
Collision en vol parapente avec une ligne à très haute tension
Le témoignage du pilote
Je ne vole pas habituellement là-bas, j’étais de passage. Cependant, je savais qu’ il y avait 2 lignes haute tension, toutes les deux de 500KV. J’ai passé sans problème à plus de 150 mètres au-dessus de la première ligne. Quand j’ai vu la deuxième ligne, j’étais à 20 ou 25 mètres au dessus. L’erreur principale que j’ai commise a été d’essayer de croiser les câbles avec une faible hauteur.
Description de l’incident
Ma première erreur a été de penser qu’avec ma faible hauteur, je pouvais la traverser. Quand je me suis trouvé à environ 5 mètres de la ligne, j’ai eu un courant descendant qui m’a abaissé vers les câbles.
L’aile s’est enroulée sur le câble supérieur et je me trouvais entre les câbles. Un câble m’a touché le front et un autre était très proche de mon pied droit, j’ai eu beaucoup de chance de ne pas me retrouver “rôti”.
A 0:45, la voile s’est déroulée et j’ai commencé à tomber en vrille avec seulement la moitié de l’aile gonflée. A 0:52, je lance le parachute de secours, il ne s’ouvre pas et je suis penché sur le côté. Je le relance mais il ne s’ouvre pas non plus.
J’avais les commandes emmêlées. A 1:09, avant de toucher le sol, j’ai réussi à démêler la poignée gauche et à la tirer complètement. L’aile a cessé de tourner, puis j’ai heurté le sol. Ce sont mes pieds qui ont d’abord touché le sol (calcanéum gauche fracturé), puis mon postérieur (coccyx et vertèbres fracturés).

Analyse et conseils
Premières réactions
Ce pilote prend beaucoup de risques en pensant qu’il va pouvoir passer 2 lignes à haute tension qui sont devant lui. Quand tu te poses la question, je pense que ce n’est déjà pas une bonne idée ! Ce n’est pas comme tenter de traverser une forêt sans posé possible, ce n’est pas la même prise de risque….
Soit, il ne se rend pas compte du danger potentiel de cette prise de risque, soit il a été trop sûr de lui en ne prenant aucune marge. Se vraquer dans des lignes haute tension, c’est quand même un des cauchemars d’un parapentiste normalement constitué.
Un sacré cumul de prises de risques !
– Méconnaissance du site
– Savoir qu’il y a 2 grosses lignes et y aller quand même. Je ne sais pas si ce pilote a été briefé sur le site (plan de vol, aérologie, pièges, comment les anticiper, les portes de sorties,…)
– Penser que passer à 150 m au dessus d’une ligne à haute tension est confortable ! surtout que c’est 150 m au dessus des câbles (il y a une flèche énorme avec la distance) et non au dessus des pylônes. De passer au dessus des pylônes permet d’avoir un meilleur visuel sur sa hauteur et surtout de faciliter la prise de décision.
– Penser (méconnaissance ?) ou ne pas tenir compte que l’aérologie peut être favorable ou défavorable pour le choix de continuer ou simplement envisager cette ligne droite survolant 2 lignes haute tension. Donc, ce n’est même pas suicidaire, c’est simplement dû à un manque d’expériences, de méconnaissances importantes de l’activité (finesse face au vent, évolution de la masse d’air).
– Le pilote pense que ce qu’il vit à l’instant T (passage à 150 m au dessus de la ligne : la finesse qu’il a, son pilotage, l’aérologie qu’il traverse,…) sera identique 10 minutes après. Comme si son “analyse” (s’il y en a une) sera valable même 10 minutes après.
– Un manque d’adaptation à ce qui se passe concrètement. En passant à 150 m au dessus de la première ligne, cela aurait peut-être dû lui dire à l’oreille de faire demi tour et ne pas insister. Trop aléatoire.
– Trop optimiste, il ne se rend pas compte, ne prends pas réellement de marge ou pense en prendre.
« Ce n’est que mon avis , n’hésitez pas à donner aussi le vôtre »
Jérôme Canaud – Ecole Courant d’R – Masterclass Wingmaster
Les leçons à en tirer ?
Quelques consignes quand on va voler sur un nouveau site
Se renseigner (infos, pilotes locaux) et avoir la capacité de faire une analyse complète de son plan de vol afin d’identifier tous les dangers et d’écarter les risques surtout si on n’est pas un expert.
- bien connaître les caractéristiques et dangers du site,
- se renseigner auprès des pilotes locaux (ex : se poser la question “pourquoi personne ne vole maintenant ?”)
- avoir de réelles capacités d’analyse (par rapport aux dangers du site, le vol est-il envisageable en fonction des conditions et de son niveau)
- avoir une méthode de décision à suivre scrupuleusement (lire cet article de Jean Marc Galan sur la SIGR – Stratégie Individuelles de Gestion des Risques)
“Ces conseils sont les miens, n’hésitez pas à donner aussi les vôtres”
René – Administrateur du site
