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Surpris en vol par des conditions trop fortes, quoi faire ?

Surpris en vol par des conditions trop fortes, quoi faire ?

Cette vidéo qui nous a été proposée par un visiteur soulève de nombreux sujets : l’anticipation, l’analyse des conditions avant de décider de décoller et, une fois l’air, ce qu’il faut faire quand on est surpris par des conditions trop fortes par rapport à son niveau. Nous avons donc sollicité notre spécialiste « incident » pour nous éclairer et  nous apporter ses conseils. Nous nous servirons donc de cette vidéo comme tremplin pour amener des notions de pilotage en cas de situations critiques et aussi quels comportements adopter avant, pendant, aprés.

Cliquez ici pour connaître le temps passé pour réaliser cet article

temps passé

Commentaires sur la légende
– Recherche : analyse de la vidéo, recherche documentaire, vérification des sources…
– Rédaction : rédaction, réécriture, synthèse, relecture…
– Rédaction tiers : rédaction réalisée par un rédacteur autre que l’auteur habituel
– Relations avec tiers : échanges avec des personnes pour construire l’article (conseils, vérifications d’infos…)
– Composition : mise en page, redimensionnement des photos…

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Analyse et conseils de Jérôme Canaud

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Contexte aérologique

Il est sûr en regardant ces images que les conditions aérologiques sont fortes voire limites pour le parapente !
Indices extérieurs :
– conditions thermiques avec un beau ciel et des cumulus,
– les arbres bougent bien au décollage, il y a du vent et de la brise. La manche à air bouge de manière très instable.
– brises thermiques, c’est certain ET aussi vent météo : on remarque que les parapentes volent lentement sur un axe parallèle au relief  ET reculent parfois dans les accélérations de vent ! On est là dans des conditions aérologiques limites pour un pilote de loisir (je dirai pour le parapente tout court).
– ce cumul entraine des zones de cisaillement marquées dûes aux déclenchements thermiques ET aux turbulences générées par le relief (le flux de vent étant parallèle à celui-ci).

Analyse des incidents

Il n’est pas étonnant qu’on voit le parapente reculer par moment, monter. Un gros cisaillement provoquera une fermeture frontale à quasi 90% de l’envergure. Cette fermeture plus profonde au centre de la voile va entraîner une crevette (les bouts d’aile se regonflent plus vite que le centre et avancent). La dissymétrie entraîne une rotation complète et rapide sur la droite avec retour au vol stable spontané (la voile se débrouille toute seule).

Après cet incident assez violent, le pilote reste le long du relief et subit encore une fermeture asymétrique à droite, puis à gauche. La voile reprend son vol droit de manière spontanée (elle se débrouille seule sans action pilote).

On peut voir que la voile a un comportement « autodémerdant » très marqué, le retour au vol droit spontané a lieu SANS ACTION PILOTE après les 3 incidents.
Dans ce cas, on peut dire que le pilote n’a pas créé de surpilotage vu qu’il n’a rien fait (action commande, action sellette), cela couplé à une sécurité passive de la voile très marquée, tout finit bien avec pas mal de chance (fin de la rotation très prés du relief !).

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Que faire pour éviter ce genre de situations, quels comportements pilote faut-il adopter ?

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1) Analyse de la situation et adopter un nouveau plan de vol

Ci-dessous des vidéos pour élargir le sujet

Analyse de l’aérologie

Le pilote doit se rendre compte que l’aérologie dans laquelle il se trouve est trop forte ET/OU qu’il n’a pas le niveau technique et mental pour y rester en sécurité.

Changer de plan

En effet, on peut se retrouver enfermé mentalement en insistant dans la même direction (reposer absolument au décollage, atteindre coûte que coûte le terrain d’atterrissage officiel). Il faut s’adapter en changeant d’optique, trouver une autre porte de sortie, abandonner son premier plan de vol qui n’est plus judicieux (aller poser ailleurs, poser en hauteur, partir vent arrière, reposer au décollage, attendre en l’air, écourter le vol,…)
Dans le cas du vol dans cette vidéo, le pilote peut sortir des zones les plus turbulentes en s’éloignant du relief et écourter son vol en allant poser dans la plaine plutôt accueillante .

Interrompre un vol avec vent fort à l’arrivée d’un front pluvieux

Le pilote s’est rendu compte trop tard que l’aérologie s’est dégradée (ascendances fortes, vent soutenu). Il décide de poser rapidement sur les hauteurs dégagées…

2) Adopter un pilotage adapté, utiliser des techniques de pilotage efficaces

Dans notre cas, le pilote peut s’éloigner du relief avec les oreilles cumulées à l’accélérateur (moitié ou à fond). Cela va lui permettre de partir en restant dans le domaine de vol avec une voile stable en tangage et écourter son vol en augmentant son taux de chute. Le pilotage se fera alors à la sellette. Cette position peut être gardée jusqu’à très près du sol (voire si le vent est fort, relacher l’accélérateur avant l’arrondi, les oreilles se rouvrent seules au moment du freinage qui apparaitra plus tôt que voile ouverte).

Le pilote peut simplement s’éloigner du relief (la zone la plus critique ici) en « tenant » sa voile, c’est-à-dire concrètement en la freinant symétriquement. Cela va ralentir la voile et augmenter l’angle d’incidence, ce qui aura pour conséquence de diminuer le risque de fermeture asymétrique et de fermeture frontale. Cette position avec 30% de frein permet aussi de continuer à piloter, c’est-à-dire augmenter le freinage de manière rapide pour bloquer une abattée ou de relâcher les freins en cas de cabré important.

Passage sous le vent à cause d’un vent trop fort au sommet

Volant au dessus d’un relief, ce pilote se trouve pris dans un vent fort qui le fait reculer et l’emmène sous le vent du relief. Se présentent à lui deux choix : celui de poser au sommet au plus vite ou de poursuivre en partant en arrière…

3) Utiliser des techniques simples pour garder un bon état d’esprit, un bon mental et ne pas rentrer dans la panique

Le mental occupe 70% du vol en parapente, une baisse de mental, un mental très faible, plus de confiance en son matériel, en soi auront énormément de conséquences sur le vol et la sécurité. En vol, même dans les situations tendues et difficiles, il faut essayer de rester lucide, donc se détendre.

Les astuces pour se détendre sont :

Se parler à voix haute. Cela va vous permettre de ne plus être seul, de ne plus vous enfermer mentalement, de détendre votre mâchoire et de respirer (pas mal de pilotes qui ont peur en vol préfèrent voler en biplace pour cette raison, parler à voix haute à leurs passagers)

Se détendre. Détendre ses épaules en les abaissant, décrisper ses mains, appuyer son dos sur le dossier de la sellette. On a tendance à avancer le haut du corps vers l’avant (voir la vidéo) et cela rend la sellette plus instable car la structure n’est pas tendue. Se gainer et croiser ses pieds sous la sellette en mettant ses cuisses en appui sur le bord de la sellette. Avec un cocon, on peut bien caler son dos au fond de la sellette, voire se mettre en position assise si celle-ci est possible et confortable (dépend du modèle de cocon).

Respirer et encore respirer. Personnellement j’utilise de grandes et nombreuses inspirations par le nez (et souffler par la bouche). Ca évite d’être en apnée de longs moments et cela a l’avantage de vous polariser sur quelque chose et de vous oxygéner rapidement le cerveau. C’est très efficace.

Manger. Manger quelque chose de sucré. Surtout si vous volez depuis longtemps, votre cerveau a besoin de sucre. Cela a le triple avantage de vous apporter du sucre, de vous faire plaisir et de vous polariser sur autre chose. Encore faut-il avoir prévu des bricoles sucrées à manger et qu’elles soient accessibles. En général après 1h, 1h30 de vol, il faudrait grignoter (bonbons, pâtes de fruits,…). Manger un sandwich n’est pas le moment  😉

4) Anticiper tout cela, s’y préparer techniquement, théoriquement et mentalement

Bien sûr, le travail principal se fait avant ce genre de situation. On ne découvre pas les oreilles+accélérateur dans une situation qui nous stresse déjà.
La formation régulière et l’entretien de ses connaissances théoriques, techniques, de ses capacités est indispensable. Nos capacités diminuent dans le temps si on ne les entretient pas à niveau. Le parfait exemple est la descente en 360° engagé.
A savoir aussi que le matériel évolue, les techniques s’améliorent, s’adaptent au matériel.

Pour cela, s’inscrire à des journées de perfectionnement, des journées de stage de pilotage, SIV, cross, techniques au sol avec un regard extérieur compétent qui saura vous faire progresser parait un bon début.

On oublie aussi les connaissances théoriques. La peur dans tous les domaines est basée et entretenue par les méconnaissances (les nuages, les fermetures en parapente, les requins, les araignées, les étrangers,….). Se renseigner, être curieux, avoir les réponses à toutes les questions (légitimes), bouquiner, va améliorer vos connaissances et diminuer vos peurs. Ne restez pas sans réponses et oser poser des questions qui vous paraissent débiles.

La question se pose souvent : « oui d’accord mais j’entends des choses contradictoires, lui me dit ça, ce moniteur me dit ça, ..je suis perdu, je ne sais plus ce qu’il faut faire…. ». Une démarche simple consiste à demander dans quel contexte est apporté ce conseil, cette affirmation, cette technique de pilotage. La deuxième démarche consiste à poser des questions pour aller évaluer l’argumentation qui vous est proposée, celle-ci doit être tenir la route et être convaincante.

L’exemple simple de contexte variable

Suite à une fermeture asymétrique de 50% ,
– Un pilote avec peu d’expérience + une voile d’apprentissage aura intérêt à ne rien faire pour que tout rentre dans l’ordre. La voile se débrouille.
– Un pilote en vol de performance avec une voile de performance aura intérêt à contrer de manière dosée pour garder sa trajectoire puis de rouvrir sa voile.
– Un pilote de compétition, avec une aile de compétition, aura plutôt intérêt à ce que sa voile garde de la vitesse donc accepter une rotation contrôlée pour rouvrir ou décoincer le bout d’aile.
On a bien 3 messages différents pour un même incident, cela vient du contexte qui n’est pas le même.

Le stage SIV que j’aurai dû faire depuis longtemps

Patrick a vécu 2 incidents impressionnants qui ont fini par l’amener à penser au SIV…

Il s’acharne à défaire une cravate en restant en autoration

Ce pilote australien n’a certainement rien à faire sous cette aile de catégorie C (ou D pour la petite taille) ni à voler dans ces conditions, certainement trop fortes pour son niveau. En effet, avant même l’incident, on constate qu’il n’a mené aucune action pour anticiper la situation dans laquelle il s’est trouvée.

5) Se connaître, s’écouter, se faire confiance, s’éloigner des « intoxicateurs », bichonner son capital confiance

Voici un point plus compliqué à mettre en œuvre et qui pourtant est diablement efficace. Chaque pilote, quelquesoit son niveau, peut ressentir avant de voler un doute sur les conditions aérologiques du jour et hésiter à se mettre en l’air .

S’il est seul au décollage, cela sera assez facile à gérer, il va attendre, refaire le point, observer puis décider. S’il ne sent pas le vol, il redescendra à pied ou en navette. Frustré dans un premier temps puis finalement content dans un deuxième temps.

La difficulté vient si le pilote n’est pas seul, c’est-à-dire dans un groupe ou avec d’autres pilotes présents au décollage. Il va être confronté au regard des autres, aux critiques, aux intoxicateurs (ceux qui sont assis sur leur sac au décollage ou au bar à l’atterrissage qui vous mettent un gros doute sur les conditions de vol alors que celles-ci sont excellentes. Ils ont personnellement peur de voler et n’aime pas se retrouver seuls sans voler ). Dans ce contexte, il va être plus difficile de s’écouter et faire ce qui est bon pour soi : voler ou renoncer.

On peut visualiser le capital confiance comme un seau d’eau que l’on remplit . A chaque vol avec du plaisir, du progrès, quelques gouttes d’eau vont remplir le seau. Si on décide de voler dans de mauvaises conditions aérologiques et que l’on se fait peur, le seau se vide brutalement. Le capital confiance se construit lentement et se perd facilement sur 1 vol. Pensez y.

Bien accompagné, vous progresserez mieux en parapente

Parfois, vous aurez l’impression de régresser, vous traverserez des périodes de doute et tout cela s’étendra sur des années.

En résumé

L’entrainement, les connaissances théoriques, la formation améliorent grandement votre mental et la confiance en soi .On a besoin d’un bon mental quand la situation devient tendue et critique. Une situation qui nous stresse et on perd immédiatement 50% de ces capacités techniques.

Le vilain petit Canaud

ROCK THE OUTDOOR, la culture parapente

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