Autorotation après fermeture frontale : l’accident de Pascal en Colombie
Les faits
Après une petite heure de vol, je rejoins un pote parti 20mn plus tôt dans une zone relativement turbulente : en gros, on se fait grave branler, mais on arrive à s’extraire et à passer la crête suivante. Un petit plein pour sauter sur la suivante, re-plein moyen, puis on avance.
Je me décale un peu de la crête, mais ça fonctionne pas, donc je reviens pour passer de l’autre côté, au deuxième barreau (60%), une trentaine de mètres/sol et là je me prends une belle frontale (je vois très bien l’intérieur de mes caissons !), que je bloque (tempo) avec les C.
Là, il y a un blanc dans ma mémoire (j’y reviendrai) et je me retrouve dans une autorotation de ouf, voyant très bien la demi voile droite ouverte, une énorme pression, essayant de contrer à droite cette putain de centrifugeuse à gauche. Il me semble la ralentir mais ça repart de plus belle et plus fort, et je ne sais plus quoi faire, essayant même de tirer le secours, même si je sais que je suis trop bas, mais je ne trouve pas cette putain de poignée et suis conscient que je vais impacter fort.
Je percute sur le dos « fortissimo », le souffle coupé, je reprends mes esprits, bouge mes pieds, et finalement j’arrive à me remettre debout, grosse douleur dans le dos, du mal à respirer, mais apparement rien de cassé (ce qui sera confirmé par les radios et échographies).
Ralentissez et tournes la vue pour plus de compréhension (attention les hauteurs cartes sont fausses)
Réflexion
En cross, nous volons presque tout le temps accéléré sous des voiles de plus en plus rapides.
Nos profils actuels sont très résistants, et du coup, en cas de fermeture, cela peut partir très loin et vite devant voire dessous, entrainant une vitesse de rotation impossible à supporter pour le commun des pilotes. C’est cette violence qui fait que tant de pilotes n’ont pas tiré le secours car plongés dans un état second, pour pas dire dans les pommes ! (un pilote s’est tué dans les mêmes conditions 20km plus loin deux jours plus tôt !)
Sur ce coup là, j’ai grillé un joker et suis vraiment chanceux, après surement une erreur de pilotage et de placement, mais un autre aspect de cette mésaventure, c’est le déclenchement de secours. Mon crash survient en pleine montagne, non loin d’un village, mais pas de route, accès compliqué et, par chance, j’ai du réseau gsm.
Analyse
Il semble que suite à la frontale, il y ait eu un départ en autoratation très violent suite à la fermeture et cravate de la demi aile gauche (possible décro et abattée asymétrique massive suite à la temporisation aux C). Il semble aussi que j’ai perdu connaissance quelques secondes, suite à ce départ si violent, car je vois très bien dans mes souvenirs, la frontale, puis que je suis dans une rotation très forte, mais rien entre les deux !
En étudiant ma trace sur googleearth et sur doarama, après la frontale, ma trajectoire fait presque un 180 °, ce qui m’éloigne du relief très pentu, puis ça plonge (-9m/s) ds l’autorotation.
Il semble donc que j’ai perdu 80 m entre la frontale et l’impact, en moins de 30s, et que j’ai dû tangenter au moment de l’impact (sinon je ne serais pas là à écrire !!!), ce qui a dilué le choc.
Vous me direz « pourquoi tu n’as pas fait secours tout de suite ? », mais pour moi, je suis déjà très bas par rapport au relief et le réflexe est de contrer cette rotation. De plus, je pense que j’ai été victime de l’effet tunnel, après ma reprise de connaissance, mon champ de vision étant très restreint, je reste arc bouté (je pense même que je n’ai pas relâché le barreau) dans mon cocon, pour contrer en regardant ma voile.
Je suis habitué à centrifuger en bi, ou en solo, et je m’entraine régulièrement à -10 voire -15 m/s, mais là, il semble que ce soit en négatif, d’où ma désorientation totale.
Remarques
Il m’est revenu en tête un article d’Alain Zoller (que je ne retrouve pas) sur les problèmes de vitesse d’entrée en rotation dont il a été aussi victime en testant un gun pour une certif EN D, sur les risques totalement ignorés par la certification, de nos nouveaux profils.
Loin de moi d’incriminer le constructeur ou même la voile, cela pouvait arriver à tout à chacun, je pense même sous une voile moins perf ! Nos jouets sont formidables, mais ne banalisons pas le risque en se cachant derrière une certification qui ne veut plus dire grand chose….
J’’avais téléchargé 3 applications indispensables que sont « maps.me, GPS status et life 360 » et qui m’ont permis de savoir où j’étais exactement et d’envoyer ma position gps. Mon forfait me permettait de communiquer, mais il est conseillé de prendre une sim du pays où vous vous trouvez qui souvent ne coûte pas grand chose.
Remerciements
Je voudrai remercier Manu Bonte et Mo pour leur aide (organisateurs ultra compétents de trips parapente mondialement connu et surtout reconnu).
Manu qui a contacté les pompiers du coin me retrouvera 4h plus tard et m’aidera à redescendre jusqu’à une ambulance et grâce à leurs conseils valables pour ceux qui partent voler à l’autre bout du monde où n’existent pas les secours hélico, hôpitaux compétents, etc…
Les observations de Jérôme Canaud
Le contexte
- Très bon pilote qui vole régulièrement toute l’année en cross sur des voiles perf et sur des sites variés.
- L’aérologie est turbulente aux passages de crêtes et confirmée par d’autres pilotes.
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