Tests d’extraction du secours sous G-Force trainer (par Matt Wilkes)
La traduction des sous-titres en français a été réalisée par Jean-Marc Galan, auteur du livre “Gérer les risques en parapente“. Je le remercie car elle m’a facilité la compréhension et permis de réaliser cette synthèse.
Wingmaster a publié une vidéo dans laquelle Jérôme Canaud commente toute l’étude de Matt.
AVANT PROPOS
Quelques mots sur l’étude précédente (tests en tyrolienne)
En 2019, 55 pilotes avaientnt participé à la première expérience de lancer de parachute de secours organisé par Matt (voir compte rendu ici), Lancés d’une tyrolienne par surprise après avoir subi un “stress psychologique”, ils avaient pour mission de jeter leur parachute de secours aussi vite que possible. Vous pouvez retrouver le compte rendu détaillé ici.
Cette première série de tests en tyrolienne a permis d’analyser le comportement des pilotes en “situation de stress” mais aussi d’observer les performances des divers systèmes de parachute de secours.
Cette étude a permis de tirer les conclusions suivantes :
– Les pilotes cherchent en général la poignée de secours du parachute sur leur hanche, quelque soit l’emplacement du secours.
– Ils tirent, par réflexe, la poignée vers le haut même si la sellette est conçue à la base
pour une traction de la poignée secours vers l’extérieur.
– Le lancer d’un seul geste fonctionne mieux que le fait d’armer le bras avant de lancer.
– Pour les secours montés en ventral, il a été observé que le container qui a aussi une fixation à la base empêche qu’il se soulève lors de la traction.
– Toutes ces expériences ont permis de constater que les systèmes de parachute de secours doivent fonctionner correctement du premier coup.
SYNTHESE DES TESTS D’EXTRACTION DU SECOURS AVEC G-FORCE TRAINER
Description du test avec centrifugation
Cette deuxième étude s’est appuyée sur des tests de lancer avec 88 parapentistes amateurs (27 femmes et 61 hommes qui volaient en moyenne 30 heures par an). Les pilotes ont utilisé leur propre matériel et étaient équipés de gants fins et d’un casque léger.
Les exercices proposé aux pilotes
Pour simuler une situation d’urgence, les pilotes ont été soumis une tâche de concentration avant le démarrage de la centrifugeuse. L’objectif était que leur cerveau soit sollicité à la fois par les sensations de la force centrifuge et par des tâches cognitives conflictuelles. Au moment de la consigne du lancer, leur regard devait être orienté vers l’aile, leurs mains tenir les commandes de frein en “poignée de chiottes” (regarder des lumières LED et, à chaque fois que l’une s’allumait, tirer la commande de frein correspondante). Le petit exercice intellectuel consistait à citer des mots commençant par une lettre donnée.
Lorsque la force centrifuge était atteinte, le pilote devait lancer son secours au signal (sonnerie et leds rouges allumées).
Pourquoi des tests dans les 2 sens de rotation ?
Dans les tests, la moitié des pilotes a tourné vers l’avant à 4G comme dans une spirale et l’autre moitié vers l’arrière à 3G comme dans une SAT/autorotation
En rotation arrière (sens plus éprouvant), les pilotes avaient tendance à verrouiller leurs mains plus près de la position de décrochage comme s’ils essayaient de lutter contre une sensation inconnue.
Forces et faiblesses que Matt déclare sur cette étude
Comme pour l’étude sur la tyrolienne, nous avons eu un large échantillon de pilotes amateurs utilisant leur propre matériel. Nous leur avons proposés une tâche standardisée éprouvante sous des forces centrifuges réalistes et dans des conditions de stress psychologique.
La première faiblesse est qu’il n’y a pas de danger réel. L’autre faiblesse était que nous ne pouvions monter les sellettes sur la centrifugeuse que dans une direction, ce qui signifiait que la poignée de secours était toujours tournée vers l’intérieur lors de la rotation.
Les faits observés auprès des pilotes testés
Pour trouver la poignée
Dans l’étude précédente (avec tyrolienne), 85% des pilotes posaient en premier lieu la main sur leur hanche pour trouver la poignée. En spirale, 83% ont fait exactement la même chose.
En rotation arrière (SAT), 63% sont allés chercher leur cuisse. Il apparaît donc que l’endroit pour chercher la poignée dépend aussi du sens de rotation. Mais, en définitif, les pilotes ont toujours tendance à parcourir leur corps pour cherchant la poignée. Lorsqu’ils ne la trouvent pas tout de suite, ils ont tendance à déplacer leurs mains en arrière et en avant le long de la cuisse.
Pour attraper la poignée
Dans l’étude sur la tyrolienne, les pilotes encerclaient la poignée avec leur doigt et leur pouce avant de lancer. Ce fut la même chose sous G-force et les pilotes étaient en lutte lorsque la poignée est placée à un angle moins connu ou quand elle est trop plaquée contre la sellette.
Pour lancer le secours
En tyrolienne, 70% tentaient de tirer leur secours vers le haut, même si la sellette est conçue pour une traction latérale. Lors des tests en rotation, 50% des pilotes seulement ont tiré vers le haut.
Cette différence est probablement due au fait que la force centrifuge aide le bras à partir vers l’arrière et vers l’extérieur, aussi parce qu’elle pousse le container secours dans la sellette.
Les mouvements lors du lancer
En tyrolienne, les pilotes essayaient de lancer leur parachute de différentes manières. En rotation, tous ont jeté leur parachute en un seul balayage, sans doute parce que la force centrifuge a tendance à éloigner le container de secours.
Le sentiment général que les pilotes ont relevé à propos du lancer sous centrifugation est le manque de puissance et de contrôle directionnel, particulièrement en arrière.
L’emplacement du secours
Aucune différence de vitesse de déploiement n’a été contatée entre les secours ventraux et sous cutaux hormis que certains pilotes avec secours en ventral ont cherché la poignée sur leur hanche !
Recommandations dégagées à l’issue de cette 2è étude
Côté matos
Vers une meilleure conception des équipements pour réduire les échecs de lancer
Sur les 140 tests réalisés, 2,7% des pilotes n’y sont pas parvenus. En situation réelle, avec les effets cumulatifs de l’incertitude, de la peur et de la désorientation intense, nous pouvons imaginer un chiffre plus élevé. La communauté des professionnels (fabricants et enseignants) doiivent s’investir encore plus en terme de conception de l’équipement mais aussi en termes de meilleure formation.
Matt suggère de tendre vers une standardisation de l’équipement du parachute de secours : “Cela ne signifie pas que tout doit être pareil, cela signifie simplement que lorsqu’un pilote de parapente met une sellette, il doit s’attendre à trouver la poignée au même endroit et à être capable de lancer le parachute exactement de la même manière.”
Sur la base des deux expériences (avec tyrolienne et G-Force), nous recommandons que les poignées de secours soient placées au-dessus de la hanche du pilote. Même si certains pilotes ont cherché vers l’avant, ils utilisent toujours leur corps (squelette) pour remonter jusqu’à leur hanche.
A propos des poignées
Matt suggère que les poignées doivent être proéminentes et suffisamment grandes pour être facilement entourées par une main gantée. Le pilote doit être en mesure d’extraire le containeur dans n’importe quelle direction de traction.
Sellettes non livrées avec secours intégré
> Pour les sellettes qui ne sont pas livrées avec un pod de secours intégré, les pilotes doivent s’assurer que la sangle reliant la poignée au container du parachute de secours est de la bonne longueur.
Donc, c’est mieux si les marques de sellettes livrent leur sellette aussi avec le pod et La poignée (Advance le fait par exemple pour éviter que le pilote utilise le pod de la marque du parachute de secours).
> Les containers de parachutes montés en ventral doivent être fixés à la base.
Côté humain
Matt est conscient que tout ne peut pas être résolu en améliorant la conception et que les pratiquants font partie intégrante du process de déploiement du secours. Matt suggère d’accroître notre connaissance sur les parachutes de secours en fonction des profils des pilotes.
Auprès des débutants
L’enseignement auprès des pilotes en apprentissage doit les amener à mieux appréhender le système de secours et ils doivent pouvoir s’entraîner à le lancer régulièrement.
“Les pilotes doivent apprendre à lancer le parachute en un seul mouvement de balayage vers l’arrière, même si jeter dans une direction particulière peut parfois réduire le risque d’enchevêtrement dans les suspentes. Le message doit rester simple : être capable de sortir le parachute de secours de la sellette facilement.”
Auprès des pilotes qualifiés
Il est fort recommandé aux pilotes autonomes de s’entraîner réguièrement à lancer leur secours sous portique ou tyrolienne, mais aussi, quand cela est possible, lors des SIV au-dessus de l’eau. “Le secours ne doit plus être un “bidule mystérieux” que nous trimbalons sans jamais le voir, le comprendre”.
Simuler régulièrement l’ouverture en vol : exercice de la poignée témoin
Comme de nombreux professionnels de la sécurité, Matt recommande de mettre en place une “routine post-décollage” : “quand nous volons en sécurité loin du relief, lâchons les freins, allons chercher la poignée de secours et imaginons le geste à faire pour le lancer.”
> Pour en savoir plus sur l’exercice de la poignée témoin, vous pouvez consulter Les recommandations de Fabien Blanco, instructeur SIV (école FLYEO) à la fin de cet article
Conclusion
Pour finir, Matt nous rappelle que la mécanique du lancer de parachute de secours “n’est qu’une partie de toute la chaîne. La chose la plus importante est de s’interroger sur la nécessité de lancer et de lancer suffisamment tôt en ayant pleine conscience de l’altitude. Une fois que le parachute a été lancé, le travail n’est pas terminé, nous devons vérifier s’il n’est pas emmêlé avec le parapente, nous devons neutraliser le parapente et nous préparer à l’atterrissage…”
Cette expérience a été possible grâce à de nombreux partenaires qu’il remercie, notamment à Jess et Sepp de l’école parapente Flugschule Hochries en Bavière qui possède un G-force trainer.
Nous terminerons cette synthèse sur quelques mots de notre conseiller sécurité, Jérôme Canaud qui remercie Matt pour cette étude très sérieuse : “Je suis particuliérement content que la différence entre la spirale et la SAT ait été faite. L’autorotation (voile fermée, cravatée) est identique à la SAT et c’est souvent dans cette configuration que le secours doit être tiré. D’autre part, merci de proposer un fonctionnement uniformisé pour le lancer du secours, avec la possibilité aux marques de garder leurs spécificités. Oui l’entrainement en tyrolienne, en SIV et la simulation de la poignée secours en vol sont indispensables. Le pilote doit s’approprier son secours, il fait parti de son matériel !”