Eric surpris par un vent trop fort finit derrière la pente
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Eric a volé sur le site du Marais Vernier un jour où le vent est devenu fort. Il a subi 2 fermetures asymétriques et n’a pas utilisé son accélérateur, ce qui l’a améné derrière la pente et à faire un posé derrière le sommet : « je m’en suis sorti in-extremis après avoir subi l’essoreuse derrière le sommet ».
Suite aux indications météo prises, l’orientation et la force du vent pour cette journée était prometteuse. L’émagramme ne prévoyait pas de vent soutenu dans la couche intermédiaire. Par contre, ce qui avait attiré mon attention, c’était que nous étions à la séparation de 2 zones de vent (la moins forte sur notre secteur).
La journée a commencé par du beau temps froid avec un vent faible à 10h. A 12h, les conditions avaient évolué mais étaient encore trop justes pour voler. Un front nuageux se trouvait en face de nous. Il a fini par venir au dessus de nous, faisant monter le vent.
J’ai fait 2 vols avec posé dans la foulée. Lorsque je suis remonté (aprés le deuxième), le vent avait nettement monté et beaucoup de pilotes s’étaient posés parce qu’ils étaient scotchés en l’air.
Après, le vent est redescendu d’un cran. Des locaux ont décollé et j’ai donc décidé moi aussi de redécoller. Mon déco était plutôt moyen, lié à une sortie avec une perte d’altitude. Je suis parti sur la gauche avec un vol travers au vent. Je ne perdais plus d’altitude et montais mais très doucement .
J’ai fait 2 aller-retours et je me suis retrouvé au même niveau que les autres (à peu prés 100 m au dessus du sommet dans le 1/3 de la pente)
Dans un aller, je me suis fait doubler par une autre aile qui est revenue avec un groupe de 5 se trouvant à une bonne cinquantaine de mètres face à moi. Pour les suivre, je me suis mis face au vent.
Premier problème : J’ai mis de l’accélérateur mais mollement et je ne l’ai pas gardé car je ne voulais pas perdre d’altitude
Au moment où je rencontre le premier problème, je suis à 100 mètres au dessus du sommet avec un vent soutenu dans lequel je n’avance pas mais je ne recule pas de manière significative. Jusque là, je volais en crabe. Je tourne face au vent me laissant distraire par les voiles qui reviennent mais qui sont entre 50 et 100 mètres devant moi.
J’étais bras hauts, en position statique et j’avais décidé de me diriger vers le déco lorsque j’ai commencé à reculer doucement. J’ai mis de l’accélérateur mais mollement et je ne l’ai pas gardé car je ne voulais pas perdre d’altitude. Je tourne légèrement et je prends une première fermeture d’une 1/2 voile côté gauche. La voile regonfle après une action sur le frein.
Je commence à être sérieusement balloté et surtout, je vois que je suis passé nettement derrière le sommet.
Je me remets face vent pour voir si je peux avancer et je subis à nouveau une fermeture d’environ 1/2 voile me ramenant à une cinquantaine de mètres au dessus du sommet des arbres. Même action pour reconstruire la voile. Voyant que je ne peux plus revenir dans la pente, je pars vent arrière.
Je cherche un endroit pour me poser. J’ai un premier choix : un couloir entre 2 lignes d’arbres serrés « 50 mètres » puis un grand champ sur ma droite. Je suis déja bas, j’arrive à passer dans un espacement entre les arbres, j »ai le champ en visu mais il y un troupeau de vaches et je me décale vers ma gauche. Je suis toujours très chahuté latéralement car j’ai le vent de côté et je n’ai pas la possibilité de tourner pour me mettre face vent. Le sol est proche avec une vitesse qui augmente.
A hauteur pour me poser, je commence à freiner alors que je voyais me prendre une tôle, la voile se stabilise et me pose sans encombre.
Quelques recommandations sur le site parapente Marais Vernier
Dénivelé : 80 m – Orientation : Nord Est
Il est conseillé de ne jamais voler seul sur ce site. Le décollage est assez difficile et déconseillé en cas de vent de travers parce qu’il est engoncé dans un bois. Il faut s’assurer que le vent est bien dans l’axe (Nord Est). Risque de venturi. Le vent peut forcir à tout moment donc il est important d’être équipé d’un accélérateur.
Conclusion
Les collègues me disent que j’étais trop sur le haut du sommet et que j’ai pris le rouleau. Je pense avoir eu la chance du débutant même si je suis resté actif et déterminé pour sortir de cette situation. Ce que je veux transmettre, c’est qu’il faut y croire jusqu’au bout ,rien n’est perdu.
Avant cet incident, les récits des moniteurs me mettant en garde sur ce genre de situation me paraissaient exceptionnels et ne semblait pas me concerner. Ouf
Eric
Mes erreurs :
– j’ai volé avec un vent à la limite de la vitesse de ma voile non accélérée
– le fait de ne pas vouloir perdre de hauteur m’a fait agir trop mollement dans l’usage de l’accélérateur
– la voile avec laquelle je volais était une Escape S11 L de PTV 97 à 123 Kg alors que mon PTV est de 100kg (donc bas de fourchette)
J’ai maintenant une voile Prion 3 M de PTV 90 à 110 kg où je suis en milieu de fourchette.

Les observations de Jérôme Canaud

Jérôme ne prend pas de pincettes ici avec son discours un peu direct mais « c’est un comportement accidentogène, trés classique et le pilote n’a pas l’air de s’en rendre vraiment compte avant, pendant et après. il ne remet pas en question son expérience, ses connaissances et son analyse, par contre le matériel oui !’
Eric, dans son récit, annonce clairement le cumul des erreurs depuis trés tôt, bien avant le vol :
– météo limite avec zone de vent fort possible,
– ne pas tenir compte de l’aérologie et de son évolution vent correct, vent fort, puis moins de vent,
– ne tient pas compte de sa toute petite expérience en parapente. Le vol libre n’a rien à voir avec la chute libre. En chute libre, la décison de monter dans l’avion est prise par une personne extérieure (responsable des sauts du jour). en vol libre chaque pilote doit décider par lui même suite à sa propre analyse.
On lit un manque d’expériences techniques, placement, utilisation de l’accélérateur… La chose la plus importante à mon avis, c’est qu’Eric suit d’autres pilotes qui n’ont pas du tout le même niveau technique, ni la même connaissance du site. Il y a également un manque de connaissances théoriques flagrant sur l’aérologie, la météo, les capacités et les limites du vol en parapente.
Eric s’en sort bien, comme souvent en parapente qui pardonne beaucoup grâce à sa faible vitesse. J’espère que cet événement va lui donner envie d’apprendre et de se rendre compte de son réel niveau technique personnel. Si Eric a déjà passé son brevet théorique avec succès 351/360), passer le brevet de pilote sera un bon début pour commencer à suivre ses collègues à condition que l’aérologie reste raisonnable.
Je vois aussi la connaissance du site. C’est un site avec peu de dénivelé et une grande plaine devant, il est sûr que quand le vent (vent météo) forcit conjugué à un mauvais placement , ça doit souvent reculer dans le coin.
Ce n’est pas parce que l’on ne se fait pas mal que ce type d’incident est anodin. Cela a tendance à mettre une grande claque dans le capital confiance du pilote, et il faudra un peu de temps pour le reconstruire. Cela se fera par les connaissances théoriques du vol libre et des vols dans des conditions plus relax même si on reste moins longtemps en l’air que les copains.

Vidéo d’un autre pilote qui s’est fait reculer sur le site de Marais Vernier
Lui avait la chance d’être beaucoup plus haut qu’Eric. Il n’accélére pas alors que c’est possible (ne sait pas faire, ne se rend pas compte, pas d’accélérateur ????) et surtout il va poser à l’arrache vent arrière en passant entre des arbres et une maison alors qu’il a sous les pieds des champs corrects pour poser face au vent !
La vidéo date d’il y a 5 ans. Je devais être dans ma deuxième année de vol (sous EN-A). Pour info, ce jour là, on a été confronté à la rentrée de la brise de mer (augmentation de 10 à 15 km/h en très peu de temps).
3 ou 4 pilotes, y compris des expérimentés, se sont fait « piéger » (ils sont partis beaucoup plus vite vent de cul et ont posé dans l’autre vallée).
Beaucoup de viscosité mentale !
L’erreur principale est de ne pas fuir vent de cul plus rapidement quand je détecte que je suis incapable de repasser au dessus de la crête.
J’hésite pendant au moins deux minutes. Il faut savoir que derrière moi c’est de la forêt (ce qui me bloque au lieu de fuir en crabant).
Je sors l’accélérateur beaucoup trop tard : je reste scotché et augmente le taux de chute donc le relâche pour diminuer le taux de chute.
Je veux absolument éviter le champ à droite qui n’est pas accueillant : forcément dans le rouleau et des lignes électriques + téléphoniques (que l’on ne voit pas sur la vidéo)
C’est la première fois que je me faisais reculer…
Je vole souvent sur ce site et j’évite absolument de dépasser la crête sans une hauteur substantielle surtout que l’extraction se fait souvent devant.
Il y a en moyenne 1 ou 2 arbrissages par an sur ce site. Je dois y voler 20 ou 30 heures par an maintenant (moins de 10 mn de chez moi).

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