Jérôme Canaud, un pro du parapente curieux, touche à tout et bienveillant
Gros plan sur des pilotes remarquables
Jérôme Canaud, toujours des projets pour ne pas jamais tomber dans la routine
Jérôme Canaud, 50 ans, vit à la Réunion depuis 5 ans. Formateur FFVL, il tient actuellement la petite structure labellisée FFVL “COURANTS D’R” qui propose vols en biplace et stage de perfectionnement. Si aujourd’hui Jérôme est devenu un formateur hors pair, c’est grâce à son parcours de moniteur puis de testeur chez OZONE mais aussi depuis qu’il enseigne l’été avec Delphine PILLE dans son école ESPRIT PARAPENTE à Séderon : “J’ai beaucoup appris en enseignement à ses côtés“.
Modeste, Jérôme a vécu de très belles expériences “lors de sa première moitié de vie” qui révèlent une belle personne toujours en action et avec le sens du partage. Encore beaucoup de projets à réaliser pour sa deuxième moitié de vie…
Peux-tu nous dire d’où vient ta passion aigüe de l’enseignement ?
Ma passion pour l’enseignement vient d’un gout prononcé pour le partage de mes connaissances et d’un parcours professionnel très varié dans le parapente. J’ai toujours l’envie d’apprendre pour être plus judicieux dans mes formations.
J’ai travaillé les 4 étés précédents chez Esprit Parapente avec Delphine Pille, elle est très pertinente et précise en enseignement, notamment dans le vent, j’ai appris de nouvelles choses à ses côtés. J’aime décortiquer le mouvement, comprendre le fonctionnement des pilotes pour leur amener le bon geste. Pour cela, j’essaie toujours avant. J’observe ma manière de faire avant de l’enseigner.
J’adore aussi regarder les autres pilotes, les moniteurs, leur façon d’enseigner, de parler et j’enregistre tout ce qui me semble juste pour améliorer mon enseignement. Ensuite, je n’hésite pas à donner tout ce que j’ai appris, l’avantage de donner des astuces, des connaissances, c’est qu’on ne les perd pas à la différence de donner sa voiture 😉
Mon parcours varié dans le parapente (enseigner et faire du biplace dans différents endroits, former des pilotes sur les formations fédérales, former des futurs moniteurs, faire des vols test pour la norme EN, créer une école, créer une marque de mini voile, être pilote test pour une marque,..) c’est une chance incroyable pour avoir du recul et voir l’activité dans son ensemble, rien de tel pour moi pour garder une grande motivation.
Pour situer ton parcours, quels sont tes débuts dans la vie active?
J’ai fait des études de bâtiment (Génie civil, DUT et 1ere année de master). Une dizaine d’année à mixer entre travaux sur cordes en montagne l’hiver et parapente l’été, avant de me consacrer professionnellement à 100% dans le parapente.
Je suis de la génération où le service militaire était incontournable, je bloquais avec ce passage obligatoire, donc j’ai fait un courrier passionné à un haut gradé de l’époque et j’ai été envoyé dans une section de montagne à Briançon (SR), j’ai passé 300 jours en montagne (ski, alpinisme, vélo), j’avais même le droit de voler en parapente. J’ai passé pas mal de temps en montagne (Grenoble, Annecy), 5 ans dans le Sud de la France à Gourdon, 4 ans en Nouvelle Calédonie et depuis, 5 ans à la Réunion.
Quand as-tu commencé le parapente ?
Sur un tour du Mont Blanc en rando, c’est là où j’avais vu les premiers parapentes descendre vers Cham. Ces images ne m’ont jamais quitté, je suis tombé dedans. J’ai commencé vers 1986 avec des amis du Dévoluy, des furieux de ski de rando et de chute libre. Le matin, ils chutaient à Gap, l’après midi, ils enlevaient l’extracteur et le glisseur et on volait dans le vent vers Veynes avec des ailes à 7 ou 9 caissons avec 1,5 de finesse .
Donc, je n’ai pas fait de stages mais beaucoup de gonflage. J’ai appris sur le tas avec des ailes peu performantes donc accessibles. On enchaînait des ploufs tant qu’on pouvait. En 1987, je rencontre Xavier Beauvallet de AirBulle à Crolles. J’étais étudiant, je travaillais la nuit pour me payer ma première voile. Ensuite, c’était voler tout le temps. On enchaînait dans la journée, près de Grenoble, le Moucherotte, la Dent de Crolles et le Néron (montée à pied bien sûr). Il m’arrivait de partir de Chambéry en vélo jusqu’au col du Granier, je montais ensuite au Granier pour y redescendre en volant et, en redescendant, j’allais voler au pas de la Fosse !
Et ton parcours professionnel en parapente ?
En 199, une saison à 2000%, haute en couleurs, en tant qu’élève moniteur aux Saisies avec toute l’équipe des Volatiles (Patrice Bonnefond, Thierry et Patrick Berod, Arnaud,…). J’ai travaillé aussi chez VERTIGE AVENTURE : on proposait du saut à l’élastique de pont, de grue, des biplaces parapente. Le BEES en 1992, moniteur chez PREVOL (Eric Beauvallet, PP Ménegoz, Patrice Hulot, Pascal Pinson) pendant 7 ans à St Hilaire où j’ai énormément appris. Je suis très reconnaissant des équipes qui m’ont appris et qui m’ont fait confiance.
J’ai créé avec Patrick Avenne l’école AEROSLIDE à Annecy. On était spécialisé dans les stages PILOTAGE ET SIV qu’on a commencé à proposer en permanence. Parallèlement, j’ai travaillé en tant que pilote test pour la norme européenne avec André Rose pendant 8 ans, je me suis régalé. L’hiver, je faisais des saisons en biplace à Courchevel. Ensuite OZONE m’a embauché 4 ans en tant que pilote test à temps complet à Bar sur Loup (une belle expérience). Après mon départ d’OZONE, j’ai créé avec Tom Bourdeau la marque de mini voiles LITTLE CLOUD : concrétiser un concept nouveau et accessible au plus grand nombre.
Jérôme Canaud, testeur chez OZONE, a participé à de nombreux DVD pédagogiques. Ici sur le “DVD Performance Flying”
Avec ton expérience professionnelle en parapente, tu as acquis un sacré niveau !
Oui j’ai beaucoup volé dans plein d’endroits différents. La discipline parapente est très variée (marche et vol, compétition, voltige wagga, speedflying, paralpinisme…). Je touche à tout, le niveau actuel dans chaque discipline est très élevé donc je me sens toujours débutant, d’autant que chaque pratique se spécialise à l’extrême. Toujours plein de trucs à apprendre car ça évolue tout le temps (matériel, pratique), je cherche à comprendre.
Je pense voler environ 250 jours par an, en mixant pratique perso et professionnelle. J’aime l’idée de concept nouveau, les nouvelles idées, nouvelles pratiques, je suis ouvert à tout, l’évolution et le changement me rassurent. Dans ce genre d’activité très jeune, j’aime garder l’esprit ouvert. Il est sûr que ma manière de voir les choses se confronte aux personnes qui ne supportent pas ou ne sont pas rassurées par le changement, les nouveautés, les remises en question… J’ai suivi les idées auxquelles je crois.
Quels types de pratiques préfères-tu et sur quels sites voles-tu le plus souvent ?
Je suis plutôt curieux en ayant une pratique variée plutôt que spécialisée dans une manière de voler. J’aime rajouter un côté sportif aux vols (hike and fly), waggas, ouvrir des sites, faire de nouvelles choses, crosser dans de belles montagnes, bref découvrir quoi !
Avec mon caractère, j’ai du mal avec la routine : marche et vol mais j’aime aussi crosser quand les conditions sont là ! En fait, je me rends compte que ma pratique se calque un peu avec les pilotes que je côtoie et les endroits où je me trouve et qu’elle s’adapte aux lieux et aux aérologies et à mes envies. En ce moment, je vole plutôt à la Réunion mais j’adore les Alpes, le Sud de la France… La variété, la nouveauté me motivent. Je suis curieux et partant pour tout. Ca peut être un soaring sur un petit site, faire le Mont Blanc, décoller d’un coin improbable même pour 5 minutes de vol, passer sous un pont… Le plaisir doit être au rendez vous. Ce qui a évolué, c’est le temps passé à voler, plus faible qu’il y a 10 ans : je choisis plus les moments de vol, je ne vole plus à tout prix, la vie de famille orientant aussi ma manière de pratiquer.
Quels sont les séjours parapente que tu as déjà fait à l’étranger ?
J’ai eu la chance à titre personnel ou professionnel de voler dans des endroits très différents. Ils sont nombreux : ça va de Madagascar, Afrique du Sud, Polynésie, Iles de Pâques (incroyable), l’Europe, le Japon, le Chili… Je me suis régalé en Nouvelle Zélande, c’est magnifique ! Je ne connais pas du tout le continent américain.
La France est vraiment extraordinaire pour voler avec une multitude de sites qui offrent des possibilités incroyables (waggas en bord de mer, possibilités de cross énorme en plaine et en montagne, vol en haute montagne,…). Aussi plusieurs fois, le Mont Blanc et le vol du sommet. Je suis impressionné par les pilotes qui s’engagent en haute montagne (Himalaya, X-Alps) sur des vols bivouac (Antoine Girard et autres). Cela m’attire mais je ne me sens pas du tout à la hauteur pour ce type d’engagement. Il y a quelques années, je suis monté à l’Aconcagua avec Marc Boyer pour tenter d’y voler mais trop de vent au sommet, nous sommes donc redescendus à pied.
Participes-tu encore à des compétitions ?
J’ai fait 10 ans de compétition nationale en cross, quelques pré-coupes du monde et open.
A la Réunion, les compétitions se ressemblent et se passent systématiquement à Saint Leu avec le même type de parcours. Pour avoir une chance de jouer, il faut commencer par avoir un gun. Cela n’évoluera pas tout de suite 😉 Je ne juge pas les pilotes qui aiment ça ici mais ce n’est juste pas ce type de compétitions qui m’attire. Je trouve cela dommage, ce n’est pas la vision du vol que j’ai, même pour la compétition.
Alors quels genres de compétition imagines-tu ?
J’imagine ici des manches en partant du Maido, Dimitile, Dos d’Ane, Grand Coude, c’est d’autant plus possible qu’environ 30 pilotes participent régulièrement aux nombreuses manches. Bousculer les habitudes n’est pas à l’ordre du jour. J’imagine aussi un « Hike and Fly » sur 3 jours pour traverser l’île avec 3, 4 balises. Je pense que la compétition de précision d’atterrissage va apparaitre ici à la Réunion, le site de Saint Leu s’y prêtant parfaitement (accès facile, atterrissage dans une masse d’air lisse, 300 jours de vol par an accessible au plus grand nombre). J’imagine aussi un genre de REDBULL ELEMENT sur Saint Leu (trail, VTT, nage, vélo, vol), le site est parfait pour ça.
Les « marche et vol » représentent pour moi une activité très complète (effort physique, cross, choix, variété,…). Il y a dans les Alpes et les Pyrénées un choix grandissant de compétitions « hike and fly », chacun pourra trouver la formule qui lui convient. J’ai participé au premier AIRTOUR, Jura hike and fly et je me suis aussi beaucoup amusé lors du 1er REDBULL ELEMENT à Annecy et sur les challenges « vol à Ski » organisés par Parapente Mag. Donc si l’occasion se présente, je m’inscris à une compétition, je vole pour me faire plaisir, on se tire la bourre mais je n’ai pas d’ambitions particulières, je fais au mieux et je joue le jeu de la compet.
Ce qui m’attire aussi, une compétition avec un mix d’activités en montagne dont le vol fait partie. Les compétitions parapentes classiques sont très cloisonnées (voltige, cross, PA) comparées aux compétitions de paramoteur par exemple où les épreuves sont très différentes : il faut être bon partout. Il y a la possibilité de formules vol libre qui verront le jour plus tard (slalom en speed flying, des « marche et vol » en bord de mer, épreuves sur plusieurs jours (hike and fly, voltige, cross, PA avec la même voile, ….)
Jérôme Canaud à la Rivière des remparts – La Réunion
Le parapente t’apporte-t’il encore quelque chose ?
Pendant un vol, on est réellement dans le moment présent, loin des sollicitations extérieures souvent stressantes. C’est plutôt riche dans ce que ça m’apporte : être en montagne, avoir de l’espace, voir loin, engager, sortir de sa zone de confort, le plaisir de piloter une aile, partager des vols à plusieurs. C’est un prétexte pour voyager et rencontrer d’autres gens. Mais aussi l’enseignement, apprendre aux autres, partager mon expérience m’apporte beaucoup.
Pratiques-tu d’autres sports ?
Ayant passé du temps à Grenoble, je pratique pas mal de sports de montagne (skating, ski de rando, trail, trek, alpinisme…). Un peu de chute libre et 2 ans de Base Jump quand j’étais dans le SUD (un rêve de gosse). Je suis débutant en kite et j’ai un petit niveau en plongée.
Je fais du trail depuis 10 ans environ. A la Réunion, j’ai pu concrétiser un rêve d’ado en participant à la “Diagonale des Fous”, un Ultra de 170 km, 9500m+. J’ai pu la faire 3 fois et finir 105 ème en 2013 en 37H30. Ayant moins d’objectifs de courses pour le moment, je me suis un peu calmé, je participe à des courses plus petites et sans pression.
Jérôme Canaud lors de l’Ultra Trail “La diagonale des fous”
Quels sont tes rêves ?
Ce sont plus des envies qui se concrétiseront avec des opportunités, des rencontres. Refaire du BASE, de la Wing Suit (s’entraîner en soufflerie doit être efficace et sympa), faire des treks en mode rapide et léger, réussir un 8000 avec une redescente en volant, voler de l’Aiguille Verte, me perfectionner en voltige, bosser pour une marque de parapente, proposer un service innovant aux parapentistes, suivre un DU en préparation mentale, suivre des MOOC (négociation, psychologie positive,…), voyager, découvrir la voile sur une traversée un peu longue, me perfectionner en kite, partager un vol bivouac avec d’autres pilotes dans les Alpes ou ailleurs, proposer un enseignement de qualité et complet en parapente au sein d’une structure et d’une équipe sympa… de nombreux domaines différents qui m’attirent et tous les autres possibilités que je ne connais pas encore !
Quels sont tes autres loisirs en dehors des activités sportives ?
Je m’intéresse aux sciences cognitives, connaissance de soi, les relations humaines. Je bouquine pas mal. Je suis actuellement une formation d’hypnose humaniste en ce moment…
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Jérôme Canaud a aussi participé à la réalisation de DVD pédagogiques (voir à droite)