• Home
  • /CONSEILS
  • /Interrompre un vol avec vent fort à l’arrivée d’un front pluvieux
Interrompre un vol avec vent fort à l’arrivée d’un front pluvieux

Interrompre un vol avec vent fort à l’arrivée d’un front pluvieux

Esteban Botero est un pilote colombien qui pratique le parapente depuis quatre ans. Son vol se déroulait lors d’une manche d’un championnat national (Copa de Occidente). Les organisateurs ont arrêté la 2è manche à cause d’un front pluvieux s’annonçant mais Esteban espérait avoir le temps de rejoindre la ville Anzá.

« Je vole généralement dans un endroit très diffèrent de celui-ci, en particulier dans l’Ansermanuevo dans la Valle del Cauca, site similaire au site célèbre de Roldanillo. La progression des pluies est beaucoup plus rapide.

Les organisateurs ont stoppé la manche à cause du front pluvieux s’annonçant. Mon erreur a été de ne pas me poser immédiatement et de vouloir me rendre vers Anzá. Mais le vent a commencé à me faire reculer. Pour éviter de monter et de passer derrière les montagnes, j’ai fait les oreilles et des wings pour perdre de la hauteur.Ici, à Sopetrán, Antioquia présente une topographie beaucoup plus agressive avec des petites vallées et des montagnes avec des canyons… Après l’atterrissage, j’ai pensé que j’avais eu beaucoup de chance parce que cela aurait pû être très grave ».

Esteban Botero

horizontal break

L’analyse et les conseils de Jérôme Canaud

Contexte de vol

Mon analyse et ce que l’on peut tirer de ces images

– milieu de journée, masse d’air instable (nuages), aérologie de montagne,
-un grain (pluie ) est visible devant. La pluie va jusqu’au sol dans la vallée,
– le début de la vidéo : le pilote s’est déjà rendu compte que l’aérologie s’est dégradée : ascendances fortes, vent soutenu,
– le pilote décide de poser rapidement donc sur les hauteurs dégagées (peut-être le déco avec les antennes?).

Remarques

– au niveau aérologie, la pluie en face provoque une descente d’air froid qui va booster l’aérologie de l’autre coté (où se situe le pilote) en provoquant une ascendance plus forte accélérée par le relief et surement renforcer la brise et/ou le vent.
– le pilote a bien un accélérateur mais il ne s’en sert pas (il n’y pense pas? il est mal réglé? il ne peut l’attraper? Il ne s’en ai jamais servi?).
– il n’y a pas d’ascendance à 10m/s (son du vario!)
– l’aérologie n’est pas excessivement turbulente, les mouvements importants sont provoqués par le pilotage : un pilotage aux oreilles par transfert de poids marqué provoque beaucoup de roulis.
– la force du vent est soutenue mais pas « tempétueuse » : en effet, le pilote n’avance pas ou peu car il est aux oreilles (traînée importante) avec un peu de frein (hauteur des mains pour faire les grosses oreilles). Les arbres ne bougent pas excessivement, il n’y a pas de vent ou peu quand il pose. La phase de recul se voit bien quand le pilote passe derrière le relief, il est alors dans des filets d’air horizontaux : il ne monte plus et n’avance plus voire recule. Quand il passe derrière la crête aux antennes, ce n’est pas très turbulent, il est pourtant sous le vent.
– le pilote n’a pas de gants pour le protéger les doigts quand il fait les oreilles

Le pilote se rend compte trop tard de l’évolution de l’aérologie. L’instabilité est marquée. A t-il décollé alors que ce n’était pas terrible ou bien était-il en l’air quand cela c’est dégradé? Il se fait surprendre en volant trop longtemps dans ces conditions.On ne sait pas dans quel contexte il vole: est il seul? (à priori non car il a une radio), fait -il du cross? Vole-t-il en local?

Ce point peut se résumer par un manque d’anticipation de l’évolution météo/aérologie

Sa décision de vouloir poser rapidement et en hauteur est plutôt bonne. C’est ce qu’il y a de plus rapide si la dégradation s’accélère et en même temps la plus technique (poser dans de la pente dans une aérologie soutenue, sans trop de portes de sortie). Les vallées derrières ne donnent pas trop envie d’aller se vacher. Il se débrouille plutôt bien.

Sa prise de décision (tardive) dans un environnement aérologique se dégradant est bonne

Un point important à relever, c’est que dans la situation qui devient urgente ou que l’on rend urgente, cela entraîne un mode « panique », l’objectif étant de poser à tout pris. C’est là qu’il faut être très attentif à ne pas se mettre en danger par un pilotage inadapté, violent. Rester lucide, réfléchi, limiter les dégâts.

– au niveau pilotage : oreilles + accélérateur lui aurait permis de faire des wings moins appuyés, d’avancer et de descendre en même temps, peut être d’être plus serein dans cette situation. Le pilote a quand même une certaine chance avec son posé sans trop d’encombres au vu des passages engagés près des arbres et du relief sur la minute d’avant.

– je n’ai pas assez de recul sur le site pour savoir s’il y avait d’autres portes de sortie en allant plus loin. En tout cas ne pas aller dans la vallée juste en dessous est un bon choix à mon avis.

horizontal break

En conclusion

Je dirai que le mental du pilote a pris un sacré coup et qu’il va falloir du temps pour remplir à nouveau son capital confiance. En parapente, ce capital se vide très vite et est long à remplir. Cela passe par des vols plus relax, analyse des conditions aérologiques, connaissances théoriques, pilotage au sol….
Certains pilotes avec un bon mental (dû à une bonne expérience en parapente et dans d’autres sports) peuvent être moins affectés psychologiquement que d’autres.
Les pilotes masculins montrent peu s’ils sont affectés. S’ils ont eu peur, ils n’en parlent peu. Donc souvent plus difficiles à être aidés (égo, image de soi, regard des autres, compétition,…).

D’autres avis sur cette vidéo sont bien sûr les bienvenus 🙂 Bons vols.

Jérôme Canaud

horizontal break
horizontal break

Laisser un commentaire