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Volant près du relief, il percute la falaise après une fermeture

Volant près du relief, il percute la falaise après une fermeture

Défaut d'analyse, excès de confiance , sur-pilotage

Greg a publié la vidéo de son accident impressionnant et nous le remercions pour tout ce qu’elle apporte à la communauté. Cette vidéo, vous l’avez certainement déjà visionnée. Mais, grâce à cet article réalisé par des personnes qui y ont passé du temps, il est probable que vous en tiriez un enseignement très enrichissant : collecte d’informations avant le vol, choix du bon parcours en fonction du moment de la journée, analyse et concentration en vol. Des éléments qui auraient pû éviter cet incident proche du relief.

Longeant une falaise, sa voile se ferme lorsqu’il arrive sous le vent d’une avancée du relief. Suit une cascade d’incidents provoqués par le surpilotage certainement dû à une volonté de vouloir contrôler absolument son parapente très proche de la paroi rocheuse.

Bien qu’il s’en sorte plutôt bien (avec des fractures quand même) et certainement avec une confiance en soi affectée), cette vidéo est à regarder avec précautions et recul (comprendre ce qui se passe) car elle peut être traumatisante !

Après quelques renseignements collectés auprès de Greg, notre conseiller Jérôme Canaud a plus d’éléments pour cerner toutes les causes de cet accident impressionnant. Découvrez son approche et ses conseils. Merci Greg pour ta démarche courageuse en la publiant et Jérôme pour le temps que tu consacres pour améliorer la sécurité des pilotes.

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Quelques informations complémentaires recueillies auprès de Greg

Petit Plus ROCK THE OUTDOOR

Afin de pouvoir faire une analyse plus complète, Jérôme a interrogé Greg sur certains petits détails difficiles à identifier sur la vidéo et qui peuvent avoir leur importance pour bien cerner les causes de cet incident.

– Oui, je volais avec un haut-parleur dans mon cockpit. Il est resté sur la falaise que j’ai percutée. Je dois en acquérir un nouveau.
– J’ai décollé vers 14 heures et je volais sur le versant ouest de la vallée.
– J’avais volé la même vallée la veille depuis Tschilthorn. Avant le vol, j’ai recueilli plusieurs briefings* de pilotes en solo et en tandem lors de la montée en téléphérique et avant le décollage.

* Attention aux briefings ! Un vol peut être différent en fonction du moment de la journée – Voir commentaires en bas de page

– L’aile est une MCC Insinia (low EN-C). Elle avait été contrôlée pour la porosité, mais je ne sais pas si/quand elle a été vérifiée pour le calage. Je la connais assez bien, ce n’était pas une nouvelle aile pour moi.
– Lors de ce vol, nous étions dans la brise de la vallée et les conditions à mon altitude étaient modérées (environ 10-12 km/h). Au sol, le vent était plus proche de 20-25 km/h.

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Analyse et conseils de Jérôme Canaud

Merci à Greg d’accepter que l’on puisse regarder cette vidéo et en tenter une analyse afin de comprendre comment, en tant que pilote, on peut se retrouver dans une telle situation. Aussi comprendre le cumul de facteurs qui amène à cette situation.

Ci-dessous, un petit tour des différents points ayant chacun leur importance pour la suite.

Jérôme Canaud – Ecole Courant d’R

Instructeur pédagogue de la Masterclass parapente “WINGMASTER”

Le contexte aérologique

Le pilote longe une falaise à 14h pm, au mois de juillet, il fait beau, c’est thermique. Il remonte la vallée face à un vent de 10km/h et il y a 20km/h de brise en vallée (niveau du sol). Je ne sais pas s’il y a du vent météo. Le pilote est dans une masse d’air thermique (on entend le vario). Vu l’heure, le pilote est plutôt dans un forcissement de la masse d’air (brises de pentes, thermiques, brise de vallée).

Le contexte topographique

Falaise abrupte et haute (600m?) avec une grosse marche et, devant lui, une avancée marquée du relief. Il arrive donc sous le vent de cette avancée.

Le contexte de pilotage, matériel

Voile EN C, révisée au niveau du tissu, non révisée au niveau du calage : le calage de cette voile a-t’il bougé avec un rétrécissement des arrières favorisant le surpilotage ? Le pilote connaît cette voile. Il est en sellette cocon. Il vole bras hauts avec un 1/2 tour de frein avant l’incident.

A l’approche de l’avancée du relief, Greg fait un 1/2 tour de frein, modifie légèrement son cap pour se rapprocher encore plus du relief.

Autres facteurs extérieurs

Le pilote a déjà volé dans le coin. Il a été briefé avant le vol par d’autres pilotes. Il vole à priori seul (pas de voiles autour de lui à sa hauteur). Il vole avec de la musique sur une baffle externe.

On suppose que le premier incident est une fermeture frontale en sortie de thermique (son du vario). On voit une grosse bascule arrière de la voile puis du pilote avec le bout du cocon qui entre dans le champ visuel.

Le pilote après la fermeture frontale a dû :
– soit freiner au moment de la bascule arrière avec comme objectif de rouvrir rapidement la voile et partir en décrochage,
– soit, suite à un important déséquilibre du corps vers l’arrière, s’appuyer par réflexe sur les commandes et provoquer un décrochage.

Puis la suite, la voile ne revole pas, reste hors du domaine de vol (parachutale, vrille, décro asymétrique, décrochage). Cela est dû à du surpilotage = à aucun moment le pilote se remet complétement bras hauts pour que la voile puisse revoler.

On remarque qu’à un moment le pilote lâche ses commandes : volontairement pour tirer son secours ? Involontairement car les mouvements de voiles sont violents ? On remarque que la voile peut alors revoler, forte abattée avec cravate puis cascade d’incidents jusqu’à l’impact ! La suite avec les images.

Ayant lâché sa poignée (pour attraper le secours ?), Greg tente de la récupérer jusqu’à quelques mètres avant de percuter la falaise. En situation de stress extrême, la gestion des priorités ne fonctionne plus.

Comment faire autrement la prochaine fois ? Quelles questions peut-on se poser ?

– Le pilote vole avec de la musique sur une baffle externe. La question à se poser, c’est si la musique en vol est aidante ou limitante selon le moment. Elle peut relaxer, booster, accompagner, gêner… dans tous les cas, une partie de notre attention est fixée par la musique. Il faut se demander si ça peut diminuer nos capacités d’analyse, de concentration, de réactions dans des moments techniques ?

– Quand je regarde les premières images, je me dis “tiens, comment va t’il gérer l’avancée du relief devant lui lors d’une remontée face au vent de la brise de vallée le long d’un relief ?

> On peut soit s’éloigner franchement de la pente pour contourner l’obstacle avec le risque de se retrouver loin des ascendances de pente et dans le vent de vallée et de devoir utiliser l’accélérateur : l’aérologie sera moins mouvementée et le risque est de descendre et d’aller poser.
> Ou, au contraire, se coller à la pente pour bénéficier du gradient de pente pour mieux avancer et profiter des ascendances AVEC le risque d’une masse d’air potentiellement plus turbulente.

C’est l’expérience du pilote, son état du moment, la masse d’air, les objectifs… qui vont orienter son choix.

Dans ce contexte aérologique et topographique, il est sûr qu’il faut savoir ce que l’on va entreprendre et de rester très vigilant.

On voit la très grande difficulté de remonter les mains complètement et de gérer le retour au vol (abattée), le relief étant tellement près qu’il est très difficile de laisser faire sa voile, on a envie de se battre et on maintient la voile hors du domaine de vol.

Des pistes de réflexion et de travail

> Le déséquilibre dans sa sellette accentue le phénomène. Peut être que plier les jambes sous l’assise peut atténuer les déséquilibres du corps. Tenir les avants bras le long des élévateurs pour s’en servir comme appui latéral.
> La connaissance de sa voile par des stages de pilotage, SIV et gonflage au sol dans du vent qui peuvent amener une meilleure action aux commandes.
> La lecture de l’aérologie, du relief, les pièges possibles, être conscient de ce qui se passe, participer à des stages thermiques, itinérants, cross.
> Comment se préparer (prépa mentale) lors d’un passage de ce type (porter l’attention sur des points précis, respirer,…)

On peut se réjouir que le pilote s’en sorte pas trop mal physiquement. Ce n’est jamais facile suite à ce type d’événement de rendre publique ce qui nous estvarrivé. Cela peut servir justement à comprendre ce qui se passe et à avancer. Il est sûr que les séquelles seront plus psychologiques que physiques.

La démarche de ce pilote est très bonne je pense. La sécurité de tous serait améliorée avec ce type de démarche et de comprendre ce qui s’est passé. C’est simplement mon avis, n’hésitez pas à commenter et à apporter votre expérience.

Jérôme Canaud – Ecole Courant d’R – Instructeur pédagogue de la Masterclass parapente “WINGMASTER”

Commentaires

Bien se renseigner sur les caractéristiques du site (panneau d’informations, infos sur site web du club gérant le site…)

J’apprécie votre analyse et conseils. Mais ce pilote, en premier lieu, a été mal briefé. Car ce versant de la vallée de Lauterbrunnen est réservé aux basejumper dès midi et cela est indiqué sur les différentes sites d’atterrissage et lieux pour prendre le téléphérique.

Deuxième chose pour laquelle il est mieux de voler sur le versant Est de la vallée l’après midi, c’est que le soleil tape là et, comme on le voit sur la photo, la vallée fait un virage qui va en direction d’Interlaken (d’où vient le vent). Le pilote est donc bien face au vent mais à l’intérieur du virage donc sous le vent. Ce qui peut expliquer cet accident. Heureusement il s’en sort bien vu la situation.

Vincent Schaeffer

ROCK THE OUTDOOR, la culture parapente

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