Record de France de distance 2024 (464km) : Maxime et Honorin racontent
Photos en vol : Mitch Cervelin et Alexis Reverchon
Bravo à Michel Cervellin, Honorin Hamard, Jonathan Marin, Julien Garcia, Tim Alongi et Maxime Pinot !
Avant propos
Les premiers 300km sont de sortie en plaine !
Déjà le 18 Avril 2024, Sébastien WALFERDEIN, Régis FOURET, Guido PRESTIGIOVANNI et Olivier ANGENARD ont réalisé de beaux vols depuis Notre Dame de la Mer.
Pour réaliser ce type de vol, il faut se préparer les jours d’avant (prévisions, détermination les trajets potentiels…) puis annoncer les projets de vol aux services du contrôle aérien en les contactant par téléphone ou mail.
Pour lire le récit complet d’Honorin Hamard des “jours d’avant le record de distance du 23 avril 2024”, lire cet article
1- Le récit du record de France de distance en parapente 2024 par Honorin Hamard
Toutes les planètes se sont alignées pour ce vol, ça a été du 100% réussite jusqu’au bout
8h, on remplit les Camelbaks. 9h, Notre Dame de la mer
La bise à tous les Alpins qui pour certains je n’avais pas vu depuis longtemps et en route ! Petit détour par la boulangerie, histoire d’avoir quelque chose dans le ventre si la journée tient ses promesses et qu’on vole tout le jour durant. Nous arrivons à Notre Dame de la mer vers 9h, comme prévu, il vaut mieux toujours être 1h en avance, le temps de se relaxer, discuter, régler le matériel. On se fait déposer et on retourne garer le van au parking de la mairie comme vu avec le club local, c’est important de bien respecter les sites et les dispositions locales si l’on veut que cela dur dans le temps. D’ailleurs, petite spécificité du site, il faut s’inscrire à la charte et être titulaire du brevet de pilote confirmé, ce site est réservé aux départs de cross et aux pilotes expérimentés. On pourrait dire qu’on a pas le droit à l’erreur puisqu’il n’y a pas vraiment de posé si on se loupe, c’est posé sur une île en bas, en plein milieu de la rivière…
9h45, dernier briefing
Ça fait plaisir de revoir tous les copains même si je n’ai pas beaucoup le temps de discuter, c’est priorité à la préparation. 9h45 dernier briefing du coach Julien sur les zones aériennes et le plan de vol, advienne que pourra !!! Le vent est faible au décollage, pas génial pour un déco très tôt, on doit attendre de la brise de pente si on veut éviter d’avoir fait tout ce chemin pour poser sur l’île. La première bourrasque, ça gonfle mais ça ne décolle pas, patience. Une aile se fait soulever et décolle juste avant 10h20, je suis dans les starting blocks juste derrière et me mets en l’air très rapidement.
Il va falloir rester groupé
Tout de suite, la banane, mon visage s’illumine, ça monte de partout et il est encore tôt, l’extraction va être facile et on devrait être plusieurs à partir en même temps. Pour faire un gros vol, il va falloir rester groupé, c’est le meilleur moyen d’aller loin et de faire le moins d’erreurs possible. Ce n’est jamais facile et je n’ai d’ailleurs encore jamais réussi un vol cross de plaine en groupe, mais cette fois-ci, je suis avec des pilotes qui ont mon niveau et qui ont l’habitude de voler groupé, et surtout de ne pas perdre de temps tout en ratissant large pour chercher les ascendances. C’est la base, s’écarter pour ratisser et collecter un max de thermiques. Il faut savoir le faire et rappliquer au bon moment dès qu’un pilote trouve, ça va former une espèce de gros rouleau compresseur capable d’aller très vite en minimisant les fautes de parcours.
Ça plafonne un petit bout de temps à 500-600m, je ne prends pas le risque de partir solo et j’attends un bon thermique avec plus de monde. Beaucoup de pilotes déjà en l’air, ça a dû décoller rapidement et efficacement, ça promet pour la suite.
10h45, thermique de l’extraction
10h45, thermique de l’extraction légèrement au vent, c’est le moment d’être concentrés car le début de vol peut être piégeux. Un bon groupe se forme, je pense qu’on est une quinzaine de pilotes, suivi par une autre quinzaine qui prend le deuxième wagon. Sur la première partie, on est limité à 1370m, du coup, c’est vigilance absolue, ça serait trop bête de prendre quelques mètres de plus sans avoir fait attention et d’emplafonner, mais les communications radios entre nous sont bien rodées et l’info circule pour rappel. La dérive est Nord-Est et on se laisse pousser pour sortir rapidement de cette TMA parisienne, je me laisse monter vers 1150-1200m et quitte le thermique en gardant une bonne marge, les lignes sont vraiment bonnes et l’instabilité nous montre un gros potentiel.
11h20, 650 m/sol à, on touche les premiers cums et barbules
650 m/sol à 11h20, on touche les premiers cums et barbules, ça s’accélère, attention à ne pas aller trop vite, on sort de la zone Paris 5 et on file vers Paris 7 limitée à Fl65, environ 1950 m. Le plafond est de toute façon plus bas, on a moins à s’en préoccuper pour l’instant. En revanche il faut soigner les lignes et les transitions, c’est le moment où l’on a failli perdre Max, qui part seul sur la forêt alors que dans le dos ça tire sur la ville avec un joli cum et notre ami ChouChou qui commence à monter. Grosse zone ascendante pour nous, on se fait coiffer par le deuxième groupe qui a tiré directement sur cette zone ascendante, c’est un premier avertissement que notre régime de vol et nos trajectoires n’étaient pas bonnes ; à rectifier rapidement. Grosse frayeur pour Max qui descend à presque 300m/sol alors qu’on est perché à 1700m, mais au mental et à l’expérience, il revient se caler aux avants postes du groupe.
1h de vol déjà, 50km/h de moyenne, c’est une grosse journée, c’est sûr !
Je pense qu’on peut avoir 10h de vol au maximum, ça ferait du 500 km si tout se passe bien… Le vent n’est pas si fort que ça en ressenti mais on file parfois à plus de 80km/h, ce qui voudrait dire qu’on a 40 km/h de vent météo. Malgré cette bonne dérive, ça reste facile de craber, ce qui est assez rare et les thermiques ne sont pas trop couchés, facile à enrouler, ça ressemble vraiment à une journée parfaite. Discussions à la radio, c’est le moment de choisir si l’on peut continuer sur le plan A avec objectif de passer à l’Est de Tours ou si on prend le plan B à l’Ouest de Tours. C’est plutôt unanime, on reste sur le plan A et on commence à contrer la dérive légèrement pour prendre un axe plus Nord-Nord-Est que Nord-Est.
A 1700m, ça pique les doigts
On est pas loin des -10°C et on est à 40km/h donc je vous laisse imaginer le ressenti. Tourner les bras après chaque thermique, récupérer ses doigts, faire de même pour les pieds et s’activer dans sa sellette pour arrêter de trembler. Oui parce que je suis aussi complètement en manque de couches de protection contre le froid, je suis vraiment parti à l’arrache… Si on vole 10h, je vais finir en glaçon mais le glaçon sous-marin vert le plus classe, eh oui, j’ai de nouvelles couleurs persos uniques pour ma sellette, « Lime », vert citron en gros, j’adore !
Grosse transition vers une petite ville avec un joli cum, à mi-transition, une voile décroche et part à 45° sur la droite, je crois que c’est Adrien, un petit gars de la Manche comme moi. On ne comprend pas ce qu’il fait, on ne voit pas de signe, mis à part une petite barbule en formation mais rien qui n’explique ce changement radical.
Le gros du groupe reste soudé sur le plan initial
On continue sur notre axe et Adrien n’est suivi que par quelques pilotes, le gros du groupe reste soudé sur le plan initial. On arrive à 400 m/sol dans un bon gros 3 m/s, juste après cette ville, c’était une longue transition mais il est déjà midi et les thermiques sont bien matérialisés et organisés, on ne prenait pas grand risque à la réaliser, à tout ce qu’on est comme pilotes avant de passer à côté du thermique… On saura plus tard que c’est une transition qui a fait mal finalement, notamment pour les locaux moins habitués au vol de groupe et qui n’ont pas cru autant que nous à cette option droit sur le trait, sans faire de détour.
Objectif Vendôme
A partir de là, notre objectif est de viser Vendôme km150, afin de passer entre Tours et Blois, dans un petit goulet d’étranglement entre les espaces aériens. Je vous passe les détails, mais nous bénéficions d’une zone aérienne temporaire à l’Ouest d’Orléans qui nous permet d’emprunter ce petit couloir. Les zones R sur notre passage sont toutes inactives, ce sont des zones militaires ou à accès restreint, ce qui nous libère l’axe vers le sud au moins jusqu’à Montmorillon au Nord-Ouest de Limoges km300. On croisera tout de même quelques avions de chasse en VFR (vol a vue) et un avion militaire de transport, aussi en vol à vue. C’est toujours impressionnant et à leur vitesse on ne sait jamais s’ils nous ont vu ou si on était comme de petites fourmis dans le ciel pour eux.
Les 2 meilleures heures de ce vol
S’en est suivies peut-être les 2 meilleures heures de ce vol, en termes de ciel, bardé de cumulus appétissants, et de grosse moyenne, avec un vent qui nous pousse bien et qui nous permet de rester aux alentours des 50 km/h. Le gros groupe devient de plus en plus petit et nous sommes une dizaine de pilotes à suivre le rythme, non sans mal. Il faut craber légèrement pour ne pas se faire projeter à l’Ouest vers la TMA de Tours et rester dans cette zone que l’on peut qualifier de « libre », puisque le plafond est largement supérieur à ce que l’on va pouvoir monter aujourd’hui.
Jon, Max, Mitch, Justin et j’en oublie, sont des têtes chercheuses de thermique, ça va vite et on se fait facilement enrhumer si on ne fait pas attention. Il ne faut pas s’enflammer si l’on a pris une valise dans un thermique, revenir doucement mais sûrement pour ne pas perdre le contact. Ça tourne pas mal aux avant-postes et on navigue très haut, toujours au-dessus des 1000m, c’est agréable et efficace.
Vendôme passé vers 14h-14h30
Après vendôme, on attaque la zone « Libre » jusqu’au km 300. Jusque-là, juste une petite erreur mais je suis revenu me placer rapidement avec les autres, à l’expérience. Au niveau du ciel, c’est la perfection, mais cela ne va pas durer, le ciel s’assombrit, de grosses zones d’ombre se créent et les thermiques s’espacent. On rentre dans la partie difficile de ce vol et à vrai dire, je m’étais même mis à ne pas croire au 300km tellement ces zones d’ombre étaient larges. Je pensais vraiment que ça allait soit dégénérer en orage, soit complètement étaler et couper tous les thermiques. Des rues se forment mais pas sur notre chemin, on est obligé de sauter constamment de rues avec de longues transitions. C’est vraiment un point clé du vol, très visible sur nos traces, transitions longues, on descend plus bas pour trouver les ascendances et on s’expose plus au poser qui signerait la fin de se rêve des 400+ en plaine française.
Il fait froid, très froid mais il faut lutter à l’ombre de ces étalements.
Les communications radio me réchauffent un peu. Première raccroche à plusieurs à 500 m/sol, entre ombre et soleil, une fois passé le nuage, ça raccroche bien. Et là, je merde, deuxième transition mal négociée en voulant viser trop au soleil sur la gauche, ça touche sous l’étalement à l’ombre plus à droite.
15h30, l’instabilité est très forte et même à l’ombre ça donne encore sous les étalements des beaux congestus soudés. 350m/sol, je ne m’affole pas et j’enroule comme je sais le faire dès que je touche la bulle. Je prie pour ne pas la perdre et je quitte le thermique avant 1400 m pour ne pas prendre trop de retard sur le groupe de tête. Je suis aidé par 2 ou 3 retardataires comme moi. De nouveau, longues transition, je repasse sous les 500m/sol et de nouveau je prends trop à gauche au soleil, c’est à l’ombre que ça donne sous le groupe de tête. Pour m’en sortir et tenter de leur remonter dans les pieds, quart de tour droite. Là, c’est le jeu du cycle, si je tombe dedans je remonte, si je suis en fin de cycle, je ne monte pas et le groupe de tête s’envole à plusieurs kilomètres, avec un gros risque de poser vu que les tâches de soleil pour créer un nouveau cycle sont lointaines. BINGO ! Arrivé à 600m/mer alors qu’ils étaient presque à 1200, je leur remonte dans les pattes et suis enfin avec eux. Les battements cardiaques redescendent, le plafond commence à monter et on dépasse maintenant les 1700m. La zone est très humide, les bases de cum n’étaient pas franches, plusieurs hauteurs, comme si il avait plu beaucoup la veille sur toute cette zone. Mais on aperçoit la sortie du tunnel, ça s’assèche devant nous et les plafonds ont l’air plus hauts bien au Sud de la Loire, ce qui est souvent le cas, plus sec et meilleurs plafonds. Je recommence à y croire, les 300 et les 400 sont faisables, ça ne va pas partir en orage mais il va falloir bien négocier les changements de rues avec ces longues transitions à l’ombre. Ce n’est pas le ciel qu’on avait au début, ça reste des pseudos-étalements, mais c’est bien meilleur que la zone qu’on vient de passer où j’aurais posé si j’avais été seul.
Je suis toujours congelé mais le mental tient
A l’arrière du groupe, il est déjà 16h, ça passe relativement vite en l’air puisqu’on est toujours en action et on ne voit pas le temps passer. Pendant la transition, j’anticipe un peu le changement de rythme et j’enroule vraiment jusqu’au plafond à 1900 m. Un petit appel radio pour leur annoncer le plaf, des fois que certains ralentissent et se mettent moins bas. Tout le monde part devant et se met un beau point bas. Avoir anticipé me permet d’arriver plus haut, mais jamais 2 sans 3, de plus de 1900 m à 500 m/sol, c’est vraiment difficile de rester haut tellement les thermiques sont espacés.
Passer la barre des 300 km
Je suis tout de même heureux d’arriver plus haut qu’eux alors que Mitch se met un gros gros point bas. Il est 16h30 et il ne va pas falloir trainer longtemps dans les basses couches, le soleil commence déjà à descendre. Thermique plutôt couché par le vent, si on l’enroule bien, c’est celui qui nous amène au-delà des 300 km. 1600 m, c’est fait, on est pas venu pour rien, on aura fait quoi qu’il arrive un beau vol, c’est cette barre des 300 km que j’espère passer à chaque vol de plaine pour estimer avoir rentabilisé ma journée et mon déplacement en venant d’aussi loin. Un peu au-dessus des autres, c’est à moi d’avancer cette fois-ci et de leur montrer la zone ascendante.
Je touche, j’informe les autres qui sont en train de faire un énorme plein derrière, ça va me permettre de les attendre confort dans le thermique et d’aussi monter dans ce qui sera le plus beau plaf de la journée avec quasi 2100 m à 17h. Ils arrivent, 3 tours pour se caler à ma hauteur et on est reparti. Seul Ju et Tim sont un poil à la traîne, mais ils ne lâchent rien, ça va revenir. On est maintenant à plus de 300 km, proche du gros vol que j’avais fait sur ce même site en 2014 et proche du record d’Europe à but déclaré qu’on s’est fixé au départ au km 350. Nous ne sommes plus que 8 si je compte bien ou 9, ça a écrémé sévère avec les 30 pilotes des deux groupes qu’on avait au départ. On est sur l’axe de Limoges qu’il faudra éviter par l’Ouest et on est limité jusqu’à 18h par les zones de Cognac à l’Ouest (au passage, autorisations à négocier au jour le jour et souvent en radio aviation au dernier moment). Un petit couloir donc, mais on est bien aligné pour ne pas se faire pousser dans Cognac trop tôt.
Le ciel s’ouvre de plus en plus devant nous
Cette transition est magique, le ciel s’ouvre de plus en plus devant nous et il commence à ne rester que les gros étalements de congestus actifs. Jon part à droite et a vraiment envie d’a ller à l’ombre sous une rue bien étalée. Grosses discussions en radio car l’ensemble du groupe préfère rester sur une option soleil et un peu plus loin de la zone aérienne de Cognac… Il finit par revenir avec le groupe. On touche vers 600 m/sol, thermique faible qu’on mettra une éternité à gravir. Est ce que l’option proposée par Jon aurait été meilleure ? Perso, je pense qu’on aurait posé sur la fôret dans l’ombre… Mais ça on ne le saura jamais !
18h en haut du thermique à 1600 m, les 350km sont jouables
Il nous manque quasi 500m pour faire le plaf mais les 350km sont déjà jouables. Les zones de Cognac sont maintenant inactives, on va pouvoir laisser libre court à notre imagination pour trouver le chemin qui nous emmènera le plus loin possible. On mise sur un posé à 19h à cette période et donc on espère arriver à 400 km tout juste.
On quitte notre ascendance qui commence vraiment à s’essouffler pour aller chercher de belles zones au soleil et surtout un cumulus qui a l’air encore bien actif, celui-ci nous permettrait d’aller facilement vers le point de 350km et du record d’Europe a but déclaré. Ça monte, beau thermique qui nous propulse à 2000m et qui nous donne à tous une sacrée banane et de l’espoir, l’espoir du 400km. Un bon coup de boost pour lutter contre le froid, ça je vous le dis, car j’ai eu l’onglée sévère sur le dernier plaf.
Tenter de passer la barre mythique des 400
Ça discute pas mal encore en radio et seul Jon parait décidé à faire son point à 400m de rayon pour le record d’Europe. Avec Max, on lâche l’affaire et on préfère tracer droit pour tenter de passer la barre mythique des 400 et arriver avec encore un peu de gaz sur la prochaine zone ascendante.
Il est 18h20 et Jon part donc seul sur notre droite faire sont point et passer dans le rayon de 400m défini avant le vol. D’ailleurs Rémi fera aussi ce record un poil derrière nous, bravo. Nous ne sommes plus que 6 encore en l’air sur cet axe, ça se réduit de plus en plus. On prend une dérive beaucoup plus Nord-Est que les précédentes, ce qui nous amène dans les zones de Cognac inactives, choix lié essentiellement aux nuages présents sur la zone alors que c’est relativement bleu partout ailleurs, le ciel bleuit très rapidement et les ascendances se font rares.
18h35, je fais l’effort et je trouve l’ascendance après une longue transition de plus
On arrive sur une zone portante à moins de 300m/sol, c’est mou mais on s’accroche car c’est peut-être notre dernier thermique et on veut vraiment ce 400. Julien et Mitch trainent du pied mais ne perdent jamais patience, c’est un combat psychologique contre soi-même, ne pas abandonner, malgré la fatigue, le froid, les autres qu’on voit s’envoler, il faut y croire et s’appliquer. Jon est déjà avec nous, c’est incroyable, il a parcouru plus de distance et est arrivé plus bas que nous mais a trouvé les ressources pour nous raccrocher, vraiment du beau vol, un pilote incroyable !
Le record de France devient jouable
18h50, on perd le thermique, ça sent la fin mais une petite ligne de barbules se forme et tire encore : si jamais on arrive à la choper, on assure le 400 et même plus ! Si on la loupe ça va être tendax !!! On part en transition, les yeux affutés pour ne rien rater des indices que nous propose dame nature, tous nos sens de chercheurs de thermiques sont ouverts, c’est le moment d’être bon et patient. Km 375, c’est la délivrance, il est 19h, on est encore à 1000 m/sol, on tape entre 0.5 et 1m/s. Etonnant et, en même temps, c’est tellement instable que c’est presque normal, de nouvelles perspectives s’ouvrent à nous, on envisage un posé beaucoup plus tardif que prévu et du coup le record de France devient jouable.
En mode record de France
J’ai froid mais je n’y pense plus, je suis passé en mode record de France, c’est fou de ne pas y avoir pensé avant, les conditions étaient tellement difficiles que j’avais complètement sorti cette option de ma tête, passer les 420km et réaliser le record de France est devenu presque une évidence. C’est ce que j’aime dans le parapente, que cela soit en cross ou en compétition, il y a toujours des rebondissements et on ne sait jamais où est ce que l’on va atterrir, il y a parfois de très belles surprises. Le coucher du soleil est prévu à 20h54, on a le droit à 30min de plus, on a du temps et ce n’est donc pas ça qui devrait nous bloquer. A un moment on va bien arrêter de tomber dans des thermiques quand même ?
Nous sommes 6 à réaliser ce plané final
Je m’applique, je ne sais pas ce que je fais de mieux que les autres mais je me retrouve au-dessus, peut être est ce dû à mon poids, plus léger, moins chargé que les autres sous ma voile ? Bref je m’envole ! Je pars donc devant chercher sous les nuelles vers 1500m, tout en gardant un angle de contrôle si les autres finissent par monter plus fort que moi. C’est exactement ce qu’il se passe, ils finissent par trouver le tuyau de sortie et je reviens en arrière pour finir le vol ensemble et gratter encore quelques mètres pour arriver à 2000. Max est comme un fou, ça fait plaisir, on est en train de battre le record de France, Mitch et Ju qui avaient du retard, ont réussi une belle remontada et nous sommes 6 à réaliser ce plané final.
19h30, on vise des résidus de cum et décision de tous poser dans le même champ
On ne sait jamais, on vise des résidus de cum sur ce dernier plané pour peut-être prolonger de quelques kilomètres notre vol en enroulant du zéro. Les lueurs du soir montrent le bout de leur nez, les couleurs commencent à changer, c’est vraiment magnifique et pour la première fois du vol, on prend vraiment le temps d’admirer le paysage. On passe au-dessus de magnifiques châteaux, le soleil joue à cache-cache avec les nuages au loin et le ciel commence à s’embraser de rouge-orangé. C’est sur cette note positive que je propose à la radio de tous poser dans le même champ pour partager ce record de France, à condition que l’on n’ait pas 500m d’écart d’altitude non plus.
Proposition acceptée à l’unanimité, je me suis permis de proposer car étant le plus haut avec Julien, je sentais bien que les pilotes plus bas n’osaient pas le demander. C’est chose faite, si tout le monde s’applique, on sera tous recordman de France au posé ! On a vraiment une grosse finesse, de l’ordre de 20 à 25, c’est la première fois du vol que ça arrive, les dégueulantes entre les thermiques sont presque stoppées puisque l’activité thermique est en train de se dissiper doucement et nous sommes juste poussés par le vent, dans une masse d’air encore légèrement porteuse.
19h45, petit zéro qu’on enroule
19h45, petit 0 qu’on enroule pour se laisser décaler mais qu’on perd rapidement. On ne pensait pas aller aussi loin alors on a quand même pris un mauvais axe, en plein vers les TMA Aquitaine et la CTR de Bergerac. Ça ne nous posera pas de problème aujourd’hui mais dans l’optique d’un 500km sur un prochain vol, il faudra craber à l’Est un peu avant. Je crois que Mitch n’a plus de batterie sur sa tablette, on lui donne des infos comme on peut mais c’est quand même un peu vague, ça le met dans le jus mentalement, après 10h de vol on a du mal à rester concentré. Tout le monde est fatigué mais si on croise quelque chose, il faut vraiment rester concentré car ça peut faire de grosses différences d’altitude et on ne pourra pas attendre tout le monde.
20h, un dernier thermique sorti de nulle part
A croire que le Dieu des thermiques nous dépose des ascendances sur notre chemin, ça monte et ça monte bien même, jusqu’à 1.5 m/s ! On passe de 800 à plus de 1800 m, c’est incroyable, on explose le record et on va se faire le coucher du soleil en l’air ! Petite fatigue, il faut quelques encouragements, Mitch se fait déposer dans le thermique mais s’accroche et en prenant de bonnes lignes arrive à nous recoller à moins de 100 m. C’est fait, dernière transition cette fois et on est tous ensemble.
Euphorie collective
On profite de nos derniers instants pour contempler le coucher du soleil, l’air est tout doux, pas une turbulence à signaler, une glisse exceptionnelle, c’est vraiment jouissif. On s’accorde sur la direction du plané final, puis d’un champ si tout le monde passe la butte. Ça va le faire, tout le monde passe et on valide notre champ. Petite pente face au vent, qui permet même de finir avec des petits waggas, que demander de plus ?
Un record de France collectif, un travail d’équipe monstrueux et réalisé à la perfection
20h50 posé, 464km déclarés à la CFD et 457km en ligne droite. C’est vraiment génial de pouvoir partager ça tous ensemble, récompenser tout le monde car c’est vraiment en équipe qu’on est allé le chercher. Moi-même,j’ai été parfois en difficulté et je me suis appuyé sur mes collègues pour m’en sortir, je les ai aidés parfois et on s’en est sorti avec la plus belle des récompenses, un record de France collectif ! Des cris de joies, des accolades, des photos, on a mis un peu de temps à plier, le temps de réaliser ce qu’on venait de faire. Un peu plus de 10h de vol, presque 46 km/h de moyenne, on était vraiment pas loin des 500 km, mais il faut en garder sous le coude pour les prochains vols.
RECORD DE FRANCE !
C’était presque inespéré de faire cette distance aussi tôt dans l’année, les champs étaient bien verts et jaunes, encore en fleur, on est loin du paysage aride qu’on peut avoir avec les champs de blé secs au mois de juin par exemple. Si on ajoute les journées courtes, je trouve que c’est vraiment une performance mais qui donne aussi encore plus d’espoir pour le 500 km, car de nombreuses journées seront meilleures que celle-ci, j’en suis persuadé. Après, rassembler une telle dynamique le jour J, avec des zones aériennes clémentes, ça s’est plus dur à obtenir…
Redescendre sur terre
On est posé au Sud de Périgueux dans un tout petit village, heureusement que le deuxième bus du pôle vient nous chercher, le premier étant déjà rentré, full depuis plusieurs heures. Un timing de fou, à peine fini de plier que le bus est déjà arrivé, il est 21h30 et nous sommes aux anges. Merci encore à Alexandra et Alexis nos chauffeurs, d’avoir fait le tour de France en bus pour nous accompagner dans cette aventure. Merci à tous les pilotes, la FFVL, pour cette préparation de dernière minute, ce vol et cette dynamique de folie.
Nous partons manger un bout sur Périgueux et fêter ça autour d’un verre tous ensemble. Le bus roulera de nuit pour rentrer sur Annecy, ils passeront par Lyon et j’ai déjà repéré un Blablacar pour Nice à 5h du matin. Je me fais déposer à 4h Gare de Lyon, 1h à attendre complètement gelé dans le froid, avant de rentrer enfin dans mon Blablacar qui me déposera à Nice à 8h, un bon gros go fast quoi ! 9h30 au bureau et 11h en l’air pour tester des voiles, je peux vous dire qu’à la fin de cette journée, j’étais un zombie. Il m’a fallu presque toute la semaine pour récupérer mais ça en valait le coup. Toutes les planètes se sont alignées pour ce vol, ça a été du 100% réussite jusqu’au bout.
N’oubliez pas ma devise « Accroche-toi ! A 20m/sol t’es encore en vol ! »
Les records sont tombés, il faut maintenant les faire valider officiellement par la FAI :
Ma trace pour suivre sur la FFVL : https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20358031
La même sur XContest : https://www.xcontest.org/…/detail:hono/23.04.2024/08:12
2- Le récit du record de France de distance en parapente 2024 par Maxime Pinot
Le récit de Maxime Pinot
Mi-avril, le froid polaire et la neige s’acharnent sur les Alpes. Où sont donc passées les traditionnelles et magnifiques journées de cross de ce mois béni ? Je me mets donc en veille météo sur la plaine, les bonnes situations étant récurrentes dans ces descentes d’air froid polaire.
Le vendredi, j’ai le sentiment que ça pourrait fumer fort en début de semaine suivante. J’en parle à Julien, puis à Jon. Je commence mon manège pré-cross sous les yeux amusés de Salomé. Sauf que celui-ci, logistique oblige, est un peu plus long et exotique que d’habitude. Dimanche tout commence à se confirmer et j’entreprends la récolte de quelques infos auprès des locaux (merci Roland et Denis).
Puis branle bas de combat lundi avec Ju qui nous organise tout ça de main de maître. 18h, nous quittons les Alpes avec un convoi de 15 pilotes surmotivés et 2 chauffeurs dévoués ! Les modèles météo ne vont quasi qu’en s’améliorant jusqu’au matin. Les activations de zones aériennes sont plutôt clémentes avec nous. Le groupe comporte quelques-unes des meilleures têtes chercheuses de thermique de la planète: ça devrait bien se passer !
Ce serait bien que ça marche !
Le matin, je ressens une certaine pression à avoir lancé cette idée en voyant toute l’équipée sur le parking du petit hôtel qui nous a servi de refuge pour une courte nuit. Ce serait bien que ça marche !
Affluence des grands jours sur ce décollage qui m’est inconnu. J’écoute les conversations d’une oreille tout en me préparant : ça tourne beaucoup autour de la sempiternelle et amusante opposition plaine/montagne dont notre sport raffole et que je n’ai jamais bien comprise, assez convaincu que le terrain de jeu ne change absolument rien à l’histoire de la recherche de performance dans notre activité. J’en profite aussi pour revoir les zones aériennes, me rappeler que mon objectif, c’est de passer les 400 kilomètres et de prendre le bonus derrière.
Dernier briefing, le site s’allume rapidement et tout le monde se retrouve dans le ciel !
Extraction aisée en groupe et à 10h45 nous voilà déjà en route, juste sous la TMA de Paris. Plafond confortable ! Mon début de vol est un peu trop agressif et je me retrouve dangereusement bas au kilomètre 30. Point bas à 200m/sol, je fonce sous le vent d’un bout de forêt et sors le missile du vol qui me remet avec le groupe qui l’avait joué un peu plus safe. Je prends ma place dans le wagon, compartiment première classe avec du Hono, du Jon, du Mitch, du Justin et j’arrêterai ici l’énumération des locomotives.
On sent que la machine s’est rodée la première heure, il est temps de passer un peu aux choses sérieuses. D’ailleurs, les deux heures suivantes sont un pur régal. Bonnes vz, bonne dérive, des nuages actifs. Je trouve même qu’on envoie pas assez de régime de vol malgré le 50 km/h de vitesse moyenne qui commence à se manifester sur l’instrument.
Après Vendôme
La suite, après Vendôme, est un peu plus complexe à cause de grandes zones d’ombre. Mais le groupe est fort, et malgré le petit ralentissement, nous restons hauts et groupés. C’est finalement l’assèchement de la masse d’air autour de la Loire qui nous fait plus de mal. Amboise n’est pas si simple à négocier, et la suite se poursuit sur une tout autre dynamique: là où nous avions connu une haute fréquence thermique les premières heures, la montée des plafonds fait tomber cette fréquence. Le plaf max sous chaque nuage devient quasi non négociable pour traverser de longues zones d’un calme inquiétant.
Traversée de la Creuse
La traversée de la Creuse à hauteur du bourg de Le Blanc nous fait bien transpirer, subtilise notre Justin qui ne peut accrocher la bulle de sortie et fait spliter le groupe. Le bon plaf suivant nous permet de souffler un coup après ce petit coup de chaud.
Le paysage défile, assez uniforme. Pas de montagne iconique pour marquer le passage des kilomètres. Heureusement qu’il y a le GPS et les zones aériennes et le soleil pour se repérer. Autant, nous sommes rompus à la plaine sur nos compétitions (ainsi que dans mes jeunes années de pilote), autant le cross pur laisse une sensation de douce monotonie : bien monter en thermique, bien s’axer dans le vent sur une double analyse aéro/axe de la prochaine zone aérienne, et ainsi de suite. Du cross débarrassé des nombreuses analyses parfois difficiles d’écoulement (et de rencontre) des flux au travers des montagnes, débarrassé aussi en partie de la turbulence. Oui, douce monotonie dans ce qu’elle a de positif, quelque chose d’assez paisible.
Groupe de six pilotes près de Puy Pinot
Notre groupe de six se forme définitivement près de Puy Pinot, pure coïncidence, et ne se lâchera plus. Chacun conscient que la perte d’un élément peut influer sur la suite du vol. Parce que les thermiques ont une structure assez mobile et les grandes qualités de recentrage des pilotes présents est une arme majeure. Surtout lorsque les minutes tournent et que le soleil descend sur l’horizon.
Un point dur nous met presque tapis près de St Junien mais la prospection dans la R49 inactive à cette heure nous permet de nous en sortir, lentement, sûrement. Puis c’est un thermique totalement déstructuré qui nous met à la peine au kilomètre 375. Mais une fois encore, il ne nous résistera pas.
Parc du Périgord-Limousin : nous nous concentrons pour aller chercher le record de France
C’est au-dessus du Parc du Périgord-Limousin que nous franchissons la barre des 400 kilomètres. Tout le monde exulte dans la grappe, le symbole est beau ! Mais vite, nous nous concentrons pour aller chercher le record de France, alors que la lumière devient dingue. Soudainement, la douce monotonie rompt sous la couleur orangée qui inonde le ciel. Mais la masse d’air semble pouvoir encore offrir un dernier cadeau.
Le vent nous pousse généreusement et allonge follement nos finesses. Un dernier cumulus sur la ligne, une ville et quelques vallons: il n’en faut pas plus pour un dernier thermique alors que le soleil se couche à l’ouest. Moment rare.
Dernier plané entre Périgueux et Bergerac
La colonne s’éteint et nous entamons un dernier plané qui semble infini et au cours duquel nous convenons d’un posé tous ensemble, pour respecter l’esprit du vol. Enfin, l’ombre de la plaine finit par nous accueillir, presque chaleureusement, tous transis de froid que nous sommes, perdus quelque part entre Périgueux et Bergerac, heureux de partager ce record: Tim, Julien, Hono, Jon, Mitch et moi. Sur le GPS, clignotent les 463 kilomètres de cette longue ligne à travers la France, sur mon portable des dizaines et des dizaines de messages des personnes qui ont suivi ce périple. Accolades et joie mêlées nous permettent d’attendre notre navette de luxe qui arrive tout juste après notre pliage. Alexandra et Alexis, nos chauffeurs courageux, ont plus de mérite que nous dans cette histoire !
Verre à Périgueux
Nous partageons un verre à Périgueux avant de prendre la route du retour de nuit. Impossible de trouver le sommeil. Je repense au vol, à cette nouvelle démonstration de la puissance d’un groupe bien formé. La journée était belle, certainement pas parfaite. Mais à force de chasser les belles journées, je sais que l’alignement de tous les paramètres météo est une chimère. C’est pour cela que pour aller plus loin, plus vite, il faut compenser sur tous les autres plans sous notre contrôle. La barrière des 500 kilomètres, quant à elle, n’en est plus une, de chimère…
Photos: Mitch Cervelin et Alexis Reverchon
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3- Le record de distance à but déclaré de Rémi Bourdelle
Quant à Rémi Bourdelle, il a réalisé le nouveau record français et européen de distance à but déclaré : 358 km. Le précédent était de 329km (réalisé en Espagne en juillet 2022). C’était un pari audacieux de déclarer un but à Limoges en décollant de Notre Dame de la mer. Félicitations Rémi !
4- Le témoignage de Romain Beaugey posé au km 373
Comment écrire le récit de ce vol incroyable ? Peut-être juste en laissant parler doucement la magie de cette lumière de fin d’après-midi, flirtant avec la ouate de chaque cumulus, avec cette sensation d’être juste, dans l’instant, à ma place, bercé, enlacé, porté et accompagné par mon “anJe”.
Que ce fut dur de partir à l’aventure, d’accepter d’en être capable, d’accepter le lâcher prise pour finalement me transporter vers lui, vers moi. On s’est retrouvé dans le ciel, dans notre élément. Dans l’instant. Dans la pleine conscience. Ce vol montre comme s’il le fallait encore à quel point cette communion dans l’intouchable est primordiale, indispensable, étrange, si forte et au final réconfortante.
Merci à Seb Wal pour la logistique du trip et le partage de ces émotions si intenses durant tout ce vol de 373km qui est mon plus gros realisé en France.