eu le temps d’observer, d’analyser les conditions et d’imaginer les journées si nous n’avions pas eu à traverser cette période exceptionnelle ?
Effectivement, depuis deux mois, nous n’avons fait qu’observer. Nous pouvons commencer par poser les paramètres aérologie, environnement et météo. Durant la période hivernale passée, la couverture neigeuse a été régulière et les gradients de température étaient déjà importants début mars. Les émmagrammes ont rapidement montré des conditions instables. Au printemps, notamment le mois d’Avril, les conditions ont été fumantes, je pense. Nous avons pu observer des mouvements de masse d’air au gradient de température assez important sur des périodes très courtes, des refroidissements comme de brusques remontées de température, de la neige sur les sommets…
Instructeur dans les Hautes Alpes, à Laragne plus précisément, quels recommandations apportes-tu auprès des utilisateurs de ton secteur ?
Par rapport à ce que je viens de décrire, tous les éléments sont réunis pour que ce mois de mai soit très instable avec des masses d’air turbulentes. Et lorsque le vent météo sera faible, nombreux ceux qui vont imaginer que les conditions sont “volables” en parapente… Et même si elles le sont, nos mises à jour ne seront peut être pas encore prête !
Comme de nombreux jeux numériques, l’addiction peut avoir des effets néfastes. Que peut-il se passer après une privation sur une longue durée ?
En effet, l’application “VOL LIBRE” engendre souvent un comportement addictif. Après une privation sur une longue période, l’utilisateur peut être submergé par un sentiment d’euphorie qui peut, si celui-ci n’est pas contrôlé, être vecteur de gros bugs. D’où l’importance de la mise à jour de la fonction “MENTAL”.
La plupart d’entre nous sont des « addicitfs ». Si nous ajoutons à cela l’impossibilité de pratiquer pendant deux mois, la reprise va susciter, quelque qoit le niveau du pilote, un sentiment d’euphorie qu’il va falloir contrôler. Même les comportements de pilotes très expériementés techniquement, stratégiquement, aux forts bagages théorique ou aérologique, ne riment pas forcément avec calme, préparation et expérience mentale.
Chaque individu gère à sa manière et suivant son niveau la gestion de son activité. Tout cela pour dire que du pro jusqu’au débutant, nous devons faire attention à la maîtrise de nos émotions et nous concentre principalement sur celles qui sont “constructrives”. En gros, ne pas nous laisser dominer par d’éventuels regrets ou frustrations pendant le déroulement de cette « reprise ».
Au moindre doute, abstenons-nous. Plus que jamais notre acuité à la renonciation doit être renforcée.
Quelles sont les principales mises à jour que tu préconises pour les premiers vols ?
Evidemment, les recommandations d’usage : le gonflage, la pente-école, les vols calmes. Une longue interruption de l’activité signifie perte de réflexes et d’automatismes sur de nombreux points (hormis prévol et analyse des conditions…) :
– temporisation au décollage (d’où l’importance d’un peu de gonflage)
– appréciation des vitesses-air et débattement aux commandes, pilotage sellette.
– appréciation des distances 3D : plan de descente, finale et arrondi.
Il faut avoir à l’esprit que 80% des accidents se produisent sur les procédures et zone d’atterrissage.
Et renforçons encore plus notre vigilance si nous avons changé de matériel.
Et les paramétrages à faire sur la fonction “vol thermique” ?
Que nous soyons pilotes chevronnés ou non, les premiers thermiques vont nous sembler puissants et turbulents. J’aime faire l’analogie entre un conducteur qui roule tous les jours sur une route départementale et que nous allons placer du jour au lendemain sur l’A7 début juillet… Nous n’aurons pas eu le temps d’adaptation à voir les « choses de haut » et à évoluer de manière progressive dans les masses d’air instable du printemps.
La viligeance doit s’accroitre avec l’altitude et la fatigue. Pensons qu’il faut toujours en laisser sous le capot pour les phases d’atterrissage (gestion du capital mental). Concernant nos lieux de pratique, ici dans le Sud, nous déconseillons vivement pour l’instant les grands cross ou des temps de vol trop longs (augmenter sa durée de vol progressivement). Ceci afin d’éviter un risque sanitaire, mais aussi de fatigue et et/ou d’accidents sur des terrains forcément non conventionnés… De même, envisager d’entrée de faire du marche et vol est loin d’être raisonnable car voler sur des sites moins connus ou inconnus demandent beaucoup de concentration.
Les sensations de pilotage, quoi qu’on en pense, sont liées à nos expériences de vol et au nombre d’heures de pratique. Lorsqu’on a un grand nombre d’heures, elles reviennent assez vite. Bref, il faut se réadapater.
Quels sont les principales erreurs d’utilisateurs qui peuvent produire des bugs ?
Le contre-temps et/ou le surpilotage. Une mauvaise gestion de notre pilotage peut aussi affaiblir notre rentabilité en thermique, ce qui peut nous amener dans une situation critique face aux distances de sécurité par rapport à l’atterrissage le plus proche (par exemple, risque d’arbrissage ou d’atterissage perilleux).
Même anodin, tout incident peut induire une faille psychologique pour les vols à venir. Si chaque personnalité est différente, si chaque façon de voir les choses est différente, si il n’y a aucune règle de gestion « psychique » ou psychologique » (propre à chacun et bien heureusement !), les conjonctures accidentelles ont un résultat commun : l’accident.
Retrouver tous ses chemins « cérébraux » et psychologiques est rapide ou plus long suivant les individus. La facilité nous dicte le maître mot de « renonciation ». Mais que se cache-t-il derrière ce mot ? Il est plus important de comprendre POURQUOI nous renonçons que l’induire comme une propre systématique. L’idéal étant de se conforter aux vols de durée, sous réserve de bonnes conditions, de manière progressive. De plus, l’interaction avec les règles sanitaires jouera donc en faveur des petits aller-retour ou triangle avec rentrée au bercail, sur des transitions connues, des repères d’altitude connues, et une jauge permanente de son seuil de viligance.
Pour les vols longs, privilégions les vols du soir aux ambiances et atmosphères calmes.
Quels sont les paramétrages auquel il faut apporter une grande attention ?
Préparons-nous mentalement à la reprise. La technique est une chose, le mental une autre. Méditons, pensons à des choses positives en construisant bien vos premiers vols mentalement (déco, vol et atterro). Si certains savent le faire et le font, c’est le moment pour les autres d’essayer d’appréhender cette approche mentale de l’activité. C’est un gros pourcentage de réduction d’accidentologie.
Et lorsque nous arrivons au décollage, sentons vibrer en nous la brise, les éléments, les nuages, prenons du temps au décollage pour apprécier tout cela. N’hésitons pas à analyser ensemble les conditions, à échanger nos avis (bon à un mètre de distance et pas plus de dix !), à corroborer nos impressions et les mettre en concordance. Aidons-nous à nous équiper, contrôler, vérifier.
Le meilleur des outils reste la vigilance. Rappelons-nous nos premiers vols et attendons des conditions « nickels » de décollage et d’atterrissage. Rappellons-nous également que les échecs de décollage et/ou de prise de décision, même si elles n’induisent pas d’accident, sont souvent susceptibles de mettre un frein psychologique à notre progression.
Il ne sert à rien de dire : il faut faire attention, il faut comprendre pourquoi. Engageons-nous donc à rester prudent, à comprendre pourquoi nous devons l’être. N’hésitons pas à nous rapprocher des clubs locaux ou professionnels, à prendre des avis, des conseils, des lignes de « reprise ».
Manque de pratique, retour en arrière pour une reprise en douceur… cette régression des aptitudes n’est-elle pas l’occasion de repenser à la conception de sa pratique, de redéfinir ses objectifs ?
La confiance, le désir d’aller plus loin, plus haut, de retrouver son niveau va revenir progressivement. Ne négligeons pas non plus le phénomène de « sur-confiance » en soi. Le monde va changer et c’est à nous également de nous adapter. A l’instar de notre modèle économique qui risque de prendre une « bonne claque », prenons peut-être le temps d’imaginer notre loisir autrement, et si nous avons toujours des objectifs de « rentabilité » de pratique et/ou de distance, nous pouvons les faire tendre vers la “normalité” pour moins nous exposer aux risques. N’oublions pas que le parapente est un loisir, et que voler doit rester un plaisir et non une réponse incontrôlée à l’addiction, au regret ou au surpassement de soi.
Apprenons à nous connaître nous-même au travers de cette activité, ce dont nos vies quotidiennes et leurs contraintes nous empêchent parfois de faire. Il faudra encore, après et longtemps, œuvrer de concordance avec nous-mêmes et de prudence. Nous vivons au jour le jour, une situation inédite. Peut-être aura-t-elle grandement évoluée d’ici quelques mois ? Une bonne reprise, c’est bien, mais de penser à une bonne continuation, c’est encore mieux. Personnellement, je considère déjà cette année comme une année « blanche » sans objectif particulier. Saisir peut-être les opportunités uniques. Ne pas se mettre en danger doit être une priorité.