Ouverture intempestive du secours après le décollage
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Poignée détachée lors de gonflages avant le décollage, le témoignage de Jimmy
Je suppose que la poignée s’est décrochée lorsque j’ai trébuché pendant ma demi heure habituelle de gonflage avant le déco. L’erreur, c’est de ne pas avoir vérifier ma poignée au moment de me relever. Bien que cinq/dix minutes se sont écoulées avant mon déco devant une dizaine de pilotes, personne ne s’est aperçu du problème. La vérification de ma poignée de secours est sortie de ma liste de prévol sans que je m’en rende compte (sans problème avec celle-ci depuis 20 ans), erreur ! Rappel, faire de temps en temps une vérif de sa check list car on peut omettre des choses au fil du temps.
J’ai été averti directement après mon décollage. Je me suis éloigné du relief (90m de dénivelé) pour analyser le problème. Comme j’ai décollé dans un cycle thermique et que c’était turbulent, il m’était difficile de lâcher les commandes pour, par exemple, sortir le pod et le coincer entre mes jambes. De plus, je redoutais qu’il s’ouvre pendant la manoeuvre.
Le site de Trooz a un dénivelé est de 90 mètres. Il est connu pour être particulièrement turbulent (pas ce jour-là). L’atterro au pied du site est vaste mais légèrement en pente. Les thermiques le parcourent en remontant celle-ci, rendant le posé parfois compliqué. L’atterro est coupé en deux par une ligne électrique non gainée de 380 volts. Il aurait fallu la survoler pour poser sur la partie la plus calme du terrain, pas trop envie de le faire.
J’ai donc décidé de poser au plus vite sur le déco mais le thermique était toujours là et ça a pris plus de temps que je l’espérais. Lorsqu’on m’a signalé son extraction, je me suis remis bien face à la pente. La prise en charge par le parachute a été très douce et le posé également. Il ne fallait pas cinq mètres de moins à l’ouverture !
Jimmy
Analyse et conseils de Jérôme Canaud
Jérôme est un peu surpris par l’analyse et l’action du pilote mais aussi par le comportement des pilotes extérieurs. Voici ses commentaires.
Analyse de l’incident
Le pilote fait du soaring devant le déco, aucun mouvement en tangage et en roulis ne montre une masse d’air turbulente. L’aérologie semble plutôt calme, thermodynamique, pas très turbulente. Il prend des risques en ne prenant pas son secours sur les genoux. C’est ce qu’il fallait faire ici et dans ce contexte aérologique.
Le fait qu’il soit dans de l’ascendance et à 30km/h environ, le secours va s’ouvrir assez rapidement et surtout descendre doucement . Vu la faible hauteur, le pilote n’a pas fait d’action après l’ouverture, il pouvait tracter les arrières par exemple pour maintenir la voile devant lui quasiment ouverte et éviter le risque que la voile lui vienne dans les pieds.
La vérif du secours fait partie de la prévol !
Un truc simple à se rappeler : 100% des ouvertures intempestives du secours après le déco ont lieu parce qu’il n’y a pas eu de vérification !
Jimmy n’a pas osé attraper son pod pour le poser sur ses genoux
On ne voit, sur la vidéo, que la moitié du vol. La première partie était plus turbulente, rien de cataclysmique mais cela m’a empêché de lacher les commandes sereinement pour essayer de sortir mon pod pour le mettre sur mes genoux, ce à quoi j’avais évidemment pensé. On a chacun son seuil de tolérance à la turbulence. J’ai tout de même lâché une commande pour palper le problème. La poche de mon secours se trouvant assez loin en arrière rend la manoeuvre d’extraction du pod à une main compliqué. A cela, s’est ajouté une peur infondée de voir le secours se déployer sur le chemin entre la poche et mes genoux…
Jimmy
Je ne critique pas le comportement dans le contexte stressant dû à la proximité du sol, la turbulence et la poignée sortie. Les images montrent bien un vol en aérologie peu turbulente avec du vent. Dans ce contexte, les commandes auraient pû être lachées (au moins une), sinon pilotage à une main pour libérer la main droite.
Sur ce point, on se rend compte que le stress empêche de faire une manœuvre simple qui aurait pû arranger grandement le problème. L’incertitude du pilote de tirer le secours pour le poser entre tes genoux a certainement été le facteur qui ne lui a pas fait tenter la manœuvre.
Piste de travail
Se mettre sur un portique et tirer son secours pour le mettre sur ses genoux. Ça permet aussi de se rendre compte de son pliage, c’est à dire des 80 cm nécessaires de suspentes hors du pod. Ça permet aussi de mieux connaître mieux sa sellette.
L’entourage
Je réagis à la non réaction des pilotes autour avant qu’il décolle, après son gonflage de 30 minutes. Avec 10 pilotes au déco qui le voit gonfler, au moins 1 aurait dû voir sa poignée décrochée et lui dire de ne pas décoller.
Et attention à l’ambiance qui règne autour de cet incident qui pouvait être plus grave, plutôt relax, pas bien méchant…
Piste de travail
Si ce sont des pilotes d’un même club (ou pas d’ailleurs), les réunir et parler du fait que chacun se regarde sur les phases de déco afin de faire des double ou triple vérifications visuelles… (voir conseils de Jean Marc Galan ci-dessous).
Jérôme Canaud – Ecole Courant d’R – Conseiller de la Masterclass Wingmaster
Recommandations de Jean Marc Galan
Tu me check ?
Pour éviter ce type d’oubli, d’autres sports ont depuis longtemps adopté le « Partner check » (escalade, spéléo, parachutisme, plongée… ). En vol libre, la pratique est habituelle en école ou au treuil. Certains clubs généralisent le « Partner check » à la pratique courante du vol sur site. Outre la prévention des oublis d’attache, le « Partner check » à des effets secondaires positifs. Il n’est pas rare d’assister à ce type d’échange :
« Tu me check STP ? »
« Oui, c’est bon, tu es accroché… ah tiens, c’est pas bête la façon dont tu fixes ton vario ! »
ou encore :
« Oui, c’est bon, tu es accroché… euh, tu arrives à attraper ton accélérateur avec ce réglage ? ? »
ou encore :
« Oui, c’est bon, tu es accroché… euh, tu es sûr que tu veux decoller tout de suite ? C’est vachement rafaleux depuis 15 min »
« Gérer les risques en parapente »
Le livre « Gérer les risques en parapente » de Jean Marc Galan est un outil que tout parapentiste devrait posséder parce qu’il nous guide pour adopter une posture permettant de combiner à la fois performances, plaisir et sécurité. Jean-Marc, étant au demeurant un excellent vulgarisateur, son livre s’avère de plus très abordable.
« Une approche pragmatique qui intéressera tous les pilotes soucieux de minimiser les risques dans leurs pratiques. Du débutant au pilote chevronné, chacun peut y trouver des conseils concrets. » – Guillaume Chatain, double vainqueur de la CFD
Découvrez la présentation du livre et l’interview de son auteur : Jean Marc Galan