Mauvais pilotage après un décrochage, Jean Marc fait secours
Jean-Marc Ransinangue vit à Oliver en Colombie Britannique (Canada près de Vancouver). Il vole principalement sur les sites du sud de l'Okanagan avec une petite dizaine de pilotes réguliers. Il n'a pas encore fait de stage SIV. Nous le remercions d'avoir accepté de faire une analyse sur l'incident qu'il a vécu suite à un pilotage inadapté après décrochage...
De part son expérience de pilote régulier, nous tenons à le remercier d’accepter que sa vidéo et son incident de vol soit « critiqués ». Ce n’est pas évident et l’égo est malmené.
Le témoignage de Jean Marc
Je me considère encore débutant après cinq saisons, je vole a l’année, surtout « hike&fly » une à deux fois par semaines en moyenne. Je fais beaucoup de gonflage. Ma décision de sortir le secours vient du fait que je me suis retrouvé très bas sous le vent, donc de plus en plus de turbulence je ne pense pas que j’aurais pu refaire voler la voile, dans le doute je lance le secours… Sans doute que dans les premiers instants un pilote plus expérimenté aurait pu s’en sortir, mais après,c’était trop tard je crois. C’est aussi l’analyse de mon collègue pilote (Peter 40 ans de vol libre!) il a vu l’incident à partir du décollage.
Contexte
Pilote enroulant à gauche un thermique , aérologie thermique, normalement turbulente, peu de vent. Voile de loisir intermédiaire (GRADIENT Montana 2).
Faits
Dès la 7è seconde, le pilote part en décrochage (les pieds apparaissent dans le champ de vision, bascule arrière correspondant au décrochage) à gauche pour plusieurs raisons.
1) le transfert de poids sur la cuisse n’est pas assez marqué ou intervient après l’action à la commande. et/ou
2) la main extérieure ne se relève pas assez, seule la main intérieure agit pour accentuer le virage. Le pilote fait ensuite 2 tours de vrille à gauche, plutôt stable, on est presque dans « l’hélicoptère ». A la fin de la 2è rotation, l’appui sur les freins est moins marqué et la voile revole en faisant une abattée. Le pilote, sûrement impressionné par l’amplitude de cette abattée (proportion complètement normal en sortie de vrille), garde beuacoup de frein pendant le rappel pendulaire (c’est à dire que le pilote redescend à la verticale sous sa voile après que l’abattée soit stoppée, moment pendant lequel le pilote devrait relever les mains, ce n’est pas le cas!) . L’aile repart alors en décrochage et, très rapidement, le pilote décide de tirer son secours sans chercher à sortir de l’incident. Il prend les 2 commandes dans la main gauche et tire son secours à droite. (on voit la voile revoler avec une abattée et une petite cravate à droite) . La séquence se finit à ce moment là car, une fois sous le secours, on ne peut plus faire grand chose.

L’analyse et la synthèse de Jérôme Canaud

Ce pilote manque d’aisance en pilotage
(je ne connais pas son niveau technique et son expérience)
1) En thermique, avec la manière d’enrouler, le transfert de poids, main extérieure / main intérieure. Le moment pour tourner en tenant compte du mouvement de tangage vers l’avant nécessaire avant d’accentuer le virage. Je remarque aussi que le pilote ne tourne pas la tête avant de tourner, le transfert de poids doit certainement donc être inexistant.
2) Le réglage de sa sellette, thème récurrent. Je trouve la bascule arrière très importante pour un décrochage asymétrique (les pieds montent très haut). Est ce que le réglage lombaire de sa sellette est optimum? Les pieds aussi pas croisés sur une sellette assise entraîne des mouvements de corps trop importants, favorisant également le déséquilibre du corps donc l’appui sur les freins donc le sur-pilotage !!!!
3) Quand l’aile part en décrochage sur la gauche, la commande s’allège brutalement, l’aile tourne sur l’axe de lacet, la demie aile gauche part vers l’arrière… Voilà plusieurs éléments qui devraient alerter le pilote pour qu’il relève la main gauche, il en a largement le temps. Donc, ce départ en décrochage asymétrique est largement évitable.
4) La 2è abattée entraîne une cravate à droite. La proportion cravatée + le type de voile utilisée permet au pilote de piloter et d’assurer un retour au sol sans encombre. Le pilote décide tout de même de faire secours. Cette décision est certainement prise dans un moment de stress, voire de panique (rapidité des mouvements du pilote, plus de pilotage). Il n’y a plus d’analyse (même rapide). Plusieurs facteurs favorisent cela : la proximité du sol, la nouveauté de l’incident de vol, le manque d’expériences.
A propos du secours
Le secours se déploie très vite même et devient vite opérationnel malgré le faible taux de chute et la faible vitesse de rotation sous voile. Le taux de chute est plus important après avoir jeté le secours!
La descente sous le secours, plusieurs points positifs, c’est stable, il n’y a pas de vent, il n’y a pas d’effet miroir donc le pilote est presque debout car accroché aux bretelles, il n’ y a pas d’interactions entre la voile et le secours .
Le point négatif vient à mon avis du comportement du pilote après avoir lancé son secours : il cherche à ramener sa voile prés de lui? Dans ce contexte (voile neutralisée ne volant plus, descente stable, pas d’effet miroir), il est préférable de laisser la voile principale où elle est pour plusieurs raisons :
– elle génère une traînée non négligeable qui va améliorer le taux de chute de l’ensemble
– et surtout ici vu la proximité du sol, ne pas s’occuper de la voile va permettre au pilote de se préparer au contact du sol, en se redressant vraiment, à se préparer « physiquement » et « psychologiquement » à impacter et amortir le contact.
Remarques supplémentaires tenant compte du compte rendu du pilote
- on peut aussi se poser la question sur le comportement de sa voile, a-t-elle était révisée? Le calage a-t-il été vérifié voir corrigé. Corriger le calage devient presque systématique et normal. Un changement de calage (en gros raccourcissement des suspentes arrières, rallonge des suspentes avant) entraîne un changement de comportement de la voile qui « n’apprécie » plus les basses vitesses ou les manœuvres entraînant une augmentation de traînée (oreilles par exemple).
- sur les images et la trace en 3D, il y a très peu de dérive pendant la montée en thermique donc je ne pense pas qu’il y ait 15 km/h de vent. Même avec cette vitesse de vent, la position haute du pilote par rapport au relief ne le met pas dans une position sous le vent . Le décrochage asymétrique est bien une erreur de pilotage. Le relief est plutôt arrondi , les écoulements d’air ne sont pas très pertubés.
- Par contre la descente sous le secours se passe dans la zone sous le vent du relief donc le taux de chute est augmenté ! Ce qui peut expliquer une descente sous le secours qui parait plutôt rapide !
En conclusion
La formation et les connaissances du pilote sont les thèmes sur lesquels il peut se pencher. Stage de pilotage voire SIV, gonflage au sol, connaissance des incidents de vols et du pilotage en général….Et bien entendu le réglage de sa sellette, la bonne adéquation voile/expérience/aérologie/mental.








