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Pris dans un goulet, il atterrit à 50 km/h vent arrière

Pris dans un goulet, il atterrit à 50 km/h vent arrière

Cette vidéo a été remarquée par un "pisteur de vidéo buzz" qu'il a proposée à toutes les plateformes de vidéos qui font leur business sur les vidéos spectacle. Sans doute que la plupart d'entre vous l'ont déjà visionnée. Naturellement, nous nous sommes posés la question sur l'intérêt de publier cette vidéo. Nous avons interrogés Jérôme Canaud qui nous a précisé que beaucoup de pilotes ont été surpris par la "situation de merde" dans laquelle s'est retrouvé ce pilote. C'est pourquoi nous avons décidé de contacter le pilote pour nous donner des informations pour mieux comprendre ce vol qui heureusement se termine sans mal pour lui à part quelques coupures.

Le témoignage de Mihhail Lebedko

Mihhail Lebedko habite à Geiranger en Norvège. Il a tout juste une dizaine d’heures de vol et vole déjà avec une Nova Mentor 4. A Geiranger, il existe un site très connu sur lequel viennent s’entraîner de nombreux pilotes acro (voir une vidéo déjà publiée sur le site). Mais, à cause de l’orientation du vent, Mihhail a décidé d’aller voler sur un autre site un peu plus loin : le Mont Dalsnibba.

Je n’ai pas encore beaucoup de vols, ni d’expérience en météorologie. Je viens de rentrer du Népal où j’ai appris à voler un peu. J’ai choisi d’aller voler au Mont Dalsnibba car j’ai déjà vu quelques parapentes voler là-bas. C’était mon deuxième vol sur ce site. Arrivé au sommet, le vent était nord-ouest, j’ai donc décidé de décoller de l’autre côté de la montagne en raison de la direction du vent.

Après le décollage, je pensais que c’était une bonne idée de contourner la montagne pour rejoindre le village. Je me suis retrouvé dans une zone avec des rotors assez forts (que je comprends maintenant). Mon espoir était d’atteindre la vallée, mais ce n’était plus possible. J’ai été très stupide, mais cette expérience m’a donné une grande leçon de vie.”

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Analyse et conseils de Jérôme Canaud

Merci au pilote Mihhail qui nous permet d’analyser ses images. Cette vidéo est difficile à regarder car il subit une chute violente vent arrière dans les cailloux. Il n’a rien heureusement.

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Analyse uniquement à partir des images de la vidéo

Les solutions dans cette situation

Le pilote est très bas, et vent arrière, apparemment près de 50 km/h par rapport au sol si je me réfère à la vitesse des voitures sur cette route de montagne. Il continue vent arrière jusqu’à toucher le sol, en évitant la barrière de sécurité en bord de route, son vol finit dans les rochers en vent arrière!

On peut se poser la question pourquoi ne tente t-il pas de se mettre face au vent, vu que sa finesse de vol ne va pas lui permettre d’aller bien loin ou de passer en vol ce plateau. Il y a eu quelques échanges de posts entre pilotes sur Facebook au sujet de cette vidéo.
Il est possible dans les 5 premières secondes de la vidéo qu’un demi tour à gauche soit encore possible pour se mettre face au vent. J’émets un doute sur la faisabilité d’un 180° pour plusieurs raisons :
– le vent est fort, donc la dérive par rapport au sol va être importante pendant le virage et cela risque de finir dans les rochers avant la fin du demi tour.
– si le pilote filme avec un grand angle, il est difficile d’estimer sa hauteur sol, les images ont tendance à tout éloigner.
– la topographie du terrain correspond plus à un goulet (canyon) qu’un terrain plat, le pilote est enfermé et ne peut pas utiliser toutes les parties plates du terrain.
– la hauteur sol du début de la vidéo pourrait être suffisante sur un terrain plat donc avec un vent horizontal, là, le pilote est dans une descente vent arrière, donc une masse d’air plutôt descendante.

Le pilote sait qu’il ne pourra pas rejoindre la vallée en vol. Il est sûr qu’il va toucher le sol. Les solutions possibles de pilotage dans cette situation très mal engagée afin de limiter les dégâts peuvent être :

J’écris cela avec des pincettes car je ne tiens pas compte de l’état d’esprit du pilote qui doit être dans une grande phase de stress (voire de panique, beaucoup de mouvements de commandes et non pilotage de la trajectoire en vent arrière).

– tenter très tôt au moins un 90° voire plus pour se rapprocher du face au vent. Le virage devra être effectué très à plat (transfert de poids avec peu de commande) pour limiter au max la perte d’altitude car il n’y a pas de hauteur/sol, cela aura comme conséquence une très grande dérive par rapport au sol. Avec de la hauteur/sol, le pilote peut effectuer un 180° avec de l’inclinaison (transfert de poids + commande).

– dernier recours, si le virage n’est pas tenté, continuer vent arrière en suivant la route, en espérant pouvoir glisser en restant assis (courir à cette vitesse avec une sellette est impossible) sur la route (endroit devenu le moins agressif!).

La topographie du terrain correspond plus à un goulet (canyon) qu’un terrain plat, le pilote est enfermé et ne peut pas utiliser toutes les parties plates du terrain (cliquez sur l’image pour découvrir le site avec Google Maps)

Mieux comprendre la situation dans laquelle s’est mis le pilote

Mihhail nous a donné quelques informations qui vont nous permettre de comprendre comment il s’est retrouvé dans cette position sans sortie possible.

Mihhail est un pilote avec très peu d’expérience, une dizaine d’heures de vol effectuées au Népal principalement (donc je suppose en thermique et avec peu de vent). Il vole avec une NOVA Mentor 4, une voile de loisir performante récente. Il a décidé de voler seul sur ce site parce qu’il y a vu déjà quelques voiles. Il y a du vent et il décide de contourner la montagne pour rejoindre la vallée derrière le site. Il vient donc de traverser une zone turbulente avant de se retrouver vent arrière dans ce col. Il s’aperçoit à ce moment là de son erreur et du point de non retour dans lequel il est, et surtout, qu’il n’atteindra pas la vallée comme il l’espérait.

Un cumul de choses qui, prises de manière indépendante, n’auraient que peu de conséquences mais là s’ajoutent pour devenir accidentogènes

Ce contexte qu’il décrit permet de comprendre comment il s’est retrouvé là. Sa très faible expérience ne lui permet pas d’envisager une solution quelconque. On retrouve là un cumul de choses qui, prises de manière indépendante, n’auraient que peu de conséquences mais là s’ajoutent pour devenir accidentogènes :
– très peu de vols du pilote
– nouveau site
– vol seul, pas de conseil, pas de pilote plus expérimenté l’accompagnant
– aérologie locale inconnue ou non analysée
– plan de vol ne tenant pas compte de l’aérologie
– connaissances théoriques inexistantes (pièges aérologiques) : il a découvert les turbulences sous le vent
– vol avec du vent et dans une aérologie différente de celle vécue lors de sa formation.
– le matériel, je ne pense pas que ce soit un élément aggravant ici.

Vent de Nord Ouest, il décide de contourner la montagne pour rejoindre la vallée derrière le site et traverse une zone turbulente avant de se retrouver vent arrière dans ce col (cliquez sur l’image pour découvrir le relief du site)

Au niveau mental

Au niveau mental, le pilote, avec si peu d’expérience et découvrant tout ce qui lui arrive en vitesse réelle (aucune anticipation possible), a dû vivre un grand moment de stress, voire de panique. En effet, à cette hauteur et vu la vitesse-sol, il est très difficile de rester lucide. Son stress l’a submergé et l’a bloqué, l’empêchant de faire une action. Il a attendu l’impact, il a attendu que ce mauvais film s’arrête.

Il faut espérer qu’il comprenne tout ce qui s’est passé chronologiquement, comment il a fait pour se retrouver dans cette situation. Cela lui permettra de ne pas être trop affecté dans le temps, de reconstruire son capital confiance qui a du complètement disparaître lors de ce vol. Cela prend du temps.

Vos commentaires sont les bienvenus.

  • Analyse de la vidéo et conseils : Jérôme Canaud / Ecole Courant d’R / La Réunion / jeromecanaud(at)hotmail.fr / Facebook
  • Relation avec le pilote et recherches cartographiques : ROCK THE OUTDOOR
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