Retour au sol brutal suite à un mauvais contrôle de l’aile
Baptiste se prépare à décoller du site du Grand Bornand. Au décollage, il constate que son aile part vers la droite, dérive qu'il interprète comme dûe à une rafale. Il constate qu'il y a du frein à droite en permanence. Accaparé par son tour de frein, Baptiste n'a pas vu l'anomalie qui est la cause de son accident. Il nous propose de déceler l'anomalie par nous même. En regardant sa vidéo, il découvre que les causes ne sont pas celles qu'il imaginait. Regardez sa première vidéo pour essayer de déceler l'incident par vous-même puis la deuxième pour comprendre ce qui est la cause de son retour violent au sol. Heureusement que l'airbag a fait son effet!
Les remarques de Baptiste
Certains jours les conditions météo (vent non laminaire) font qu’un check de la voile au sol ne permet pas de détecter que les C sont tirés d’une dizaine de cm, comme il est difficile de détecter que la voile tire à droite alors que c’est rafaleux. Seul un check visuel rigoureux sur les maillons le permet.
L’autre point c’est que redécoller après un retour brutal au sol est pointilleux :
– coté technique : comprendre au mieux ce qu’il s’est passé, erreur de pilote, problème aérologique, problème technique. Dans mon cas, sur le moment, j’ai conclu à un problème aérologique et j’ai pris des marges en redécollant et en essayant la voile loin du relief. Ce n’est qu’en revisionnant la vidéo que j’ai compris le vrai souci, qui aurait pu se reproduire du coup… Ne pas hésiter à se renseigner autour de soi si quelqu’un a analysé la chose différemment (un biplaceur a vu l’événement mais dommage il a décollé avant que je ne le rejoigne).
– coté psychologique : savoir s’écouter et comprendre dans quel état on est. Se prendre quelques minutes de repos permet de prendre un peu de recul.
– coté matos : bien rechecker son matériel en sortant de sa sellette, vérifier le secours (pour ma part, la poignée était à moitié tirée), airbag ou mousse bag en bon état, suspente cassée ou voile déchirée.
Si vous avez le moindre doute, ne pas repartir.

Les conseils de Jérôme Canaud
L’habitude est accidentogène…
Baptiste a bien analysé ce qui s’est produit donc pas grand chose à ajouter. Par contre, cet incident est intéressant sur la force de l’habitude. Il fait comme d’habitude en disant « Ok pour le check » mais, en fait, il ne voit rien. Nous regardons souvent par habitude mais nous ne faisons pas de véritable contrôle…

Bien comprendre l’incident pour reprendre confiance
Bravo au pilote qui a su analyser grâce aux images ce qu’il avait vécu. La compréhension de ce qui se passe ou s’est passé lors d’un incident, accident est primordial pour reprendre confiance et continuer à progresser. Je pense que beaucoup de pilotes suite à un incident ou accident ne savent pas ce qui s’est réellement passé. Soit par méconnaissances des causes, méconnaissances des incidents de vol en parapente (ce qui est dû au pilote et ce qui est dû à l’aérologie). Ces méconnaissances entraînent souvent des croyances sur ce qui se passe, peut se passer et des actions à avoir. D’où l’importance d’avoir de l’expérience en se formant (stage de pilotage, pilotage au sol, stage SIV), en se recyclant, remettre à jour son niveau, en revoyant ses objectifs qui évoluent au fur et à mesure de la vie d’un pilote.
Par habitude, on regarde sa voile mais on y voit réellement pas grand chose
Concernant cette vidéo, elle me fait penser également à un point très important : « l’habitude ». En effet, le pilote, après le retournement, regarde sa voile, le commentaire de la vidéo est « check de la voile ». On s’aperçoit après son analyse que ce check n’a finalement servi à rien puisqu’il n’a pas vu le problème de l’élévateur « C » coincé et cela même en regardant du bon côté. Par habitude, on regarde sa voile mais on y voit réellement pas grand chose car on ne cherche pas vraiment à vérifier, on regarde pour se rassurer. On a du mal à voir ce que l’on a pas l’habitude de voir (dans la plupart des cas, il n’y a rien à voir, pas de clés, pas de problème). Pour palier à cette habitude (qui en devient accidentogène), l’idée serait de faire un vrai check en essayant d’être curieux et vraiment vérifier la voile, les suspentes, les élévateurs.
Soigner la prévol et le contrôle visuel par un gonflage face voile
La facilité des voiles au gonflage permet au pilote de gonfler quasi systématiquement face à la voile. Cela lui permet un véritable contrôle visuel sur la voile (cravate), le suspentage (clés, branches…), élévateurs (problèmes, maillons, tours de freins, freins bloqués…). Tout ce contrôle doit se faire pendant le début de montée de la voile (avant les 45°), ensuite la voile continuera toute seule plus ou moins vite (gestuelle, pente, vent). Et cela permettra au pilote de se retourner, temporiser et de ne surtout plus regarder sa voile en se concentrant sur sa trajectoire de sortie (espace libre, obstacles…).
Ensuite, aprés le décollage (installation, trajectoire), je préconise vivement un contrôle global de l’ensemble. Celui-ci permet de vérifier à nouveau et d’agir en conséquence. Cela aurait permis sur ce vol de déceler le problème de l’élévateur « C » coincé (changement de trajectoire en sortie de déco) en même temps que le tour de frein.
Le décollage du Grand Bornand est très pentu, cela implique une préparation de l’aile au top (prégonflage), un gonflage face à l’aile en douceur et un retournement tôt avec une temporisation après le retournement (et pas avant).
Jérôme Canaud – page Facebook Courant d’R