Le réflexe secours, un geste salvateur pour incident près du sol
Faute de temps pour rétablir sa situation de vol, le pilote déploie son secours
Le pilote, dans cette vidéo, a eu de la chance en déployant son parachute de secours* à temps suite à des turbulences rencontrées après la phase de décollage. Nous pouvons voir, par le comportement de l’aile sur le site de décollage, que les conditions sont thermiques avec un vent de travers. Le parapente ne se lève pas d’une façon propre et le décollage est un peu arraché, ce qui rend les moments après le décollage désagréables pour le pilote. L’aile rentre dans une zone de turbulences, créée sans doute par un rotor généré par les crêtes à droite du pilote. L’aile souffre d’une fermeture asymétrique suivie d’une réaction naturelle de plonger pour générer de la vitesse avant sa réouverture éventuelle.
Mais, faute de temps à cause de la faible altitude du pilote, sa réaction naturelle est de déployer le secours : une décision venue au bon moment crucial qui lui a permis d’atterrir sur pied et de sortir indemne de cet incident.
L’analyse de Jérôme Canaud
Un tour et hop le secours ?
Je pense qu’il faut aller un peu plus loin dans l’analyse. Le vent est travers droit au décollage et ça a l’air plutôt turbulent. Son début de vol se fait en descendant et sous le vent des reliefs de devant….Donc aérologie pas top !! Cumul avec un pilotage pas très adapté (voile perfo, beaucoup de frein dans l’ensemble,…) Oui, l’incident de départ est un début de frontale sans conséquences… Par contre, le pilote surpilote très vite (trop de frein) et cela a pour conséquence un départ en décrochage puis une abattée avec cravate. Vu la proximité du sol, le pilote a raison de tirer le secours s’il n’a pas les compétences d’enlever sa cravate (décro complet…). Donc là, on est bien sur 1 tour d’autorot dû à une cravate, donc oui il faut faire secours au vu de la faible hauteur. Attention au raccourci trop rapide = 1T c’est secours !!!! ça dépend d’un tour de quoi (spirale, autorot, vrille,cravate,…), l’action à avoir peut être complétement différente et tirer son secours une mauvaise décision.
Commentaire de Mathieu Verschave (Triple P)
Merci au pilote d’avoir eu la gentillesse de partager sa vidéo et son retour d’expérience. Merci aussi Jérôme Canaud pour ton analyse poussée et tes remarques, c’ est super intéressant. Je n’avais pas compris que c’était un décrochage qui avait entraîné cette cascade.
Le raccourci “après 1 tour, je fais secours” est une phrase de la FFVL que, personnellement, je trouve intéressante dans une grande partie des cas.
La force centrifuge peut être intense en rotation, surtout après 1 ou 2 tours lorsque l aile devient instable spirale. Si cette rotation est du côté opposé à la poignée de secours, le bras peut être très lourd et cela devient rapidement un défi de popeye de tirer le secours. Et c’est sans compter la désorientation du pilote. A partir d un certain nombre de G (enfin d’une augmentation de la vitesse des G), on peut avoir un voile noir, voire perdre connaissance. L’entraînement et la respiration abdominale en même temps que la contraction des muscles des jambes améliorent la situation, mais pas toujours.
Dans cet exemple, le pilote paraît (plutôt) stressé : il a des difficultés à gonfler son aile, ses mouvements paraissent brusques et forts en amplitude pour une EN C, il se fait décoller par la brise (et non ne choisit son moment), il a du mal à s’installer dans son cocon, reste assis jambes tendues dans son cocon jusqu’au sol. Bref, j ai l’impression qu il subit son vol. Le pilote doit alors probablement souffrir d’un effet tunnel : il perçoit de manière différente son aile, l’environnement extérieur et son propre corps. D’où probablement ce surpilotage lors d un incident de vol pourtant non grave initialement.
Pour résumer, en plus de l’analyse de Jérome, on peut retrouver certains facteurs humains comme facilitant cette cascade :
-les conditions météo défavorables (force du vent, de travers, l’instabilité )
-psychologique : le stress
-environnemental : les G en rotation
-(+/- l inadéquation entre ses compétences de pilote et son matériel)
-(un exercice physique avant le vol ? Vol rando et déco sur site non officiel ?)
Les facteurs protecteurs sont :
– rotation droite et poignée main droite
– un très probable sentiment d’insécurité avant le vrac qui a permis d’utiliser le secours très vite. Le stress, ce signal d’alarme, ça a aussi du bon !
Pour conclure, le fait de sortir son secours après un vrac est finalement un conditionnement intéressant pour un pilote subissant une diminution ses capacités de pilotage. Dans ce cas, le pilote a eu très peu de temps pour juger exactement ce qu’il se passait : une aile en chiffon qui tourne = secours. Pour toutes les autres subtilités, Jérôme et d’autres moniteurs SIV pourront vous apprendre beaucoup. Comme dit Théo de Blic : c’est votre vie, vous en avez qu’une, faites tout ce qui est possible pour la sauver.
Mathieu Verschave



